BLOGUE. La rengaine est maintenant connue : les baby-boomers sont appelés à partir massivement à la retraite dans les mois et les années à venir, si bien que les jeunes diplômés n’auront que l’embarras du choix pour leur premier emploi. Et preuve semble en être la toute dernière édition du Bilan des perspectives du marché du travail de Jobboom, qui indique que des dizaines de milliers de postes vont devoir être comblés dès cette année, un peu partout au Québec. Mais, la situation est-elle vraiment si rose que ça pour les jeunes Québécois?
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Ainsi, un chiffre à lui seul, mis en avant par Jobboom, semble pousser à l’optimisme. «Un total de 1 400 offres d’emploi ont été faites dernièrement aux 70 finissants de 7 programmes de formation du Québec. Ces formations concernent des industries offrant généralement de bonnes, voire d’excellentes conditions de travail. On parle ici d’emplois de qualité», dit Patricia Richard, directrice générale de l’information chez Jobboom. Par exemple, les 12 finissants de 2011 en techniques de l’informatique du Cégep de Chicoutimi ont pu consulter plus de 16 offres d’emploi chacun. Et ce, sans compter que six d’entre eux avaient choisi de poursuivre leurs études.
Jobboom identifie de surcroît cinq secteurs économiques ayant particulièrement le vent dans les voiles. Il s’agit de :
TI. «D’ici 2014, le Québec aura besoin de 2 200 analystes et consultants en informatique, 400 gestionnaires de systèmes informatiques, 400 ingénieurs électriciens et électroniciens, 250 ingénieurs informaticiens et 125 ingénieurs en logiciel»;
Santé. «D’ici 2016, le ministère de la Santé et des Services sociaux estime que le réseau devra recruter entre 15 557 et 21 570 travailleurs chaque année»;
Mines. «Entre 2010 et 2015, on prévoyait l’embauche de 5 589 personnes, et de 12 812 entre 2010 et 2020»;
Construction. «En 2012-2013, on prévoit qu’il faudra embaucher 14 000 travailleurs»;
Assurances et services financiers. «Entre 2012 et 2019, il y aura 10 000 postes à pourvoir dans le domaine des assurances et du service financier».
Le hic? C’est que la plupart de ces chiffres reposent sur des projections - faites par différentes instances publiques (ministères, Emploi-Québec, etc.) - sur les besoins à venir si l’on entend faire perdurer l’activité économique d’un secteur ou d’une région telle qu’elle est aujourd’hui. Cela ne tient donc pas vraiment compte de l’évolution globale de l’économie du Québec, ni même des secteurs et des régions.
Un exemple frappant : l’éducation, qui est «un secteur à surveiller». Jobboom indique dans son rapport : «En 2012, le Québec aura besoin de 4 200 nouveaux enseignants au préscolaire, au primaire et au secondaire». L’ennui, c’est qu’il y a justement dans ce secteur un «gel» des embauches, en dépit des besoins criants. «Certes, les embauches actuelles ne sont pas à la hauteur des besoins dans le secteur de l’éducation, mais le ministère va être forcé d’embaucher dans les prochaines années, car il ne pourra pas laisser apparaître des classes de 48 élèves», explique Éric Grenier, rédacteur en chef, de Jobboom.
Autre exemple : «Près de 18 100 emplois devront être pourvus dans la région du Bas-Saint-Laurent d’ici la fin de 2015, dont 16 000 en raison des départs à la retraite». Ces données proviennent d’Emploi-Québec. Le bémol, c’est que rien ne garantit que chaque poste laissé vacant par un baby-boomer parti à la retraite sera automatiquement comblé. D’autant plus que le rapport de Jobboom indique lui-même que l’économie de cette région n’est pas des plus florissantes : «Le secteur du bois et de sa transformation [primordial dans cette région] souffre de plus en plus de l’état critique de l’industrie de la construction résidentielle aux États-Unis, en panne depuis la récession de 2008».
Un dernier exemple révélateur : l’aérospatiale. Les années précédentes, Jobboom soulignait que ce secteur était porteur d’avenir. Mais il semble que ce ne soit plus franchement le cas, si l’on en croit le communiqué de presse émis aujourd’hui. Le titre «Aérospatiale : la reprise?» est suivi de l’explication suivante dans le communiqué de presse : «Après quelques années sous le signe du ralentissement de sa production, le secteur de l’aérospatiale prévoit une reprise à partir de 2013». Dans le rapport, il est avancé le chiffre de 3 642 postes qui devront être comblés dans le courant de 2012.
La prudence semble donc de mise, quant aux carrières d’avenir qui s’offrent véritablement aux jeunes d’aujourd’hui. D’ailleurs, le communiqué l’évoque brièvement : «Alors qu’on prévoyait le déclin de la population en âge de travailler (les 15 à 64 ans) dès 2012, cette diminution débutera plutôt en 2013. Ce changement démographique se fera sentir graduellement. En 2020, on prévoit que le Québec pourrait composer avec des pénuries de travailleurs». La dramatique pénurie de main-d’œuvre à venir tant évoquée ici et là ne sera probablement pas pour demain, et donc pas non plus le tapis rouge déroulé sous les pieds des jeunes diplômés…
Pour finir, un dernier chiffre qui permet d'évaluer la difficulté des jeunes à trouver actuellement du travail. En décembre dernier, le taux de chômage des Québécois de 15 à 24 ans était de 14,3%, un résultat similaire à ceux des années 2011 et 2010 das leur ensemble, d'après l'Institut de la statistique du Québec. De son côté, le taux de chômage du Québec était, le mois denier, de 8,7%, soit un écart considérable de 5,6 points de pourcentage. Et rappelons qu'en 2011 le Québec a plus perdu d'emplois qu'il n'en a créé, la perte étant évaluée à 51 000 emplois (-1,3%).
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