BLOGUE. Dès qu'on voit le mot "robot", on sourit : on imagine les fantasmagories des années 1950, qui voyaient des engins robotisés tout partout au début du 21e siècle, des voitures volantes et autres vêtements futuristes en aluminium. Oui, on sourit, en se moquant un peu et en se disant, sûrs de nous, que ce n'est pas demain que des machines bourrées d'électronique nous supplanteront. Et pourtant…
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Il serait peut-être sage de se poser dès à présent une terrible question : dans 10 ou 20 ans, compte tenu de la fulgurance des progrès technologiques, ne serait-il pas possible qu'un robot soit en mesure de faire mon travail? Pis, de le faire mieux que moi?
Cette interrogation, Carl Benedikt Frey, professeur d'économie à Oxford (Grande-Bretagne), et Michael Osborne, professeur en ingénierie à Oxford, se la sont sérieusement posée. Et ce qu'ils ont trouvé est littéralement renversant…
Dans le cadre de leur étude intitulée The future of employment: How susceptible are jobs to computerisation?, ils ont noté que, l'air de rien, l'ordinateur et les logiciels ont pris, ces derniers temps, une place grandissante dans notre quotidien au travail. Par exemple, quelle est l'entreprise qui ne fait pas appel aujourd'hui à un logiciel pour tenir sa comptabilité? Autre exemple : les courriels n'ont-ils pas quasiment tué la profession de coursier? Ou encore : le nombre de réceptionnistes n'a-t-il pas chuté depuis l'apparition des systèmes téléphoniques automatisés?
Ils ont également noté que Google a fait en 2010 une avancée remarquable qui pourrait changer le monde du transport dans un avenir rapproché : au mois d'octobre de cette année-là, la firme de Mountain View avait annoncé avoir réussi à modifier une Prius de Toyota pour la rendre entièrement automatisée. Plus besoin de conducteur, un ordinateur s'occupait maintenant de tout, et même mieux qu'un être humain : avec lui, aucun risque d'accident dû à un moment d'inattention.
«Dans leur livre Race against the machine sorti en 2011, Brynjolfsson et McAfee montrent que l'avancée de la technologie est telle qu'elle ne touche plus seulement les professions manufacturières répétitives, mais aussi celles qui nécessitent de l'intelligence. Ce qui rend de plus en plus de métiers obsolètes, année après année», soulignent d'ailleurs les deux chercheurs d'Oxford dans leur étude.
MM. Frey et Osborne ont alors eu l'idée d'identifier les professions qui pourraient voir les ordinateurs prendre une place prépondérante dans les prochaines années. Comment ont-ils procédé pour cela? D'une manière brillante, je trouve.
Dans un premier temps, ils se sont penché sur une base de données dénommée O*NET, du département américain du Travail. Celle-ci présente une classification détaillée d'un total de 903 professions exercées aux États-Unis. Pour les besoins de leur étude, ils en ont retenu 702.
Dans un deuxième temps, ils ont identifié trois points communs à l'ensemble de ces professions, ainsi que les principales caractéristiques de ceux-ci :
> Perception et manipulation (caractéristiques : dextérité, etc.).
> Créativité (sens artistique, etc.).
> Sociabilité (talent de persuasion, etc.).
Ces caractéristiques sont au nombre de neuf. Elles ont servi aux deux chercheurs, dans un troisième temps, de variables pour un modèle de calcul économétrique qu'ils ont concocté ensemble, lequel vise à déterminer la potentialité de chaque profession de voir l'ordinateur remplacer l'humain dans les prochaines années, plus précisément d'ici 10 ou 20 ans.
Résultat? Il tient en un chiffre…
> Aux États-Unis, 47% des emplois actuels présentent un «risque élevé» d'être exercés par des ordinateurs plutôt que par des êtres humains d'ici 10 à 20 ans.
Oui, vous avez bien lu : 1 emploi sur 2 !
Quelles seront les professions les plus touchées? Voici le Top 5 :
1. Transports.
2. Production.
3. Installation, maintenance et réparation.
4. Construction et extraction.
5. Agriculture, pêche et foresterie.
(Des professions, vous le noterez au passage, qui sont très présentes chez nous, au Canada…)
Les emplois de bureau sont-ils à l'abri? Pas du tout. En fait, ils arrivent à la 6e place du palmarès, les plus visés étant les postes administratifs. «Auparavant, on assistait à une polarisation du travail : d'un côté, il y avait les emplois qui nécessitaient peu d'études et qui étaient peu payés, lesquels étaient de plus en plus informatisés; de l'autre, il y avait les emplois qui nécessitaient beaucoup d'études et qui étaient bien payés, lesquels étaient épargnés par l'informatisation. Mais désormais, cette polarisation va devenir obsolète, car les ordinateurs vont investir tous les domaines professionnels», disent MM. Frey et Osborne.
Nous faut-il baisser les bras? Non, fort heureusement. «Les êtres humains disposent encore de deux atouts qu'ils vont devoir développer individuellement, s'ils ne veulent pas devoir céder la place aux ordinateurs sous peu : leur créativité et leur sociabilité», poursuivent-ils.
Autrement dit, notre salut passe par le fait que nous ne sommes justement pas… des robots! Eh oui, nous sommes capables d'intelligence, d'imagination, d'audace et même d'humour. Autant de qualités qui manquent aux robots, et devraient leur manquer pendant encore un bon bout de temps. À nous, donc, d'en tirer partie!
En passant, l'écrivain français Paul Guth a dit dans Le Mariage du naïf : «Si les robots s'humanisaient, inversement les êtres humains se robotiseraient-ils?»
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