La stratégie. L’art d’atteindre un objectif ambitieux en dépit des aléas et de l’adversité. L’air de rien, nous en usons tous quotidiennement au travail. Pour mener à bien le dossier qu’on nous a confié. Pour remporter un contrat chaudement disputé. Ou encore pour surmonter un obstacle récurrent.
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Le hic ? C’est que nous nous en servons sans même en avoir conscience. Et donc, sans vraiment y prêter attention. Ce qui est la source de nombre de nos déboires : souvenez-vous du jour où vous avez eu la sensation qu’un client vous a filé entre les doigts pour faire affaires avec un concurrent, sans que vous compreniez pourquoi ; ou du jour où l’employé clé de votre équipe vous a annoncé sa démission, s’excusant presque de n’avoir pas su résister aux charmes de votre compétiteur. De douloureux souvenirs, n’est-ce pas ?
La question saute aux yeux : comment devenir un fin stratège ? Ou à tout le moins, un meilleur stratège que vous n’êtes aujourd’hui ? La bonne nouvelle du jour, c’est que j’ai déniché une étude à ce sujet, intitulée Facebook : A case study of strategic leadership et signée par Jeffrey Ray, alors qu’il étudiait au Swiss Management Center (SMC) à Zurich (Suisse). Dans celle-ci, un passage traite du ‘leadership stratégique’ de Mark Zuckerberg, le pdg de Facebook. Un passage carrément passionnant, comme vous allez le voir…
M. Ray s’est tout d’abord appuyé sur les travaux d’Isaac Wanasika, professeur de management à la Faculté de commerce Montfort de l’Université de Northern Colorado à Greeley (Etats-Unis), et en particulier sur l’une de ses études, In search of global leadership. C’est que dans cette dernière M. Wanasika avait tenté d’identifier les caractéristiques spécifiques des leaders doués pour la stratégie, et… y était parvenu ! Il en avait identifié quatre, très exactement :
> Futur. Les grands stratèges voient l’avenir comme un cours d’eau furieux sur lequel se trouve leur barque. Leur seule préoccupation : naviguer à la perfection sur l’écume des flots, histoire de sans cesse gagner en vitesse, sans jamais heurter le moindre écueil. Bref, gagner tout le temps en fluidité. Ce qui ne peut se faire que s’ils ont l’œil braqué sur ce qui s’en vient, non pas sur le moment présent.
> Action. Les grands stratèges ont un goût immodéré pour l’action. Ils ne trainent guère dans le monde l’Idée : à l’instant-même où ils sont convaincus d’avoir attrapé une idée originale, ils se la mettent bien en tête, se retroussent les manches et sautent dans leur barque, irradiant d’une joie vive et expansive.
> Risque. Les grands stratèges adorent le risque. Pour eux, rien ne vaut la sensation du cœur qui bat la chamade, des tripes qui se nouent et de la petite goutte de sueur froide qui glisse au ralenti le long de leur colonne vertébrale. Car c’est alors qu’ils vivent pleinement.
> Éponge. Les grands stratèges sont, enfin, de formidables éponges. Ils agissent dès lors en trois temps :
1. Absorption. Ils apprennent avec une facilité déconcertante tout ce qui est pourtant nouveau pour eux.
2. Synthèse. Ils synthétisent l’information en un clin d’œil, triant à merveille l’utile du futile.
3. Innovation. Ils élaborent des paradigmes renversants d’ingéniosité à partir des données disparates ainsi recueillies.
Puis, le chercheur du SMC s’est demandé si Mark Zuckerberg avait le profil du leader stratège, ou pas. Voici le fruit de ses réflexions à ce sujet, point par point…
> Futur. «Mark Zuckerberg est sans l’ombre d’un doute un homme qui a une vision claire de l’avenir de Facebook. Un exemple : le motto, qui stipule que ‘Facebook a vu le jour pour accomplir une mission sociale – rendre le monde plus ouvert et plus connecté’», indique M. Ray. Ce à quoi on peut ajouter un extrait du manuel des nouveaux employés de la firme de Menlo Park :
«Il est aujourd’hui ridicule d’établir un plan quinquennal. Car à chaque pas que nous faisons, nous changeons l’environnement dans lequel nous évoluons.
«C’est pourquoi nous nous soucions juste d’avoir une idée de la direction que nous prenons pour les six mois à venir et pour… les 30 années à venir. Tous les six mois, nous prenons un azimut, et reprenons la bonne direction pour nous amener là où nous voulons être d’ici 30 ans.
