BLOGUE. C'est bien connu, des entreprises comme Google, McKinsey, ou encore Goldman Sachs paient des ponts d'or pour compter dans leurs rangs les personnes les plus talentueuses. Et ce, en y associant des avantages sociaux défiant parfois l'entendement. À une échelle plus modeste, à savoir la nôtre, on retrouve la même logique : les managers et les employés les plus performants sont, eux aussi, récompensés par des salaires plus gros que ceux des autres, sinon par des primes exceptionnelles.
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La question est : ces personnes-là, tout aussi talentueuses soient-elles, méritent-elles véritablement les salaires qui leurs sont versés? Autrement dit, l'entreprise en retire-t-elle vraiment un bénéfice tel qu'il est tout à fait justifié d'accorder tant d'argent à la rémunération de ses meilleurs éléments?
Bonne question, n'est-ce pas? À laquelle il est impossible à répondre, me direz-vous. Eh bien, détrompez-vous. J'ai déniché la réponse dans une étude intitulée Reaching for the stars: Is matching of high ability individuals and high wage firms rent creating? Celle-ci est signée par Bo Eriksen, professeur de management à l'Université du Sud du Danemark. Elle apporte quelques judicieux éclaircissements…
Le chercheur danois s'est intéressé à deux sortes de salariés, les managers et leurs subalternes. Car leurs défis et la manière d'évaluer leur performance sont distincts. Ce faisant, il s'est plongé dans une immense base de données dénommée l'Ida (pour Integrated Database for Labor Market Research), pilotée par l'Institut de la statistique du Danemark.
Pourquoi l'Ida? Parce qu'elle recèle des informations d'une part sur les entreprises danoises (masse salariale, investissements, profits, etc.), d'autre part sur les employés (profession, revenus, niveau d'éducation, etc.). Les données sont si précises qu'il est possible de scruter à la loupe l'évolution professionnelle de chaque individu – et donc, indirectement, d'évaluer sa performance au fil des années –, tout comme celle de l'entreprise pour laquelle il travaille. Du coup, on peut regarder s'il y a, ou pas, une corrélation entre les deux.
M. Eriksen s'est ainsi intéressé à un échantillon de 3 048 PME danoises, entre 1995 et 2007. Et en particulier, à chacun de leurs salariés, tant les managers que leurs subalternes ; les PME étudiées comptaient en moyenne 45,6 employés.
Résultats? Ils tiennent en deux phrases…
> Les entreprises qui enregistrent les meilleurs résultats financiers sont celles qui payent le mieux leurs managers.
> Les entreprises qui enregistrent les meilleurs résultats financiers sont aussi celles qui veillent à ce qu'il y ait une "juste rémunération" entre les managers et leurs subalternes.
Qu'est-ce qui cela signifie, concrètement? C'est très simple…
> Que, pour l'employeur, il est payant de verser de gros salaires à leurs meilleurs éléments.
> Mais aussi que l'employeur doit veiller à ce qu'il n'y ait pas de trop gros écart de rémunération entre ses meilleurs éléments et leurs autres.
L'intérêt de cette trouvaille, à mon avis, est qu'elle porte sur des PME. En effet, nous savons tous que les meilleurs éléments des multinationales comme Apple touchent des millions de dollars, et comme celles-ci se portent bien, personne ne voit là de problème particulier. Mais on pouvait s'interroger sur la pertinence d'appliquer de telles mesures à plus petite échelle, celle des PME. Or, la preuve est maintenant faite que cela est également pertinent pour les PME, mais à condition de ne pas créer de flagrantes inégalités, pour ne pas dire d'injustices salariales. CQFD.
D'où ma suggestion du jour :
> Qui entend propulser la performance de son équipe doit veiller à ce que le manager talentueux soit rémunéré à la hauteur de son talent, tout comme ses coéquipiers.
En passant, l'écrivain français Georges Bernanos a dit dans Les Grands cimetières sous la Lune : «Le spectacle de l'injustice m'accable, mais c'est probablement parce qu'il éveille en moi la conscience de la part d'injustice dont je suis capable».
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