Vous rêvez de voir ceux qui vous entourent au travail donner le meilleur d'eux-mêmes. Jour après jour, semaine après semaine, année après année. Et pour passer du rêve à la réalité, vous vous êtes dit, un beau jour, qu'une bonne idée consisterait à montrer l'exemple. Pas vrai?
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Mais voilà, un frein vous a toujours retenu. Lequel? Eh bien, une petite voix, qui vous a susurré à l'oreille que vous risquiez d'échouer lamentablement : «Et si tu n'inspirais personne... Et si certains, voyant que tu redoubles d'efforts, en profitaient pour, eux, lever le pied et te laisser tout faire à leur place... Et si les autres, au fond, n'étaient que des crapules alléchées par l'idée de s'abreuver de ta sueur...» Et du coup, vous ne vous êtes jamais lancé.
L'idée vous est venue, une ou deux fois, d'offrir une prime. Ou toute autre forme de récompense (des coupons rabais dans une grande chaîne de magasins, une tablette dernier cri, etc.). Dans l'optique de booster la performance de vos meilleurs éléments. Quand le besoin s'en fait vraiment sentir. Et, soyons honnêtes, vous avez noté que cela n'avait jamais donné de résultats transcendants.
Alors, que faire? Baisser les bras? Désespérer de la nature profonde de l'être humain? Et renoncer? Non, mille fois non, bien sûr! Et pour vous en apporter la preuve, je vais vous parler aujourd'hui d'une étude qui, l'air de rien, est une véritable mine d'enseignements en matière de motivation au travail. Celle-ci est intitulée Money vs. meaning and motivation: Evidence from Latina America et est signée par Sergio Olavarrieta, professeur de marketing et de stratégie à l'Université du Chili à Santiago (Chili), assisté de son étudiante Daniela Núñez. Voici de quoi il retourne...
Les deux chercheurs chiliens ont procédé à deux expériences visant à analyser la réaction des gens lorsqu'on leur demande d'accomplir une tâche exigeante. Dans la première, il a été demandé à une centaine de volontaires d'assembler 55 pièces de Lego pour former un personnage au volant d'une voiture, sachant que chaque fois qu'ils y arrivaient, ils touchaient une récompense sonnante et trébuchante, mais une récompense qui allait en diminuant à chaque fois : pour la première réalisation, ils touchaient 2 dollars; pour la suivante, 1,95 dollars; etc.
À noter que tous les participants n'étaient pas placés dans les mêmes conditions:
> Un travail pourvu de sens. Pour la moitié des participants, chaque fois qu'ils montraient leur réalisation à l'examinateur, celui-ci leur remettait aussitôt la récompense promise et mettaient leur oeuvre en évidence sur une belle tablette avant de leur confier 55 nouvelles pièces de Lego, s'ils exprimaient l'envie de poursuivre le travail.
> Un travail dénué de sens. Pour l'autre moitié des participants, chaque fois qu'ils montraient leur réalisation à l'examinateur, celui-ci leur remettait aussitôt la récompense promise et détruisaient complètement l'oeuvre réalisée pour leur redonner immédiatement les mêmes 55 pièces de Lego, s'ils exprimaient l'envie de poursuivre le travail.
Résultats? Les voici:
> Avantage au travail pourvu de sens. Ceux pour qui le travail avait un sens ont réalisé, en moyenne, 6,8 différentes versions du personnage de Lego en voiture. En revanche, les autres ont, eux, fabriqué seulement 5,6 différentes versions de ce personnage-là.
«Donner du sens au travail permet donc de booster la motivation, les efforts et la performance des gens», résument les deux chercheurs chiliens dans leur étude.
Dans la seconde expérience, il a été demandé à une centaine de volontaires de bien vouloir remplir des grilles de mots-croisés pas trop complexes, sachant que chacune permettait de toucher une récompense décroissante : 50 cents pour la première; 45 cents pour la suivante; etc. Comme dans l'expérience précédente, tous les participants n'avaient pas été placés dans les mêmes conditions :
> Un travail reconnu. Certains participants devaient inscrire leur nom à côté de chacune des grilles remplies au moment de la remettre à l'examinateur, lequel la vérifiait, puis la rangeait soigneusement dans un classeur, comme s'il s'agissait là de quelque chose de précieux.
> Un travail ignoré. D'autres participants voyaient chacune de leurs grilles remplies demeurer anonyme et être empilée sur le tas de celles qui ont déjà été remises, sans mériter la moindre attention de la part de l'examinateur.
> Un travail méprisé. Les autres participants voyaient chacune de leur grille remplie aussitôt jetée dans un broyeur, sans le moindre regard de la part de l'examinateur.
Résultats? Tenez-vous bien, car ils risquent de vous déstabiliser :
> Avantage au travail reconnu. Ceux dont le travail était reconnu par l'examinateur ont remis à celui-ci, en moyenne, 9,81 grilles correctement remplies. Ce qui est une performance nettement meilleure que celle des autres : ceux dont le travail était ignoré ont remis, en moyenne, 8,48 grilles; et ceux dont le travail était méprisé, 7,53. Et ce, même si - je le souligne - ceux dont le travail était ignoré ou méprisé pouvaient tricher en toute impunité, puisque l'examinateur de regardait pas si les grilles données étaient correctement remplies, ou pas!
> Avantage supplémentaire au travail reconnu. Il suffisait d'un rapide calcul pour savoir qu'au bout de 10 grilles remplies, un participant ne touchait plus d'argent. Il n'y avait alors plus aucun incitatif financier à poursuivre le travail. Et pourtant - accrochez-vous bien, je le répète -, 60% des participants dont le travail était reconnu ont continué! Pourquoi? «Parce que l'important, à leurs yeux, n'était pas la prime, mais bel et bien la reconnaissance de leur travail», indiquent les deux chercheurs chiliens.
Époustouflant, n'est-ce pas? Ces deux expériences ont permis de mettre au jour un truc ultrasimple pour obtenir que des personnes donnent leur 110% sans aucune contrepartie financière! Oui, un truc on ne peut plus aisé à mettre en oeuvre dans n'importe quel milieu de travail :
> Qui entend voir ses employés donner leur 110% se doit de donner du sens à leur travail et d'y accorder une reconnaissance à la hauteur des efforts fournis. Il lui faut non pas miser sur une éventuelle prime pour les voir redoubler d'efforts, mais bel et bien s'intéresser profondément à ce que chacun réalise pour le bien commun. Et le tour est joué!
En passant, le poète français Louis Aragon a dit dans l'un de ses textes pour L'Humanité : «C'est par le travail que l'homme se transforme».
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