«Notre vision est par conséquent à court terme, et ne l’est pas en même temps. Et c’est tant mieux. Car sinon, nous irions droit dans le mur, c’est certain.»
> Action. «Facebook a lancé en 2012 la campagne ‘Sois audacieux’, qui visait à lutter contre l’intimidation partout où elle sévissait, tant à l’école que sur le lieu de travail. Il s’agissait d’inciter les internautes à oser affirmer en ligne – via une vidéo, un texte, etc. – leur volonté farouche d’éradiquer l’intimidation dans leur entourage. Ce qui correspondait, en un sens, à se servir de la culture de l’entreprise – basée essentiellement sur l’audace – pour effectuer un coup de marketing», dit M. Ray.
De son côté, le manuel des employés exhorte chacun à sortir de sa zone de confort, à l’aide de mantras tels que ‘Le grandiose et le confort ne cohabitent que rarement ensemble’ et autres ‘C’est seulement lorsque tu ne réalises pas que tu n’es pas capable de le faire que tu es en mesure d’accomplir un truc carrément cool’.
> Risques. «Dans une entrevue accordée en 2012, Mark Zuckerberg a dit : ‘Dans un univers où tout se transforme de plus en plus vite, vous êtes sûr de périr si vous ne prenez pas de risques. C’est bien simple, il est aujourd’hui impossible de bâtir quoi que ce soit de grandiose sans prendre beaucoup de risques’. Un exemple lumineux, qui le concerne au premier chef : il étudiait à Harvard quand il a réalisé le potentiel qu’avait son projet alors dénommé ‘The Facebook’ ; il s’est dit qu’il ne fallait pas attendre une seconde pour le mener à bien, si bien qu’il a laissé tomber ses études pour s’y investir à fond», illustre M. Ray.
Que trouve-t-on dans le manuel des employés à cet égard ? Ceci : «Chérir le changement ne suffit pas. Il est vital que le changement soit dans nos gênes. Car le Web est un environnement hostile : tout ce qui n’y est pas pertinent est appelé à ne même pas laisser de ruines. À disparaître.»
> Éponge. L’une des particularités de l’éponge, c’est qu’elle œuvre vite. Très vite. Toujours avec une grande efficacité. «L’efficacité de Facebook réside en grande partie dans sa rapidité d’exécution, voire, au besoin, de réaction, notamment lorsque Google+ est apparu dans le paysage», dit M. Ray.
Il n’est pas surprenant de noter que le manuel des employés traite de ce point-là :
«La Terre appartient à celui qui va vite.»
«Aller vite est toujours mieux que d’aller lentement.
«Aller lentement permet juste de peaufiner, alors qu’aller vite permet de conquérir le monde. Car la vitesse pousse à s’adapter tandis que la lenteur incite à théoriser.
«Seuls ceux qui exécutent à fond de train sont en mesure de vite s’améliorer.
«La vitesse ne permet pas que de gagner la course, elle permet également de partir en tête de la course suivante.»
Voilà. Il semble bien que Mark Zuckerberg ait tout du grand stratège. Les exemples abondent quant à son aisance à maîtriser les quatre caractéristiques fondamentales : futur ; action, risque ; éponge. Et en y regardant bien dans les prochaines semaines, je suis convaincu que d’autres exemples vous sauteront aux yeux à ce sujet. Je suis d’ailleurs prêt à faire le pari que l’un des quatre ponts sera au cœur du prochain communiqué d’importance de Facebook…
Que retenir de tout ça ? Ceci, à mon avis :
> Qui entend développer ses talents de stratège se doit de s’inspirer d’un grand stratège de ce monde, à l’image, entre autres, de Mark Zuckerberg. Il lui faut améliorer sa vision du futur, s’empresser davantage à passer à l’action, oser prendre plus de risques qu’à l’habitude, ou bien s’exercer à élaborer de tout nouveaux paradigmes. L’idée étant que l’essence de la stratégie réside dans la différence : différence par rapport à ce que nous faisons d’habitude, différence par rapport à ce que nous pensons d’habitude, différence par rapport à ce que nous rêvons d’habitude.
En passant, le fabuliste français Jean de La Fontaine a dit dans Le Héron : «On hasarde de perdre en voulant trop gagner».
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