Qui, aujourd'hui, ne procrastine pas? Oui, qui ne remet pas au lendemain le dossier qui lui tombe toujours des mains? Et qui ne s'en mord pas les doigts, jour après jour, sans pour autant changer quoi que ce soit face à cette fâcheuse habitude de refuser de faire ce qui doit pourtant l'être au plus vite? Hein?
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On le voit bien, la procrastination, c'est avant tout une question de motivation. Tout à coup, pour une raison X ou Y, nous n'avons plus le cœur à l'ouvrage. Nous ressentons un nœud dans l'estomac à la simple idée de devoir nous atteler à la tâche qui nous rebute tant. Nos épaules s'affaissent sous un poids invisible mais on ne peut plus réel. Et nous flanchons.
Que faire? Rien, probablement, pensez-vous sûrement, en vous disant en secret que s'il existait un vrai truc pour remédier au problème, ça se saurait. Eh bien, j'ai une grande, une immense nouvelle à vous annoncer, si telle est votre croyance! C'est que je viens de mettre la main sur une étude à même de vous faire changer d'opinion. Si, si…
Cette étude est intitulée Teamwork as a self-disciplining device, et est signée par deux professeurs d'économie : Matthias Fahn, de l'Université de Munich (Allemagne), et Hendrik Hakenes, de l'Université de Bonn (Allemagne). Et elle met au jour un moyen d'une redoutable simplicité pour ne plus jamais procrastiner. Oui, vous avez bien lu : «plus jamais».
Ainsi, les deux chercheurs allemands ont concocté un modèle de calcul économétrique visant à identifier la meilleure attitude à avoir lorsqu'on est confronté à une difficulté, en l'occurrence le manque de courage lorsqu'il nous faut mettre l'épaule à la roue. Ils ont considéré deux employés d'une même entreprise (deux "agents économiques", dans leur jargon) qui doivent, chacun, boucler un grand nombre de dossiers. Ces deux employés doivent fournir des efforts pour y parvenir, si bien que leur défi est d'allouer ces efforts-là le plus judicieusement possible pour arriver à leurs fins, à savoir boucler tous les dossiers en question sans en arriver jusqu'à un état d'épuisement.
Dans le premier cas de figure, les deux employés travaillent chacun de leur côté, sans se préoccuper le moindre du monde de l'autre. Que se passe-t-il dès lors? Ce que nous connaissons tous dans notre quotidien au travail : chacun boucle en quatrième vitesse les dossiers sur lesquels il trippe, mais surtout, chacun se met à procrastiner dès qu'un dossier le barbe profondément. Eh oui, d'un point de vue économique, il est "raisonnable" d'adopter une telle attitude face à une tâche rebutante! (Brève explication : les efforts nécessaires pour arriver à un résultat satisfaisant sont démesurés par rapport à ce que cela peut nous rapporter.)
Dans le second cas de figure, les deux employés ne travaillent plus chacun de leur côté, mais en binôme, lorsque bon leur semble. C'est-à-dire que l'un donne un coup de main à l'autre lorsque celui-ci fait appel à ses services, et ce, à charge de revanche. Et là, à votre avis, que se passe-t-il lorsque l'un des deux employés doit se pencher sur un dossier qui l'amène à procrastiner? Vous l'avez deviné : la meilleure attitude consiste à inviter l'autre à nous aider à avancer dans ce dossier qui nous fait faire du surplace; car, du coup, comme par magie, on ne procrastine plus!
Comme par magie? Pas vraiment. Les deux chercheurs allemands ont regardé d'un peu plus près les résultats données par leur modèle de calcul et ainsi découvert pourquoi, dès lors qu'on s'y met à deux, on ne procrastine plus :
– Autodiscipline. Quand on interagit sur une base régulière avec autrui, on noue inévitablement des liens avec lui. Par suite, on crée des attentes : nous comptons sur les talents de l'autre pour nous aider à progresser, et réciproquement. Et en conséquence, il s'établit un contrat tacite entre les deux visant à améliorer la performance de l'un comme de l'autre. «De cette promesse mutuelle naît une autodiscipline chez l'un comme chez l'autre qui s'exprime surtout lorsqu'il s'agit d'un dossier qui déclenchait de la procrastination chez l'un des deux, voire chez les deux», indiquent MM. Fahn et Hakenes dans leur étude.
Autrement dit, lorsque nous travaillons en binôme, nous ne voulons surtout pas décevoir l'autre. Ce qui nous force à fournir des efforts, en particulier dès qu'il s'agit d'un dossier qui nous rebute. La simple présence de l'autre déclenche l'étincelle nécessaire pour allumer nos bougies de démarrage, et une fois que c'est fait, le moteur se met à tourner et nous nous remettons à avancer. La panne est terminée. C'est aussi simple que ça.
La beauté de la chose, je trouve, c'est que ce phénomène est réciproque. Par votre simple présence, l'autre peut lui aussi se remettre à avancer alors même qu'il était embourbé. Oui, vous avez en vous cet incroyable pouvoir! Il vous suffit d'identifier une personne dans votre entourage professionnel qui a, parfois, du mal à briller alors que vous lui connaissez des talents propres, puis de l'inviter à vous donner un coup de main sur un dossier dans ses cordes, en échange de quoi vous lui consacrerez du temps sur le dossier de son choix. Et le tour est joué!
En passant, le linguiste ouïgour Mahmoud de Kachgar a noté le proverbe suivant dans son Divan des langues turques : «Pour le paresseux, le nuage devient fardeau».
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