Le stress. Le fléau de ce début de XXIe siècle. Nous en souffrons tous, à plus ou moins grande échelle ; parfois – ô malheur ! – au point de se traduire par un burnout. Ce que nous souhaitons tous éviter à tout prix.
La question saute aux yeux : comment ressentir moins de stress dans son quotidien au travail ? Oui, à quel moyen pratique recourir pour se sentir mieux, jour après jour, au bureau ? Et ce, surtout si l’on évolue dans un environnement professionnel particulièrement stressant (deadlines serrés, lourdes charges de travail, etc.).
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Une interrogation qui nous taraude tous, n’est-ce pas ? Vous imaginez donc ma joie à la découverte d’une étude intitulée Core self-evaluation and burnout among nurses : The mediating role of coping styles. Une étude signée par : Xiaofei Li, professeure, urgences, à l’Université de médecine à Shenyang (Chine); Hui Chang, professeure, éducation sociale, au Centre de santé de Shenyang (Chine); et Bo Zhang, professeur, techniques infirmières, à l’École de santé à Huaian (Chine), assisté de son étudiante Lili Guan. Une étude, enfin, qui montre qu’on gagne beaucoup à s’inspirer de la façon dont les infirmières chinoises s’immunisent contre le stress, jour après jour…
Les quatre chercheurs chinois ont commencé par réfléchir sur ce qu’était le burnout. Ils ont noté qu’il se traduisait toujours par trois symptômes concomitants :
> Fatigue émotionnelle ;
> Cynisme ;
> Efficacité professionnelle réduite.
Ce qui les a amené à se dire que, si certains sombraient dans le burnout et d’autres pas, c’était peut-être dû à leur personnalité. Plus précisément, à certains traits de leur personnalité, à savoir les quatre regroupés dans le concept d’Auto-évaluation de base (Core self-evaluations, en anglais) :
> Estime de soi. C’est-à-dire l’évaluation que nous faisons de nous-mêmes par rapport à nos propres valeurs.
> Auto-efficacité. C’est-à-dire la croyance (vraie ou fausse) qu’il nous est possible d’atteindre l’objectif visé.
> Lieu de maîtrise. C’est-à-dire la tendance que nous avons à considérer que ce qui nous arrive découle de nos agissements («lieu de maîtrise interne», ou «locus interne») ou au contraire de facteurs hors de notre contrôle («lieu de maîtrise externe», ou «locus externe»).
> Neuroticisme. C’est-à-dire la tendance persistante que nous avons à faire l’expérience d’émotions négatives (anxiété, colère, culpabilité, etc.).
Le concept d’Auto-évaluation de base ? Il repose grosso modo sur le fait que nous ne cessons de nous juger nous-mêmes, surtout inconsciemment, si qui a une nette influence sur notre santé mentale : lorsque nous avons une image positive de nous-mêmes, tout va pour le mieux ; en revanche, dès lors que nous nous mettons à gratter un bobo psychologique lié à notre vision de nous-mêmes, rien ne va plus. Et cette auto-évaluation de base, que nous faisons constamment à notre insu, détermine en grande partie, entre autres, la satisfaction que nous retirons de notre quotidien au travail.
Bon. Qu’ont fait, au juste, les quatre chercheurs à partir de tout cela ? Ils ont tout bonnement demandé à quelque 2000 infirmières chinoises – quoi de plus stressant que le quotidien d’une infirmière ? – de bien vouloir répondre à un questionnaire détaillé sur les situations stressantes qu’elles connaissaient dans leur travail, jour après jour. En mettant l’accent, bien entendu, sur la manière dont s’exprimaient alors leurs quatre traits de personnalité définissant l’auto-évaluation de base.
Résultats ? Fascinants, comme vous allez le voir :
> Le cap périlleux des 15 années d’expérience. Les infirmières les plus fatiguées émotionnellement et les plus cyniques étaient celles dans la tranche d’âges 30-40 ans. Par ailleurs, celles qui avaient l’efficacité professionnelle la plus élevée étaient celles qui avaient plus de 40 ans. Enfin, celles qui avaient entre 10 et 15 années d’expérience affichaient les scores les plus élevés dans l’ensemble des trois symptômes du burnout. Autrement dit, plus les infirmières approchaient du cap de la quinzaine d’années d’expérience, plus elles risquaient de connaître un épuisement professionnel ; et ce, surtout parce qu’elles étaient saturées d’émotions et gagnées par le cynisme.
