BLOGUE. C'est un classique. Quand un enfant ouvre un paquet cadeau, il déchire le papier multicolore, ouvre la boîte en carton, regarde le jouet à l'intérieur, le saisit, lui accorde deux secondes d'attention et le jette au loin pour se mettre à s'amuser… avec la boîte vide! Cette dernière devient, dans son imagination débridée, un vaisseau spatial, une caverne d'Ali Baba, ou encore une Formule 1. Et les adultes de s'interroger sur la pertinence d'avoir déboursé 30 dollars pour ce foutu jouet.
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«J'ai une question pour vous, a lancé hier Lofti el-Ghandouri, après avoir raconté cette petite histoire à l'assistance de l'événement C2-MTL. Comment se fait-il que nous ayons perdu cette spectaculaire créativité? Que s'est-il passé pour que nous n'arrivions plus à exprimer ce talent qui est pourtant inné à tous les bambins?»
De fait, nous donnerions cher pour être aussi inventifs que des enfants. Oui, pour être aussi pétillants de vie et de fantaisie qu'eux. Nous prendrions dès lors la vie au travail du bon côté, en se disant qu'il s'agit plus d'un jeu à plusieurs qu'une corvée quotidienne. Nous brillerions alors jour après jour, en partageant avec les autres – et en particulier notre heureux employeur – des idées toujours neuves.
Simple rêve en couleurs? Non, pas forcément. En vérité, il n'en tient qu'à nous, ou presque, de devenir plus créatif. C'était là l'essentiel du message passé par M. El-Ghandouri, cofondateur d'Hub Madrid, une firme dont la mission est d'inspirer, de relier et de soutenir les innovateurs sociaux. Son credo : chacun de nous peut – et doit – exprimer son talent personnel, et par la même occasion, transformer le monde. Rien de moins.
Comment s'y prendre? En renouant avec le petit enfant qui est bien caché au fond de nous… «Un mot est à la mode : créativité, a-t-il dit. Créativité, créativité, créativité. Tout le monde a ce mot à la bouche. Au point qu'il semble être devenu creux.»
Pourtant, pas d'innovation sans créativité. Il faut bien partir de ce mot-là. Et donc retrouver son sens véritable. Le plus simple est, par conséquent, d'en revenir à sa définition. «La créativité, c'est le pouvoir de créer, a-t-il expliqué. C'est la capacité de concrétiser une idée et de la partager avec les autres. De cette concrétisation découle l'innovation.»
Maintenant, qu'est-ce au juste qu'une innovation? C'est une action. C'est le fait d'introduire quelque chose de nouveau dans une autre qui est déjà établie. «La différence entre une innovation et une évolution est primordiale, a-t-il souligné. Une évolution correspond à la suite logique de ce qui est en place, alors qu'une innovation apporte du neuf à la suite d'une rupture de la logique.»
Résumons. Quand un enfant joue avec le jouet qui lui est offert, c'est logique, il n'y a là aucune créativité de sa part. En revanche, à l'instant-même où il se met à jouer avec la boîte en carton, il y a rupture de la logique, et donc créativité. Une créativité qui se transforme en innovation, quand l'idée se concrétise sous la forme d'une Formule 1 ou d'un vaisseau spatial.
C'est bien beau, me direz-vous, mais qu'est-ce qui fait qu'un enfant a l'idée de jouer avec la boîte en carton, et un autre avec le jouet? À cela M. El-Ghandouri a répondu : «La curiosité. La soif d'apprendre, d'expérimenter, de s'amuser». Le nœud du problème est là : «Dans notre quotidien, tout est fait pour brimer notre curiosité. Au travail, le multitâches nous accapare entièrement, il ne nous laisse pas une minute de répit, pas une seconde pour voir et faire les choses autrement. Il nous faut produire, produire, produire, sans relâche. Et donc, mettre des œillères à notre curiosité», a-t-il affirmé.
C'est bien simple, si nous voulons devenir créatifs, il nous faut renouer avec la curiosité. «Le truc, c'est d'avoir l'audace de retirer ses œillères. Mais attention, l'audace, pas la bravade. Car l'audacieux est celui qui prend un risque mesuré, en toute connaissance de cause, pas celui qui fait n'importe quoi pour épater la galerie», a-t-il indiqué.
Le hic? Tout le monde n'est pas audacieux de nature. Nombre d'entre nous préférons la quiétude à la prise de risque, aussi minime soit-elle. Mais l'argument ne démonte pas M. El-Ghandouri, qui estime que l'audace est une vertu qui se cultive. «Il suffit de se mettre soi-même dans une situation où l'on n'a pas d'autre choix que d'être audacieux, a-t-il dit. On peut, par exemple, décider de faire du brainstorming avec de nouvelles personnes, histoire de se confronter à des idées neuves. On peut aussi choisir de travailler avec d'autres outils que ceux qui nous sont habituels.»
Le conférencier de C2-MTL, un événement inédit sur le commerce et la créativité (les 2C…) piloté par l'agence de création montréalaise Sid Lee, a terminé avec brio par ces mots : «Une personne vraiment audacieuse est une personne qui a le cran de dire «Je ne sais pas comment je vais le faire, mais je vais le faire». Voilà ce qui nous manque pour devenir créatifs».
En passant, Pline le Jeune a dit dans ses Épîtres : «L'audace croît avec l'expérience»…
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