BLOGUE. L'un des membres de votre équipe vient de réaliser une prouesse au travail. Spontanément, vous avez envie de le féliciter, de souligner combien ses efforts sont utiles et efficaces, et même de glisser au passage que son sourire met tous les jours du baume au cœur des autres. Et vous songez déjà au meilleur moment pour le faire, en visant une heure où presque tout le monde sera présent pour voir ça.
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Petite question insidieuse : est-ce là la bonne manière de procéder? Plus précisément : vaut-il mieux faire un compliment en public ou en privé? C'est-à-dire organiser, un matin, un café-muffins, ou plutôt demander à la personne concernée de passer à votre bureau lorsqu'elle aura un moment?
Elaine Chan, professeure de marketing à l'École d'économie et de management de Tilburg (Pays-Bas), et Jaideep Sengupta, professeur d'affaires à l'Université de science et de technologie de Hong Kong (Chine), ont tenu à le savoir. Dans leur étude intitulée Observing flattery: A social comparison perspective, ils se sont amusé à regarder ce qui se passait dans la tête d'une personne qui assistait à une scène où une personne en complimente une autre. La trouvaille qu'ils ont ainsi faite devrait vous permettre de devenir un meilleur leader…
Les deux chercheurs ont procédé à quatre expériences. La première d'entre elles est celle qui apporte les principaux enseignements de l'étude. C'est pourquoi je vais maintenant vous la décrire.
Il a été demandé à 85 étudiants hongkongais de participer à une petite expérience. Il leur avait été dit qu'une grande marque de chaussures de sport envisageait de lancer une chaîne de boutiques qui seraient dénommées Rovo et qu'elle menait des études de marché auprès des jeunes pour évaluer le potentiel de cette idée. Il leur faudrait donc donner leur avis sur ce projet, qui allait leur être présenté en détails.
En vérité, ce n'était là qu'un leurre. Les participants ont dû remplir un questionnaire de personnalité. Un questionnaire crucial pour l'expérience, mais qui n'avait été présentée que comme une formalité demandée par la marque de chaussures de sport. En échange, il leur avait été promis qu'un feedback personnalisé sur leur apport à l'expérience leur serait donné à la toute fin.
Puis, les organisateurs se sont excusé pour le chamboulement du programme, qui ne pouvait pas être tenu comme prévu, «faute de temps». Aucun feedback ne pourrait leur être donné. En revanche, il leur a été proposé de lire celui d'une autre personne qui avait participé à l'expérience avant eux, histoire de voir ce que ça donnait normalement. Cette ruse a permis de composer deux groupes de participants, à leur insu :
> Ressemblance. Les commentaires concernaient, était-il dit, un étudiant de la même université que le participant. Ils disaient, en résumé, combien l'apport de celui-ci avait été précieux et combien ses idées pétillaient d'intelligence.
> Dissemblance. Les commentaires concernaient, était-il dit, un étudiant issu d'une autre université que celle du participant. Ils disaient, tout comme dans le premier cas, combien l'apport de celui-ci avait été précieux et combien ses idées pétillaient d'intelligence.
Une fois conditionnés, les participants ont dû évaluer différents éléments du projet de boutiques. Et ce, de deux manières différentes :
> Implicite. Installés devant un ordinateur, ils devaient mettre des notes à chaque élément qui leur était présenté.
> Explicite. Munis de feuilles de papier et d'un crayon, ils devaient rédiger un texte décrivant ce qu'ils pensaient de chaque élément.
Pour finir, chacun a dû remplir un questionnaire lié à leur humeur. Cela permettait de connaître les émotions qui les traversaient à l'instant-même.
Résultats? Passionnants, comme vous allez le voir…
> Indifférence. Ceux qui avaient lu les compliments adressés à une personne qui leur était pas semblable n'avaient pas d'image négative – ni positive – de celui qui les faisait.
> Impact négatif. Ceux qui avaient lu les compliments adressés à une personne semblable à eux avaient du coup une image négative de celui qui les faisait. Cette image négative transparaissait de manière implicite, mais pas de manière explicite.
> Jalousie. Le sentiment de jalousie est à l'origine de cette image négative. Car les personnes en question auraient aimé, au fond d'elles-mêmes, recevoir de pareils compliments.
> Hostilité. Cette jalousie s'exprime contre la source de cette source d'inconfort émotionnel, laquelle est la personne qui adresse le compliment à autrui. Le jaloux devient dès lors hostile à cette personne. Cela étant, cette hostilité n'est que de courte durée, le temps, en fait, que la vive émotion ressentie s'évapore d'elle-même.
Que retenir de tout cela? Une chose ultrasimple…
> Vous voulez adresser un compliment à un employé? Mieux vaut le faire en privé, dans votre bureau. Sinon, certains risquent de vous en vouloir pendant un certain temps.
En passant, le critique français Émile Faguet a dit dans ses Études littéraires : «Un compliment, c'est un peu d'amour et beaucoup d'esprit».
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