Je me dois de vous faire une confession : les matchs de la Coupe du monde de soccer me passionnent. Oui, ils me passionnent au point de nuire à ma productivité au travail, l'après-midi. Mais heureusement, cette passion m'est tout de même bénéfique : comme je suis quelqu'un qui ne peut s'empêcher de joindre l'utile à l'agréable, j'en ai tiré une leçon de management fabuleuse. Si, si…
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L'un des moments toujours forts d'un match, c'est celui du pénalty. Cet instant où un joueur se trouve tout seul face au gardien adverse, le ballon placé entre eux, sur le point du coup de pied de réparation. Cet instant dramatique où un joueur a le droit de frapper le ballon juste en face des buts, en guise de réparation pour une faute impardonnable commise par le camp adverse. Cet instant où le match va basculer.
A priori, rien de plus simple que de mettre alors le ballon dans le fond des filets. Car le but est immense et le pauvre gardien doit se résigner à partir d'un côté ou de l'autre, avant même le tir, s'il veut avoir une chance de toucher le ballon tiré à bout portant. Et pourtant…
Quand on regarde les statistiques des pénaltys tirées lors des finales des Coupes du Monde et des Championnats d'Europe de soccer depuis 1982, on découvre de grandes disparités entre pays. Les plus mauvais sont les Britanniques, avec un pourcentage de réussite de seulement 66%. Ils sont suivis de près par les Néerlandais et les Italiens, dont le pourcentage est de 67%. Quant aux meilleurs, il s'agit des Allemands, avec un pourcentage de réussite de 93%.
Comment expliquer de telles différences de performance? La pression, tout simplement. Certains résistent mieux à la pression que d'autres. Certains parviennent même à briller lorsqu'ils sont sous une pression extrême.
Bien entendu, il serait formidable de connaître le secret de ceux qui excellent quand la pression sur leurs épaules est énorme, n'est-ce pas? Eh bien, la bonne nouvelle du jour, c'est que je connais ce secret, et que je vais vous le communiquer de ce pas!
J'ai mis la main sur une étude intitulée Performing under pressure: What can we learn from penalty shoot-outs?, signée par Geir Jordet, professeur de psychologie à l'École de sciences des sports de Norvège, à Oslo. Une étude qui explique pourquoi, au moment fatidique, certains brillent tandis que d'autres s'éteignent.
Ainsi, le chercheur norvégien a rencontré une dizaine de joueurs qui ont raté des pénaltys cruciaux lors du Championnat d'Europe de 2004. Il en a rencontré d'autres qui, eux, étaient doués pour marquer des pénaltys. Il a également visionné tous les pénaltys qui ont été tiré entre 1976 et 2006, à l'occasion de compétitions internationales comme la Coupe du Monde et le Championnat d'Europe. Il a scruté et analysé la moindre expression faciale et corporelle de chaque tireur, seconde après seconde, alors qu'ils se préparaient à frapper le ballon.
Résultats? Carrément fascinants :
> La rançon de la gloire. Les joueurs vedettes ratent plus souvent leurs pénaltys que les autres. C'est-à-dire que plus les attentes sont élevées – on s'attend toujours à ce que le champion réussisse tout ce qu'il entreprend, notamment aux moments cruciaux –, plus le risque d'échec est grand.
> Anxiété. Une seule émotion étreint les joueurs qui ratent leur pénalty, au moment de tirer. Une seule, aucune autre : l'anxiété. La peur d'échouer a prédominé, et s'est traduite par un ratage complet.
> Perte de contrôle. Ceux qui ratent leur pénalty ont temporairement perdu leurs moyens. La plupart du temps, cela se traduit par des gestes trahissant la précipitation, plus précisément l'envie d'en finir au plus vite. Le Britannique Steven Gerrard, par exemple, a dévoilé au chercheur ce qu'il pensait à l'instant-même où il devait tirer un pénalty face au Portugal, lors de la Coupe du monde de 2006 : «Chaque seconde qui s'écoulait semblait durer une éternité. C'était infernal. Je me demandais pourquoi l'arbitre ne sifflait toujours pas. Ça me mettait en pétard de devoir attendre autant». Il a raté son tir, et l'Angleterre a été éliminée en quart de finale. «À noter, d'ailleurs, que les Britanniques sont ceux qui prennent le moins de temps à tirer leurs pénaltys», souligne M. Jordet dans son étude.
Maintenant que l'on sait ce qui se passe à l'intérieur de celui qui doit briller sous une pression extrême, il est aisé d'identifier les remèdes idoines :
> Prenez votre temps. La situation que vous connaissez est désagréable, très désagréable même. Vous mourrez d'envie d'en finir au plus vite, de retourner à toute vitesse à votre zone de confort. Mais l'erreur consiste justement à confondre dès lors vitesse et précipitation. Alors forcez-vous à prendre votre temps, à vous concentrer sur ce que vous avez à faire, sans penser à quoi que ce soit d'autre. Pour en revenir au soccer, une autre étude a montré, justement, que ceux qui réussissaient le mieux leurs pénaltys étaient ceux qui avaient prévu, avant même que le match ne débute, que s'il leur fallait tirer un pénalty, il le tirerait, par exemple, à droite, quoi qu'il advienne : ils ne tiennent aucun compte du gardien au moment-même, et suivent leur plan à la lettre, sans y déroger.
> Positivez. Les champions ratent leur pénalty avant tout parce que leur ego est menacé : ils savent qu'ils vont se faire lapider sur la place publique s'ils échouent, s'ils déçoivent les attentes de leurs partisans. Avec l'échec ira la honte, voire l'oubli ; en tous cas, le désamour. Or, ces pensées-là viennent saper les moyens du champion, au pire moment qui soit. D'où l'impératif d'avoir alors des pensées positives lorsqu'on est sous pression. De prendre le temps de se rappeler que l'on est le meilleur dans ce qu'on fait, que si c'est nous qui sommes à cette place à ce moment-là, ce n'est pas par hasard, c'est parce que nous sommes amplement à la hauteur de la situation.
> Célébrez. Le chercheur norvégien a noté une forme de "contagion émotionnelle" en lien avec les pénaltys. Quand celui qui inscrit un but sur pénalty lève les bras au ciel, cela accroît les chances de réussite du prochain membre de son équipe qui tirera un pénalty et diminue celles des joueurs adverses. Oui, rien qu'en levant les bras au ciel après avoir marqué! D'où l'intérêt de célébrer comme il se doit chaque réussite, les grandes comme les petites.
Voilà. Trois trucs ultrasimples applicables dès à présent au bureau, pour vous comme pour votre équipe.
En passant, le tragédien grec Sophocle disait : «Tout est bruit pour qui a peur».
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