Soyons honnêtes, nous apprécions tous que notre travail soit reconnu. Ça peut passer par une simple tape dans le dos de la part d'un collègue ou d'un boss, ou encore par l'obtention d'une prime après laquelle on courait depuis un certain temps. Mais peu importe, ça fait toujours plaisir. Pas vrai?
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Mais voilà, disons que certains l'apprécient plus que d'autres. Ou plutôt, en ont viscéralement plus besoin que d'autres. À tel point que ça se traduit dès lors par, entre autres, une soif intarissable de gloire. Avec toutes les conséquences dramatiques que cela a sur l'équipe dans laquelle sévissent de telles personnes : chute de la performance globale, détérioration à la vitesse V de l'ambiance de travail, etc.
L'interrogation saute aux yeux : votre équipe souffre-t-elle d'egos surdimensionnés? Et surtout, sans que vous en ayez vraiment conscience (car ceux qui cherchent la gloire sont bien souvent d'excellents manipulateurs...)? Peut-être que oui, peut-être que non, c'est difficile à savoir, me direz-vous. Eh bien, détrompez-vous, car j'ai justement mis la main sur une méthode efficace pour le savoir : un quiz tiré d'un livre que je n'avais plus feuilleté depuis longtemps, Le dur métier de patron (Éd Transcontinental, 2010) de Robert Sutton, professeur de management à Stanford.
Le principe est simple : répondez par «vrai» ou «faux» aux affirmations indiquées ci-dessous, lesquelles commencent toutes par :
«Dans mon équipe, certains...
1. disent 'nous', mais pensent 'moi'. Vrai | Faux
2. considèrent leurs pairs comme des concurrents, voire comme des ennemis. Vrai | Faux
3. omettent de citer la contribution de leurs subalternes quand ils communiquent les résultats à l'échelon supérieur. Vrai | Faux
4. minimisent les succès des autres. Vrai | Faux
5. gardent leurs idées pour eux parce que, après tout, il n'y a rien à gagner à les partager avec des collègues. Vrai | Faux
6. tirent inlassablement la couverture à eux. Vrai | Faux
7. marchent sur la tête des autres pour faire carrière. Vrai | Faux
8. demandent souvent de l'aide aux collègues, mais aident rarement. Vrai | Faux
9. sont les champions des coups bas, les maîtres dans l'art de détruire la réputation des collègues, des subalternes comme des supérieurs, qu'ils considèrent comme des rivaux. Vrai | Faux
10. amassent les ressources et refusent de les partager, quels que soient les besoins des autres. Vrai | Faux
11. démolissent régulièrement les collègues - non seulement leurs idées, mais aussi leur confiance en eux. Vrai | Faux
12. font tellement de zèle que leur boss les adore tandis que les autres les méprisent. Vrai | Faux
13. négocient toujours pour obtenir plus d'avantages que les autres. Vrai | Faux
14. oublient, comme par hasard, d'inviter des collègues aux réunions importantes. Vrai | Faux
15. font toujours ce qui est dans leur intérêt et rarement ce qui ce qui est celui de l'équipe. Vrai | Faux
16. flattent leur boss par-devant, et le descendent en flammes par-derrière. Vrai | Faux
17. ne perdent pas de temps à conseiller ou à aider les autres. Vrai | Faux
18. sont des 'trous noirs' de l'information : dès qu'ils en obtiennent une, ils veillent à ce qu'aucun collègue n'y ait accès. Vrai | Faux
19 insistent pour être informés, mais n'informent personne. Vrai | Faux
20. ont pour mot d'ordre 'Tout pour moi!'. Vrai | Faux
Bien. À présent, il vous faut additionner le nombre de phrases pour lesquelles vous avez coché «vrai», puis consulter le commentaire correspondant à votre total.
> De 0 à 4. Aidez les autres à réussir ou allez voir ailleurs.
«Si vous n'avez pas triché dans vos réponses, votre équipe sélectionne et encourage bel et bien les stars généreuses et altruistes, et fait changer (ou congédie) les salauds égocentriques. Tout va bien, donc.»
> De 5 à 10. Aidez les autres à réussir, mais surveillez vos arrières.
«Votre équipe privilégie à la fois les employés collaboratifs et les stars égocentriques. L'esprit d'équipe est certes préconisé, mais les comportements égoïstes sont tolérés. Les stars égoïstes tirent donc la couverture à elles et se protègent des coups bas, en particulier de leurs collègues les plus sournois et hypocrites.»
> De 11 à 15. Soyez toujours le premier, sinon c'est la mort.
«Les employés se livrent tous les jours au petit jeu du 'Je gagne, tu perds'. Le chacun-pour-soi et les coups bas sont la règle, et ceux qui veulent travailler en équipe sont broyés par le système. Dans ce genre d'équipe, même les partisans les plus convaincus de la collaboration finissent, pour survivre, par devenir égoïstes et hypocrites.»
> De 16 à 20. C'est la loi de la jungle!
«Vous êtes dans un monde impitoyable où la seule façon de s'en sortir est de traiter ses collègues comme des ennemis, de leur saper le moral et de démolir leur réputation à la moindre occasion. Personne ne survit longtemps dans ces conditions sans devenir une brute calculatrice et égotiste, qui écrase ses collègues chaque fois qu'il lui est possible de le faire.»
