De nos jours, une interrogation taraude absolument tous les employeurs : «Comment m’y prendre pour avoir des employés engagés, c’est-à-dire des employés dévoués, et heureux de l’être?». C’est que l’engagement semble bien être LA clé de la réussite en affaires, dans une période économique aussi tourmentée que la nôtre. C’est très simple, si les employés ne saisissent pas que leur avenir professionnel dépend avant tout de la réussite collective de leur entreprise, et n’agissent pas en conséquence en donnant leur 110% jour après jour, eh bien, l’employeur n’a plus qu’à mettre la clé sous la porte. Et ce, même si son produit ou service est carrément génial.
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Alors ? Comment booster l’engagement de vos employés ? Comment les motiver comme jamais à mettre l’épaule à la roue tous ensemble ? Chacun a son opinion sur le sujet : certains considèrent que rien ne vaut les primes à la performance ; d’autres que ce qui fait une vraie différence c’est le bien-être des employés sur le lieu de travail ; d’autres encore que le bon vieux bâton vaudra toujours mille carottes, quoi qu’on en dise ; etc.
On le voit bien, une remise à l’heure des pendules s’impose. Ce que je suis en mesure d’effectuer, je pense, grâce à une étude fabuleuse, intitulée Reciprocity in organisations et signée par : Florian Englmaier, professeur d’économie des organisations à l’Université Louis-et-Maximilien de Munich (Allemagne), assisté de son étudiant Thomas Kolaska ; et Stephen Leider, professeur de technologie et opérations à l’École de commerce Ross de l’Université du Michigan à Ann Arbor (Etats-Unis). Car celle-ci montre sans ambiguïté qu’il existe nombre de mauvaises pratiques en la matière et – heureusement – au moins une bonne.
Ainsi, les trois chercheurs se sont penché sur une base de données phénoménale, issue de l’enquête 2004 Workplace Employee Relations Survey (WERS), qui a glané il y a dix ans un nombre impressionnant d’informations sur tous les employés de quelque 2 300 entreprises établies en Grande-Bretagne. Leur idée : identifier les données permettant d’analyser la réciprocité au sein des ces entreprises-là.
La réciprocité ? Pour les trois chercheurs, il s’agit des gestes bienveillants que peuvent avoir l’employeur et l’employé l’un envers l’autre. Vous savez, comme lorsque quelqu’un vous fait une fleur et que vous mourrez d’envie, par la suite, de lui rendre la pareille. De manière irrésistible. Au travail cela peut se produire, par exemple, lorsque l’employeur met la main à la poche pour inciter ses employés à aller régulièrement au gym et lorsqu’en échange, de façon spontanée, les employés concernés redoublent d’ardeur au bureau.
Pour savoir si une ambiance de réciprocité régnait, ou pas, au sein d’une des entreprises étudiées, MM. Englmaier, Kolaska et Leider ont adopté une approche originale. Ils ont regardé l’attitude de l’employeur au moment du recrutement, à savoir s’il cherchait à envoyer dès le départ un geste bienveillant aux candidats les plus intéressants, ou pas. Et le cas échéant, si ces gestes-là avaient un impact significatif sur la performance globale de l’entreprise par la suite.
Résultats ? Les voici :
➢ Avantage au test de personnalité. Seulement 5,5% des entreprises analysées ont demandé à leurs candidats à un poste de passer, comme seul test, un test de personnalité. En revanche, elles ont été 38% à l’associer à un autre test portant, lui, sur la compétence professionnelle. Or, plus l’employeur accordait d’importance au test de personnalité, plus les employés recrutés se sont montrés performants par la suite, à un point tel que cela a eu un impact positif sur la performance globale de l’entreprise.
➢ Désavantage au test de compétence. 38% des entreprises analysées ont demandé à leurs candidats à un poste de passer, comme seul test, un test sur la compétence professionnelle. Un pourcentage qui grimpait à 56% lorsqu’il s’agissait d’un poste autre que celui de manager. Or, le fait d’avoir fait passer ce test n’a pas entraîné d’effet positif direct sur la performance des employés recrutés.
