Au travail, il nous faut sans cesse trouver LA solution aux problèmes qui parsèment notre chemin. Toujours, LA solution. La seule, la meilleure, celle qui nous permettra d'aller plus loin, plus haut, plus fort. Le hic? C'est que nous n'avons aucune idée de la façon de nous y prendre pour la dénicher.
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Vous savez quoi? J'ai une excellente nouvelle pour vous, aujourd'hui! Oui, j'ai mis la main sur une méthode redoutable d'efficacité, qui pourrait bien changer votre quotidien au travail du tout au tout! Ni plus ni moins.
Cette méthode figurait dans un passage d'un récent article du magazine Mother Jones, intitulé Science says you should leave work at 2 PM and go for a walk. Un article que m'a fait suivre une collègue du journal Les affaires, Dominique Beauchamp. Voici de quoi il s'agit…
Barbara Oakley, qui enseigne l'ingénierie de l'Université Oakland à Rochester (Michigan, États-Unis), vient de signer un livre, A mind for numbers: How to excel at math and science (even if you flunked algebra). Dans celui-ci, elle note que nous passons tous, ou presque, un peu plus des 20 premières années de notre vie à étudier, mais sans véritable méthode pour apprendre ce qui nous est appris.
Nous écoutons, nous écrivons, nous faisons des exercices avec le professeur, nous en faisons d'autres, à la maison. Nous tentons d'apprendre par cœur, en nous concentrons de toutes nos forces. Parfois, ça marche. Parfois, ça ne marche pas du tout. Sans qu'on sache trop pourquoi. Et nous continuons comme ça, jour après jour, année après année. Avec des résultats, la plupart du temps, mi-figue mi-raisin.
D'où son interrogation, légitime : n'y aurait-il pas une autre manière d'apprendre? Et en particulier les matières qui horripilent tant les étudiants, à savoir les maths?
Mme Oakley a tout d'abord remarqué que nombre de génies avaient leur façon à eux de travailler. Un exemple frappant : l'écrivain britannique Charles Dickens, l'un des plus prolifiques de son époque. Tous les jours, il écrivait de 9h du matin à 2h de l'après-midi; après quoi, il mangeait et allait se promener, des heures durant, parfois même jusqu'à la nuit tombante. «Si je ne pouvais plus marcher vite et loin, j'exploserais et mourrais», a-t-il écrit à ce sujet.
Puis, la professeure de l'Université Oakland s'est penchée sur les plus récentes avancées en neuroscience, histoire de savoir s'il y avait un fondement scientifique à un tel comportement. Elle s'est notamment intéressée au livre Thinking, fast and slow du "prix Nobel" d'économie américano-israélien Daniel Kahneman, qui y présente le fruit de sa vie de recherches, qui ont longtemps été effectuées avec le psychologue israélien Amos Tversky.
Il ressort de cet ouvrage – «un événement intellectuel majeur», selon l'économiste russo-américain Andrei Schleifer – que notre cerveau fonctionne à l'aide de deux modes de pensée. Il y a le "système 1", qui est rapide, instinctif et émotionnel. Et il y a le "système 2", qui est lent, réfléchi et logique. De cette dichotomie découlent nombre de nos erreurs : nous confions parfois au système 1 ce qui devrait normalement revenir au système 2, et inversement. Ainsi, nous effectuons souvent des raccourcis là où l'on ne devrait pas.
Prenons un exemple… Imaginez-vous dans le métro. Entre une personne qui se met à lire le quotidien Le Monde. Pensez-vous que cette personne a de fortes chances d'être titulaire d'un doctorat? Eh bien, je connais l'idée qui vous a aussitôt traversé l'esprit à la lecture de cette interrogation. Oui, vous avez bel et bien pensé qu'il y avait de fortes chances que ce passager-là soit titulaire d'un doctorat. Pourtant, les chances sont en vérité fort minces, car moins de 8% des Québécois ont décroché un diplôme universitaire supérieur au baccalauréat. Votre cerveau a effectué un raccourci trompeur. À votre insu.
De cela découle l'intérêt d'arriver à penser autrement. Pour ne pas dire de manière adéquate. Le truc, c'est d'user du système 1 lorsque c'est nécessaire, et du système 2 lorsqu'il le faut. Et pour y parvenir, il convient d'effectuer une savante gymnastique de l'esprit. Une gymnastique à laquelle nous ne sommes – malheureusement – pas habitués, mais une gymnastique – heureusement – à la portée de chacun de nous.
«Quand nous sommes confrontés à un problème, nous avons le réflexe de nous concentrer mentalement dessus et à nous couper ainsi de notre environnement. Tous nos efforts sont braqués sur le problème, jusqu'à ce qu'on lui trouve une solution. Le hic? C'est que nous empêchons ainsi le système 1 de se mettre à l'œuvre, alors qu'il pourrait nous être fort utile», explique Mme Oakley.
L'astuce? Elle est on ne peut plus simple : faire alterner le système 2 et le système 1. Ce qui revient à nous concentrer sur le problème pendant une période de temps donnée, puis à décrocher, afin de donner l'occasion au système 1 d'entrer en jeu, de manière inconsciente. Comme Dickens qui allait faire une promenade, non pas pour "se changer les idées" comme on a coutume de le dire, mais en réalité pour approfondir ses pensées.
La professeure de l'Université Oakland a une suggestion : recourir à la technique Pomodoro. La quoi? La technique Pomodoro, concoctée à la fin des années 1980 par l'inventeur italien Francesco Cirillo, qui s'appuie sur l'idée que des pauses régulières favorisent l'agilité intellectuelle.
La technique Pomodoro – qui tire son nom des minuteurs en forme de tomate (tomates se dit pomodori en italien) – est composée de cinq étapes :
1. Choisir une tâche intellectuelle à accomplir.
2. Régler le minuteur sur 25 minutes.
3. Travailler sans relâche sur la tâche en question jusqu'à ce que le minuteur sonne, en prenant soin qu'aucune distraction ne puisse survenir (arrêter la sonnerie d'arrivée des courriels, etc.). Et noter ce qu'on a trouvé à ce moment-là.
4. Prendre une courte pause (5 minutes).
5. Se remettre à travailler de la même manière, mais en prenant à chaque fois une pause de plus en plus longue (10, puis 15, puis 20 minutes). Jusqu'à ce qu'on finisse par trouver LA solution. Ou bien, jusqu'à ce qu'on n'en puisse plus; et remettre alors le travail au lendemain ("la nuit porte conseil", comme l'on dit si bien…).
Voilà. C'est aussi bête que ça. Et cette technique va vous permettre d'aller désormais d'idée géniale en idée géniale!
En passant, le poète français André Suarès disait : «Toutes les idées sont tissées sur le canevas de la nuit».
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