BLOGUE. Peu d’entreprises ont un historique de 50 ans ou plus en bourse, encore moins au Canada. Il y a bien les banques canadiennes qui existent depuis très longtemps, mais très peu de sociétés boursières actuelles étaient cotées en bourse il y a 50 ans – par exemple, j’ai réussi à trouver les données sur le titre de la Banque Royale depuis 1972. Je me suis amusé à regarder la liste des sociétés suivies par Value Line pour tenter d’identifier ces doyennes de la bourse américains. Il y en a quelques-unes mais elles sont encore une fois très rares. Voici celles que j’ai pu identifier et les rendements annuels composés que ces titres ont procurés à leurs actionnaires au cours des 50 dernières années (tous les rendements mentionnés excluant les dividendes) ou dans certains cas, depuis 1970 :
Société Temps écoulé (ans) Rendement annualisé
Alcoa 50 2,65 %
E.I. du Pont 50 7,32 %
GE 50 3,17 %
Hewlett-Packard 50 10,98 %
IBM 50 6,81 %
Boeing 50 11,45 %
Walt Disney 50 14,15 %
3M 44 7,07 %
Exxon 44 9,37 %
Goodyear 44 0,92 %
International Paper 44 6,47 %
Johnson & Johnson 44 10,30 %
McDonald's 44 13,52 %
Procter & Gamble 44 9,32 %
Banque Royale 42 8,55 %
À mon avis, cette liste est peut-être plus révélatrice par ce qu’elle « ne dit pas » que par ce qu’elle « dit ». À part Alcoa, International Paper et Exxon, je n’ai pas réussi à trouver de titres des secteurs des ressources naturelles qui sont cotés en bourse depuis 50 ans. Pas de sociétés aériennes non plus, ni de fabricants d’autos…
Les entreprises identifiées sont principalement actives dans des secteurs industriels (3M, GE), de consommation (Coca-Cola, McDonald’s), de la santé (Johnson & Johnson) et de la technologie (IBM).
D’autre part, les rendements obtenus par ces sociétés sont intéressants. Je constate par exemple que le rendement annuel composé du titre d’Alcoa depuis 1964 n’est que 3,4 %. C’est bien peu et un investisseur aurait probablement été mieux servi et aurait pris beaucoup moins de risque en investissant dans des obligations gouvernementales au cours de la même période. Même constats pour Du Pont (3,2 %) et Goodyear (0,9 %).
Les Nifty Fifty
Les Nifty Fifty
Je note également que plusieurs des meilleurs rendements obtenus par ces doyennes ne sont pas très élevés. Par exemple, j’aurais cru que le rendement d’IBM (6,8 %) ou de Coca-Cola (7,3 %) auraient été plus élevés. Cela est probablement dû au fait que les marchés boursiers étaient anormalement chers dans les années 60. Rappelez-vous que c’était l’époque des « Nifty Fifty », un terme qui désignait les 50 grandes sociétés populaires des années 60 et 70 avec lesquels les investisseurs croyaient ne pas pouvoir perdre d’argent. Parmi ces 50 titres, on comptait entre autres Coca-Cola, GE, IBM, Johnson & Johnson, 3M, Procter & Gamble et Walt Disney. Ces titres s’échangeaient alors à des ratios d’évaluation très élevés. Cela se reflète également dans la performance du S&P 500 au cours de la période : son rendement annuel composé depuis 1964 n’a été que de 6,4 %, sensiblement moins que le rendement historique du marché boursier depuis 1925 qui surpasse les 10 %. Ce constat démontre bien qu’il n’est pas suffisant d’acheter des sociétés de qualité et les conserver à long terme, encore faut-il les acheter à un prix raisonnable.
Mais même si ce ne sont pas des rendements très élevés, rappelez-vous qu’un rendement annuel composé de « seulement » 7,1 % depuis 1964 aurait transformé un investissement de 10 000 $ en près de 309 000 $. Et n’oubliez pas que les rendements rapportés excluent les dividendes qui peuvent, dans certains cas, augmenter sensiblement les rendements réels (pensez à la Banque Royale).
Cela dit, certaines sociétés de la liste ont obtenu de meilleurs rendements au cours des 50 dernières années, dont Walt Disney, McDonald’s, Boeing et Hewlett-Packard. Qu’est-ce qui les caractérise?
En premier lieu, pour la plupart, ce sont des sociétés qui sont actives dans des secteurs très terre à terre et qui ne changent pas beaucoup avec les années. Cette caractéristique est particulièrement importante car les modes ont eu le temps de changer bien des fois pendant 50 ans. Ce sont aussi généralement des sociétés qui n’ont pas à effectuer énormément d’investissements en capital (exception : Boeing) et qui dégagent des rendements sur le capital élevé. Ces caractéristiques leur ont permis de traverser de nombreuses crises et récessions.
Si je vous donnais 10 000 $ pour investir dans un seul titre en bourse, à la condition que vous ne puissiez le vendre avant 2064. Je crois qu’il est probable que le genre de titres que vous choisiriez aurait ces mêmes caractéristiques : un secteur peu cyclique, un produit ou un service essentiel qui ne devrait pas changer au cours des prochaines décennies et un rendement sur le capital plus élevé que la moyenne. Bien entendu, vous voudriez également l’acheter à un prix que vous considérez raisonnable.
Ne devrait-on pas toujours investir de la sorte?
Philippe Le Blanc, CFA, MBA
À propos de ce blogue : Philippe Le Blanc est gestionnaire de portefeuille chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100.