BLOGUE. À votre avis, combien de fois bâillez-vous en moyenne durant une journée? Ne réfléchissez pas trop, voici la réponse : vous comme moi, nous bâillons en général cinq à 10 fois par jour. La question est : «Pourquoi bâillons-nous?» Par ennui? Par fatigue? Par faim? Pour d’autres raisons encore? Et à cela s’ajoute automatiquement la suivante : «Pourquoi est-ce si gênant, en particulier au bureau?»
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Je me suis posé toutes ces questions hier, alors qu’une collègue m’a surpris en train de bâiller à la photocopieuse. Je me suis demandé ce qu’elle avait pensé de moi. Si j’étais fatigué. Si je m’ennuyais. Si j’étais trop relax. Et je me suis souvenu d’un vieil article à ce sujet, publié dans Le Monde du 29 juin 2010. Un article que je me fais un plaisir de partager ici avec vous, tant il est instructif…
L’article intitulé Dis, Tonton, pourquoi tu bâilles? visait à annoncer un prochain séminaire d’une soixantaine de médecins venus des quatre coins du monde (Inde, Israël, Canada, etc.) à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, pour débattre du bâillement. Débattre? Oui, parce qu’en réalité, si le bâillement est un phénomène banal, ses raisons restent inconnues.
Qu’est-ce que le bâillement, au juste? «Une longue inspiration, suivie d’un arrêt respiratoire bref, puis d’une courte expiration qui peut s’accompagner d’une stimulation des glandes lacrymales, le tout durant entre cinq et 10 secondes. Une fois enclenché, le bâillement ne peut être stoppé, mais peut être modulé, atténué, par la volonté», indique la journaliste Pascale Santi, en précisant que l’association entre bâillement et étirement se nomme pandiculation. La plupart des vertébrés bâillent : poissons, oiseaux, reptiles, mammifères sauf… la girafe.
Fatigue, ennui, faim, baisse de l’attention… bâiller est souvent associé à différents états. Mais il ne s’agit là que de constats sommaires, que nous faisons tous, sans véritable fondement scientifique. Toutefois, nombre de scientifiques que ce sont un tant soit peu penché sur le sujet s’accordent pour dire que, dans tous les cas, le bâillement est un état transitionnel, qui marque le passage d’un état à un autre.
Ainsi, le bâillement peut être lié aux émotions, comme l’angoisse. Dans les salles d’attente des vétérinaires, les animaux bâillent beaucoup. «Une étude a montré que les chiens qui ont une plus grande fréquence de bâillements présentent plus de troubles anxieux», indique Bertrand Deputte, professeur d’éthologie, de l’école vétérinaire de Maisons-Alfort, en France. De fait, l’excès de bâillement peut révéler des pathologies neurologiques : le professeur Charcot rapportait, en 1888, le cas d’une jeune femme incommodée par sept bâillements à la minute (420 par heure!) : elle souffrait d’une tumeur de l’hypohyse.
Cela étant, il ne faut pas s’inquiéter parce qu’on bâille. Ce n’est que très rarement le signe d’un problème de santé. D’ailleurs, vous avez sûrement remarqué, comme moi, à quel point le bâillement est contagieux. Ce phénomène serait dû à l’empathie. «Une personne sensible à l’état de l’autre sera plus sujette au bâillement», indique Adrian Guggisberg, chef de clinique scientifique, du département des neurosciences de l’hôpital universitaire de Genève, en Suisse.
Le bâillement est également utilisé comme technique de relaxation, au yoga par exemple. En fin de séance, il arrive que le professeur demande aux élèves de bâiller, puis de s’étirer…
Voilà grosso modo tout ce que l’on sait aujourd’hui sur le bâillement. C’est-à-dire pas grand-chose. D’où l’importance de ne jamais juger celui qui bâille : impossible de savoir si c’est pas ennui, par faim, par fatigue, par anxiété, par besoin de se détendre musculairement, etc. Vous commettriez dès lors une bévue, pour ne pas dire une grossière erreur de jugement.
Ce coéquipier surpris en train de bâiller, vous croyez qu’il est fatigué - vous savez qu’il a beaucoup de travail en ce moment -, alors qu’en réalité il est en train de se détendre juste avant de donner le dernier coup de collier au dossier qu’il doit boucler d’ici la fin de la journée. Idem, vous croyez qu’il a faim parce que la pause de midi approche, alors qu’en fait il s’ennuie profondément en remplissant des documents administratifs. Ou encore, vous croyez que c’est bon signe, qu’il se sent suffisamment bien dans la boîte pour bâiller aux corneilles, alors qu’en vérité ses nouvelles tâches le rendent anxieux.
Que faut-il retenir de tout cela? Je le répète : de ne pas juger autrui sur un bâillement. Jamais.
En passant, l’aphoriste polonais Stanislaw Jerzy Lec a dit dans ses Nouvelles pensées échevelées : «Il peut arriver qu’on ouvre la bouche d’admiration et qu’on la referme par un bâillement»…
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