Bon. Vous avez maintenant une meilleure idée de l'environnement de travail dans lequel vous évoluez réellement, jour après jour. Un environnement qui, je n'en doute pas une seconde, a une marge de progrès devant lui. Est-ce que je me trompe?
Comment s'y prendre pour contribuer à une amélioration de cet environnement-là? Le professeur de Stanford donne à cet égard un précieux conseil, que je vais vous expliciter de ce pas : «Croyez sincèrement en chacun». Voici de quoi il s'agit :
«Croire dans la réussite de vos collaborateurs et le leur montrer correspond à ce qu'on appelle la prophétie autoréalisatrice. Et cela a un effet positif démontré par nombre d'études scientifiques. En voici une, sur les instructeurs des nouvelles recrues de l'armée.
«Dans cette expérience menée auprès de soldats israéliens, les chercheurs ont induit cinq instructeurs à penser que sur les 30 hommes que chacun entraînerait pendant quinze semaines, 10 étaient quasiment assurés de réaliser des performances exceptionnelles. Les chercheurs ont dit aux instructeurs que, sur la base de recherches antérieures, ils pouvaient prédire sans se tromper le potentiel de commandement d'un soldat dans 95% des cas.
«En fait, ils n'en savaient strictement rien et avaient sélectionné les 'stars' en question au hasard. Les instructeurs ont reçu cette information au tout début de la période d'entraînement, accompagnée de l'instruction suivante : 'Vous inscrirez le potentiel de commandement de chaque recrue dans son dossier personnel. Mémorisez le nom de vos recrues et leur potentiel annoncé au début du stage. Merci de noter les noms et les prédictions dès maintenant.'
«Cela a eu des répercussions considérables dans les 15 semaines qui ont suivi. Traités différemment par les instructeurs, ces soldats choisis au hasard en sont venus à croire qu'ils avaient des qualités particulières. Durant l'entraînement, les différences ont été énormes entre ces soldats et les autres. Ils se sont révélés meilleurs dans nombre de domaines, comme la lecture des cartes et le tir.
«Cette étude illustre comment fonctionne la prophétie autoréalisatrice : les instructeurs étaient convaincus de quelque chose qui, au départ, n'était pas vrai, mais le seul fait d'y croire a transformé la prédiction en réalité. Idem, avoir foi dans les capacités de certains de vos collaborateurs peut stimuler leur performance.
«Cela étant, mes étudiants, lorsque je leur raconte cette anecdote, me demandent toujours : 'Faut-il toujours des gagnants et des perdants dans un groupe? Que se passe-t-il si le boss croit que tout le monde est formidable?' Des études ultérieures montrent que lorsqu'un instructeur est convaincu que tous les soldats ont un fort potentiel de commandement, ils sont tous plus performants. La conclusion qu'on peut en tirer est que les patrons intelligents peuvent promouvoir la performance de son équipe en se montrant ouvertement (et énormément) confiants dans les capacités de leurs collaborateurs.
«C'est d'ailleurs la technique qu'applique Soutwest Airlines : une des premières choses qu'entendent les nouvelles recrues - réunies toutes ensemble -, c'est qu'elles sont 'la crème de la crème'.
«La prophétie autoréalisatrice n'est pas une solution infaillible. Elle fonctionne peut-être si bien dans les rangs de l'armée en raison du fait que les gradés sont en permanence en contact avec les soldats, en tous cas nettement plus que ce qu'on voit dans la plupart des entreprises. Le résultat n'est pas non plus toujours garanti. Parce que même si le boss est vraiment convaincu que ses collaborateurs sont promis aux plus hautes destinées et se comporte en conséquence, l'attitude des collègues, des clients et des autres employés qui n'ont pas la même conviction peut brouiller le message. Cependant, partir du principe que vos collaborateurs peuvent et vont se montrer exceptionnels donne de meilleurs résultats que douter de leurs capacités ou les considérer comme des perdants.»
Voilà. C'et bien simple, vous avez visiblement tout à gagner à faire confiance aux autres, et mieux, à croire dur comme fer qu'ils sont tous ensemble 'la crème de la crème', car ils vont le sentir et devenir si confiants en eux-mêmes qu'ils oseront - et réaliseront - l'impossible. Et ce, sans pour autant voir leur ego prendre des dimensions folles, bien au contraire.
Que retenir de tout cela? Ceci, je pense :
> Qui entend dégonfler les egos boursoufflés qui sévissent dans son équipe se doit de recourir à la prophétie autoréalisatrice. Il lui faut croire au plus profond de lui-même en ceux qui l'entourent, au point de leur faire assez confiance pour prendre les choses eux-mêmes en mains. Et ce faisant, il doit veiller à ce que le travail soit fait en équipe, de manière collaborative, afin que le mode de pensée de chacun passe du 'moi' au 'nous'.
En passant, l'écrivain québécois Victor-Lévy Beaulieu a dit dans Moi, Pierre Leroi, prophète, martyr et un peu fêlé du chaudron : «Un homme seul ne peut rien, il lui faut l'appui de ses semblables pour arriver là où il doit aller».
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