> L’intérêt de bien connaître les forces et les faiblesses de sa personnalité. Plus les infirmières maîtrisaient l’art de l’auto-évaluation de base, moins elles risquaient de vivre un burnout. Pourquoi ? Parce qu’elles ressentaient, de manière générale, nettement moins de fatigue émotionnelle et affichaient nettement moins de cynisme que les autres. Elles se démarquaient, en effet, par leur conviction d’être en mesure de mener à bien les tâches qu’elles avaient à accomplir quotidiennement (auto-efficacité), ou encore par leur certitude d’œuvrer pour le bien d’autrui, voire de toute la société (estime de soi). Du coup, cette confiance en elles-mêmes leur permettait d’atténuer l’impact psychologique des hauts et des bas de leurs journées à l’hôpital.
> L’avantage de faire face. Les infirmières qui avaient le cran de faire face aux situations stressantes présentaient nettement moins de risques de sombrer dans un burnout que les autres. De fait, celles qui voyaient le stress les gagner et qui cherchaient un moyen pratique d’y faire face ressentaient nettement moins de fatigue émotionnelle et nettement moins de cynisme que les autres. Idem, elles se montraient plus efficaces dans leur travail.
> Une fuite malencontreuse. Les infirmières qui, au contraire, avaient le réflexe de fuir les situations stressantes, voire de se mentir à elles-mêmes pour ne pas voir la situation dans toute son inquiétante réalité, présentaient nettement plus de risques de sombrer dans un burnout que les autres. Et ce, en raison du fait qu’un tel comportement accentuait leur fatigue émotionnelle tout comme leur cynisme : certaines, par exemple, se réfugiaient dans l’alcool, ce qui ne faisait qu’aggraver dangereusement le problème. «À noter que les infirmières expérimentées ont nettement moins tendance à fuir que les autres», soulignent les quatre chercheurs chinois dans leur étude.
Que retenir de tout cela ? Ceci, à mon avis :
➢ Qui entend ressentir nettement moins de stress au travail se doit de se recentrer sur lui-même chaque fois qu'il vient de vivre une situation stressante. Il lui faut alors s'auto-évaluer, soit mieux prêter attention à :
– l’estime qu’il a de lui-même, en se posant des questions du genre «Dans la situation que je viens de vivre, qui était stressante pour moi, ai-je été en accord avec mes valeurs les plus profondes ?» ;
– la conviction qu’il a d’atteindre l’objectif visé, en se posant des questions du genre «Dans la situation que je viens de vivre, qui était stressante pour moi, qu’est-ce qui a fait que j’ai douté de ma capacité à accomplir la mission entreprise ?» ;
– l’influence qu’il pense avoir sur son quotidien au travail, en se posant des questions du genre «Dans la situation que je viens de vivre, qui était stressante pour moi, sur quoi aurais-je pu jouer pour donner une tournure favorable aux événements qui se sont produits ?» ;
– les émotions fortes qui influencent son comportement, en se posant des questions du genre «Dans la situation que je viens de vivre, qui était stressante pour moi, pourquoi me suis-je mis aussi facilement en colère ?».
«Un tel travail sur soi n’est jamais chose aisé, surtout juste après avoir ressenti un grand stress. C’est pourquoi nous pensons, au vu des résultats de notre étude, que les infirmières qui ont moins d’une quinzaine d’années d’expérience auraient tout à gagner de chercher les lumières de leurs aînées, plus expérimentées et, donc, plus à même de maîtriser les situations stressantes. L’ensemble du système médical y gagnerait en efficacité, sans l’ombre d’un doute», soulignent les quatre chercheurs chinois.
L’idée est par conséquent la suivante : pour effectuer la meilleure auto-évaluation qui soit, l’idéal est de le faire en binôme, avec un collègue nettement plus expérimenté que soi. Il suffit que les deux se rencontrent, disons, sur une base régulière, et en profitent pour discuter à cœur ouvert d’une situation stressante vécue récemment par le plus jeune, afin que le plus vieux puisse lui faire part de la façon dont, lui, aurait probablement réagi à ce moment-là. Tout simplement.
En passant, l’écrivain polonais Henryk Sienkiewicz a dit dans La famille Polaniecki : «Partout où l’homme apporte son travail, il laisse aussi quelque chose de son cœur».
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