BLOGUE. Aujourd’hui, tout le monde ne jure que par les start-ups. Tous les projecteurs sont braqués sur ces petites entreprises qui connaissent un succès foudroyant, parfois même si spectaculaire que l’on se demande si David ne va pas renverser Goliath d’ici peu de temps. À chaque nouveau nom d’entreprise technoïde qui surgit dans les médias, on se demande s’il ne s’agit pas du prochain Google ou Facebook. Pas vrai? Mais voilà, est-il si intéressant que ça d’être une start-up?
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Curieuse interrogation, me direz-vous. Mais pas tant que ça, quand on songe à la fable de La Fontaine, où contre toute attente la tortue gagne sa course face au lièvre. À partir trop vite, on risque en effet de commettre des bévues qu’on finit, tôt ou tard, par payer cher. Et j’en ai eu la confirmation dans une étude passionnante, intitulée Heroes today – but what about tomorrow? Gazelles and their long run performance. Celle-ci est l’œuvre de Christina Günther, professeure d’économie au Max Planck Institute of Economics (Allemagne), et Pernille Gjerlov-Juel, étudiante en management à l’Aalborg University (Danemark). Elle indique que les start-ups, à l’image des gracieuses gazelles, sont douées pour les courses de vitesse, mais nulles pour les courses de longue distance…
Ainsi, les deux chercheuses ont eu l’idée de regarder ce que devenaient les start-ups au fil des années, histoire de voir si un départ sur les chapeaux de roues était garrant d’un avenir radieux, ou pas. Pour cela, elles se sont plongées dans l’Integrated Database for Labour Market Research (Ida), qui regorge d’une multitude de données sur les entreprises évoluant au Danemark. Elles ont porté leur attention sur les start-ups qui ont vu le jour entre 1994 et 2004, une start-up étant pour elles «une nouvelle entreprise qui emploie au minimum une personne à temps plein». Et elles ont découvert plusieurs choses intéressantes :
> Survie. Les start-ups qui recrutent vite et beaucoup ont une espérance de vie plus courte que les autres.
> Performance. Les start-ups qui recrutent vite et beaucoup voient leur performance baisser au fil des ans, passé la deuxième année d’existence.
> Taux de roulement. Les start-ups qui affichent un taux de roulement du personnel élevé dès le départ voient la situation empirer au fil des ans.
Ces trouvailles sont-elles généralisables? Pour le savoir, les deux chercheuses ont élaboré plusieurs modèles économétriques et ont procédé à des régressions. Résultat : leurs découvertes sont probantes. Il n’y a pas de place au doute, les start-ups ne tiennent pas la distance, à de très très rares exceptions près (Google, Twitter, etc.). Elles se font toujours dépasser par celles qui ont connu un démarrage plus sage, plus prudent, plus constant. «Notre analyse montre sans équivoque que les gazelles qui prennent dès le départ la tête de la course ne sont jamais celles qui franchissent la ligne d’arrivée les premières», est-il souligné dans l’étude.
Pourquoi? Pour trois raisons principales, d’après Mmes Günther et Gjerlov-Juel :
1. Le fait de recruter vite et beaucoup rend difficile l’implantation d’une routine de travail, ce qui nuit à la performance globale de l’entreprise.
2. Le fait de recruter vite et beaucoup entraîne nombre d’erreurs dans le recrutement, erreurs qui pénalisent l’évolution de l’entreprise.
3. Le fait de recruter vite et beaucoup oblige à de fréquentes restructurations, ce qui nuit au bon management de l’entreprise.
En conclusion, toute start-up qui a des visées sur le long terme se doit impérativement de donner la priorité absolue à sa politique de recrutement. Il lui faut recruter, massivement si besoin est, mais en prenant garde de ne pas trop embaucher. Mieux vaut retenir à soi les meilleurs candidats et leur en demander beaucoup, plutôt que nombre de candidats plus ou moins talentueux qu’on ne chargera pas trop de lourdes tâches, dans l’idée de garder dans ses rangs les plus doués et d’éjecter vite fait bien fait tous ceux qui ne sont pas à la hauteur des attentes
C’est bien simple, les start-ups n’ont pas le droit à l’erreur dans leurs premières embauches, sinon, elles vont le payer chèrement. Très chèrement. Les deux chercheuses l’ont chiffré : pour chaque employé recruté «en trop», c’est-à-dire en plus parapport au nombre optimal d’employés dont elle a besoin pour évoluer de manière idéale, une start-up augmente de 10,17 points de pourcentage le risque de disparaître à brève échéance. Un chiffre qui fait frois dans le dos. Pas vrai?
Bref, il convient, comme dans la fable, de «se hâter avec lenteur»…
En passant, un proverbe persan : «La fortune vient à pas de tortue, et fuit comme une gazelle»…
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