Qui d'entre nous ne s'est jamais dit : «Si c'est moi qui avais le pouvoir, ça se passerait autrement, ça se passerait mieux»? Hein? On se convainc que tout se déroulerait au mieux, pour ne pas dire à la perfection. Mais voilà, arrive toujours ce fameux jour où nous avons réellement le pouvoir – il nous faut diriger une réunion, prendre en mains un projet, etc. Et que se passe-t-il? Rien de particulier : les résultats ne sont pas si transcendants que ça, personne ne vient à la toute fin nous taper sur l'épaule pour nous remercier d'avoir été un si bel exemple de leadership. Nous n'avons pas fait d'étincelles.
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Pourquoi? Oui, pourquoi, alors que nous étions sûrs de notre fait? Une étude apporte, je pense, une réponse lumineuse à cette interrogation existentielle. Celle-ci est intitulée When power makes others speechless: The negative impact of leader power on team performance. Elle est signée par : Leigh Plunkett Tost, professeure de management à l'École de commerce Ross (États-Unis); Francesca Gino, professeure de gestion des affaires à Harvard (États-Unis); et Richard Larrick, professeur de management à l'École de commerce Fuqua (États-Unis).
Les trois chercheurs se sont demandé si le fait qu'un leader éprouve la sensation d'avoir du pouvoir nuisait, ou pas, à la performance de son équipe. Pour le savoir, ils ont procédé à une expérience très simple, basée sur un classique des cours de MBA à Harvard : la simulation d'une expédition sur l'Everest.
Ainsi, une centaine d'étudiants ont été répartis en équipes de cinq personnes, chacun devant jouer un rôle : le leader, le photographe, le médecin, l'environnementaliste et le marathonien. Chacun était placé devant un ordinateur. Les membres de l'équipe pouvaient communiquer entre eux oralement ou par l'entremise du système de messagerie du jeu. Ils avaient 80 minutes pour atteindre le sommet, ce qui ne pouvait se faire qu'en prenant des décisions concertées et avisées (gestion de la nourriture, des bouteilles d'oxygène, de l'état de fatigue des uns et des autres, des imprévus météorologiques, etc.).
Pour les besoins de l'expérience, une variante a été apportée à la simulation habituelle. Les trois chercheurs se sont en effet assuré que le leader – dans la moitié des équipes – se sente investi d'un grand pouvoir. Comment? En l'influençant subtilement : juste avant l'expérience, il lui a été demandé de rédiger un court texte sur un moment de sa vie où il avait eu le plein contrôle sur une situation et où cela lui avait permis de briller comme jamais. Un truc qui marche à tous les coups lorsqu'il s'agit de se gonfler à bloc…
Résultats? Ils sont sans appel :
> Parole. Le leader qui sent qu'il a du pouvoir a tendance à monopoliser la parole.
> Ouverture. Le leader qui sent qu'il a du pouvoir est perçu par les autres comme peu ouvert aux suggestions d'autrui.
> Performance. Les équipes dirigées par un leader qui sent qu'il a du pouvoir ont affiché une performante nettement inférieure à celle des équipes dirigées par un leader "normal", c'est-à-dire dont l'ego n'a pas été boosté.
Les trois chercheurs ont procédé à deux autres expériences similaires. Cela leur a aussi permis de découvrir que :
> Un effet réversible. L'influence négative du leader qui sent qu'il a du pouvoir est atténuée dès lors qu'on rappelle à celui-ci que le succès ne peut survenir que si toute l'équipe est mise à contribution.
Du coup, l'étude indique qu'il a moyen d'éviter que le leader ne se mette à jouer le "petit boss", c'est-à-dire ne sombre dans les travers de l'autocratie. Plus précisément, il y a quatre moyens envisageables :
> Modifier la structure de l'équipe. Un truc pour diminuer l'ego du leader est de rendre la structure de l'équipe plus plate, c'est-à-dire d'attribuer moins de pouvoirs formels au leader.
> Inviter le leader à s'ouvrir aux autres. Un autre truc consiste à indiquer au leader que la meilleure façon de réussir est d'user des talents de tous les membres de son équipe. Et non pas en n'en faisant qu'à sa guise, en considérant les autres comme les simples instruments d'une victoire personnelle.
> Inciter le leader à mieux communiquer. Un autre truc encore revient à indiquer au leader qu'il aurait tout à gagner à écouter davantage les membres de son équipe. Et mieux, à entendre ce qu'ils ont d'important à lui dire.
> Encourager l'équipe est être plus frondeuse. Un autre truc, enfin, est d'encourager les membres de l'équipe à être moins déférents envers la hiérarchie, à davantage oser exprimer leur opinion, y compris lorsque celle-ci va à l'encontre de ce que pense le leader.
Voilà. Maintenant à vous de jouer, sachant que la bonne nouvelle du jour, c'est que le syndrome du "petit boss" est réversible.
En passant, l'écrivain français Georges Bernanos aimait à dire : «La force et la faiblesse des dictateurs est d'avoir fait un pacte avec le désespoir des peuples».
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