Vous et votre équipe, vous êtes au pied du mur : il vous faut trouver une idée neuve, oui, une idée vraiment neuve. Pour sortir de l’ornière dans laquelle vous êtes embourbé, pour donner un nouvel élan à vos projets, pour enfin distancer la concurrence. Ou ne serait-ce que pour ressentir la joie inhérente à la découverte d’une véritable innovation, susceptible à elle seule de changer la donne dans votre secteur d’activités ; une joie que vous n’avez peut-être plus eu depuis un bon bout de temps (est-ce que je me trompe ?).
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Comme d’habitude, vous avez alors le réflexe de réunir les cerveaux les plus brillants de l’entreprise, et vous cogitez tous ensemble, dans l’espoir qu’il en ressortira l’Idée, la suprême idée que personne auparavant n’a jamais eu alors même qu’elle était sous le nez de tout le monde. Et comme d’habitude, chacun quitte la salle de réunion la mine basse, interloqué par le fait que rien de magique ne se soit produit. Et ce, brainstorming après brainstorming.
Bien entendu, quelques sursauts d’espoirs se produisent de temps à autres. Mais après mûre réflexion, il appert à chaque fois que l’idée qui semblait si séduisante au départ finit par se révéler d’une affligeante banalité. Résultat ? La motivation en prend alors un méchant coup. Déconvenue après déconvenue.
Qu’est-ce qui coince, au juste ? Pas facile à dire, pensez-vous sûrement. Voire… Il se pourrait en effet qu’un bête grain de sable se soit immiscé dans l’engrenage de votre créativité collective. Quel grain de sable ? Une étude fascinante semble l’avoir mis au jour, intitulée New ideas in invention, et signée par deux professeurs d’économie : Mikko Packalen, de l’Université de Waterloo (Canada); et Jay Bhattacharya, de Stanford (Etats-Unis).
Les deux chercheurs ont eu une intuition géniale, je n’ai pas peur de le dire. Ils se sont demandé si, pour faire une grande et belle innovation, il valait mieux réfléchir à partir d’une idée neuve ou plutôt à partir d’une idée ancienne. Prenons un exemple… Disons que vous souhaitez révolutionner l’industrie du chocolat. Bien. Pour ce faire, vaut-il mieux démarrer votre réflexion à partir d’une idée neuve pour cette industrie-là (ex. : «Et si on ne vendait pas le chocolat sous forme solide (tablettes, moulages en forme de lapin, etc.), mais sous une autre forme (mixtures liquides, vapeurs chocolatées, etc.)…»), ou plutôt à partir d’une idée ancienne (ex. : «Et si au lieu de toujours graver le logo de la marque du fabricant sur chaque carreau de chocolat on y gravait tout autre chose, de plus séduisant ou de plus rigolo…»). Vous voyez ?
Pour s’en faire une idée, MM. Packalen et Bhattacharya ont eu une approche passablement originale. Ils ont consulté – tenez-vous bien ! – tous les brevets scientifiques déposés aux Etats-Unis entre… 1836 et 2010. Plus précisément, ils ont effectué une analyse linguistique de l’ensemble des résumés de ces brevets, à savoir ces courts textes présentant l’objet et l’intérêt de l’invention déposée.
Le principe était simple : il s’agissait de repérer à chaque fois des mots ou des séquences de mots, et d’analyser leur fréquence. Et ce, décennie par décennie. Cela leur a permis, dans un premier temps, d’élaborer les palmarès des inventions ayant suscité le plus d’intérêt auprès des chercheurs de l’époque. Saviez-vous, ainsi, que le mot qui revenait le plus dans les brevets américains des années 1950, c’était transistor, que celui des années 1970, c’était microprocesseur, ou encore que celui des années 1990, c’était Web ? (Comme quoi, quiconque en aurait eu conscience à l’époque aurait pu prédire sans se tromper l’avancée technologique qui allait bouleverser le quotidien des gens durant la décennie suivante…).
Dans un second temps, cela leur a permis de voir si les inventions les plus remarquables – comprendre celles qui bouleversaient vraiment leur secteur d’activités – s’appuyaient au départ sur une idée neuve ou plutôt sur une idée ancienne. Autrement dit, si elles partaient de zéro ou si elles visaient initialement à améliorer ce qui existait déjà.
Qu’ont-ils trouvé de la sorte ? Ceci :
➢ Net avantage aux idées neuves. Le meilleur moyen pour effectuer une véritable percée novatrice dans son secteur d’activités, c’est de partir d’une idée neuve. C’est-à-dire, pour reprendre notre exemple de l’industrie du chocolat, de se lancer non pas sur la piste d’une impression de logo rigolo sur chaque carreau de chocolat, mais résolument sur celle de la création d’une vapeur chocolatée. Car l’idée du logo rigolo peut, certes, se révéler être un bon coup de marketing, et donc être payante pour un fabricant de produits au chocolat, mais cela ne permettra jamais de révolutionner toute l’industrie, comme pourrait le faire celui qui mettrait au point des flacons de vapeurs chocolatées.
Que retenir de cette trouvaille ? Eh bien, l’astuce suivante :
> Qui entend enfin trouver une idée carrément géniale se doit de renouer avec l’enfant en lui. Il doit commencer par effacer tout ce qu’il sait à propos de son secteur d’activités, écarter toute son expérience, et donc ses idées reçues, pour accorder toute la place à sa naïveté. Oui, sa naïveté, à l’image d’un enfant et de ses questions a priori innocentes, mais si pertinentes lorsqu’on y songe en profondeur. Concrètement, il lui faut multiplier les interrogations débutant par «Et si…», jusqu’à ce qu’il arrive à une question terriblement dérangeante. Alors seulement pourra commencer la réflexion collective susceptible de mener à une innovation renversante.
En passant, l’écrivain français René Crevel a dit dans L’esprit contre la raison : «Il faut beaucoup de naïveté pour faire de grandes choses».
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