➢ Désavantage aux primes. 57% des entreprises analysées ont fait miroiter à leurs candidats à un poste la possibilité de toucher des primes, une fois recrutés. Des primes qui peuvent prendre différentes forme : à la performance, aux profits, etc. Or, le fait d’avoir fait miroiter une telle chose n’a pas entraîné d’effet positif direct sur la performance des employés recrutés.
Par conséquent, une seule approche est vraiment payante, au moment du recrutement : le fait de faire passer un test de personnalité aux candidats les plus intéressants. Juste celui-là, et aucun autre. Pourquoi, me direz-vous ? Tout bonnement parce que ce test fait passer un message primordial aux nouvelles recrues : «Votre personnalité compte à nos yeux. Oui, la personne que vous êtes vraiment. Et si nous vous choisissons, c’est parce que vous êtes une belle personne, à savoir une personne dotée de belles valeurs. Des valeurs qui sont également les nôtres. Des valeurs qui vous nous unir comme jamais vous avez été uni avec un autre employeur. Et grâce à elles, nous irons loin ensemble, c’est sûr». Impossible de résister à une telle déclaration d’amour, pas vrai ?
Pour comprendre pourquoi les autres approches ne peuvent pas faire d’étincelles, imaginez un premier rendez-vous galant. À votre avis, que va-t-il se passer si l’un des deux – disons l’employeur – passe la soirée à jauger les qualités et les défauts de l’autre – l’employé –, à chercher la petite bête en se disant qu’il y en a forcément une ? La magie peut-elle prendre ? Non, bien sûr. C’est une cause perdue d’avance. Idem, que va-t-il se produire si l’un des deux passe la soirée à se faire mousser – l’employeur et ses fameuses primes –, en ne cessant de parler toujours que de lui seul, et toujours en bien, forcément ? S’il ne laisse pas l’autre placer un seul mot ? Peine perdue, là aussi.
Le truc, en fait, est tout simple : s’intéresser vraiment à l’autre. Chercher à le connaître, sans le brusquer, sans le juger d’emblée. Dès lors pourra voir le jour une véritable réciprocité : à son tour, l’autre finira par chercher à en savoir plus sur cette personne qui semble s’intéresser sincèrement à lui, et adoptera une approche tout aussi empreinte de bienveillance.
Les trois chercheurs ont creusé leurs données, et ont fait les trouvailles suivantes, corroborant leur découverte :
➢ Des employeurs plus généreux. Les employeurs qui recourent surtout au test de personnalité au moment de recruter sont également ceux qui : offrent le plus de récompenses non monétaires (ex. : une journée de congé en guise de récompense pour un bon coup, etc.) ; sont le moins susceptibles d’offrir des salaires peu élevés ; sont les plus prompts à payer des formations à leurs employés.
➢ Des employés plus efficaces. Les employeurs qui recourent surtout au test de personnalité au moment de recruter sont également ceux qui : brillent par l’efficacité du travail en équipe (autrement dit, les employés ainsi recrutés se mettent à briller à partir du moment où on leur demande un véritable travail d’équipe) ; affichent les meilleurs résultats financiers dans leur secteur d’activité (signe de l’efficacité des employés ainsi recrutés).
Que retenir de tout cela ? Ceci, je pense :
➢ Qui entend booster l’engagement de ses employés se doit de miser sur la réciprocité. Comment ça ? En faisant preuve de générosité. C’est-à-dire non pas en cédant aux caprices des uns et des autres, mais en s’intéressant profondément aux uns et aux autres, et si possible, dès les démarches de recrutement. Car de cet intérêt véritable pourra naître la réciprocité, l’envie de la nouvelle recrue de dépasser les attentes à son égard.
En passant, l’écrivain français Albert Camus a dit dans L’Homme révolté : «La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent».
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