BLOGUE. Aujourd’hui, je vous invite à revivre l’un des moments les plus intéressants de l’événement Human Potential – The next level of competition, organisé la semaine dernière à New York par le magazine britannique The Economist. Il s’agit de la table ronde sur les tendances émergentes en matière de management intitulée Epic Shifts in the Human Age, qui réunissait, excusez du peu :
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> Rich Floersh, vice-président principal et chef des ressources humaines, de McDonald’s;
> Lynda Gratton, professeure en management, de la London Business School;
> Mara Swan, vice-présidente principale, stratégie globale et talent, de Manpower;
> Gerry Crispin, dirigeant principal du cabinet-conseil CareerXroads.
Le haut responsable des ressources humaines de McDonald’s a pris la parole en premier…
Floersh : L’écueil auquel nous commençons déjà à être confronté, c’est le choc entre les générations. Les générations X, Y et autres n’ont clairement pas les mêmes valeurs que celles de leurs aînés, et cela peut susciter quelques tensions dans les équipes de travail. C’est pourquoi nous avons procédé récemment à un vaste sondage auprès de nos employés, dans pas moins de 50 pays, afin de connaître les principales valeurs de ceux-ci. Le fait intéressant est que trois valeurs en sont nettement ressorties, à l’échelle de la planète :
- La famille et les amis;
- La flexibilité;
- Le futur.
Ainsi, nos employés accordent une grande importance à leur vie familiale, et souhaitent pour en profiter au mieux bénéficier d’une grande flexibilité dans leur travail. De plus, le futur est une source de préoccupation pour eux : ils espèrent qu’il leur sourira, mais ils n’en ont pas la garantie. Nous en avons conclu qu’il fallait absolument miser dorénavant sur ces trois valeurs pour motiver notre personnel.
Une de nos premières réalisations en ce sens est venue de Grande-Bretagne, où l’équipe locale à mis en place un intranet qui répond à de nombreuses attentes des employés. Par exemple, il y est possible d’y faire du e-learning, dans l’optique de pouvoir donner un nouvel élan à sa carrière (même si ce n’est pas chez nous!), on y trouve aussi des conseils financiers, et même les résultats des matches de soccer, car ce sport est presque une religion là-bas! Ce site est un succès sur toute la ligne : il crée une connexion incroyable entre le personnel et notre marque-employeur.
Gratton : Le choc entre les générations est bel et bien l’un des grands enjeux des entreprises. Il se perçoit sans ambiguité par l’approche des employés envers les technologies de l’information (TI) : les jeunes baignent dedans depuis leur enfance, alors que les autres y résistent souvent tant qu’ils peuvent.
Pour surmonter cette difficulté, une solution peut consister à regarder son personnel d’un œil neuf, non plus en tant que «capital humain», mais en tant que «capital social». Les employés, surtout les jeunes, nouent au sein de l’entreprise de nouveaux types de liens, à savoir des liens virtuels (Facebook, Twitter, etc.). C’est une nouvelle forme de communication, voire de collaboration, qui prend forme, parfois à l’insu de leurs dirigeants, moins portés à la technologie.
Cette attitude des jeunes vise, entre autres, à contrer un point particulier qui les dérange : la spécialisation. On demande de plus en plus aux employés de se spécialiser, ce qui a pour conséquence de les isoler dans leurs champs de compétence, à les couper des autres. Et cette solitude forcée est pénible à vivre.
C’est pourquoi il importe maintenant de réapprendre à travailler ensemble. Tel est le défi qui nous attend…
Crispin : Qu’est-ce qui peut faire collaborer les gens entre eux? Une chose : la passion!
Swan : Il est vrai qu’il va nous falloir changer de vision à propos du management. Nous sommes confrontés à de nouvelles sortes de problèmes, et nous n’y répondrons pas adéquatement en recourant à nos bonnes vieilles méthodes managériales.
Nous sommes dans une période de transition, où il nous faut revoir notre approche du leadership, en particulier. Cela va nécessiter de mettre en place de nouveaux indicateurs de mesure de la performance, d’analyser de nouvelles pensées sur le façon de diriger les autres, etc.
Floersh : Tout cela ne sera possible que si l’on parvient avant tout à instaurer un climat de confiance entre les employés et la marque-employeur. Ce qui est loin d’être gagné, de nos jours…
Gratton : C’est vrai, mais il y d’ores et déjà des exemples dont on peut s’inspirer. British Telecom en est un. Savez-vous pourquoi ses employés sont ceux qui bénéficient d’une flexibilité incroyable dans leur travail, peut-être même la plus grande flexibilité du monde? Non? Parce qu’il y a une quinzaine d’années, l’entreprise a procédé à une expérience grandeur-nature qui a duré 5 ans : une équipe A bénéficiait d’une grande flexibilité, et une équipe B très similaire, d’aucune flexibilité; le résultat ne s’est pas fait attendre, la performance de l’équipe A a progressé continuellement, tandis que celle de l’équipe B n’a cessé de dégringoler, car ses membres détestaient leur travail. La haute-direction en a tiré les conclusions qui s’imposaient.
On peut en tirer la leçon qu’il y a moyen d’innover radicalement en management, et pour bien faire, il faut procéder comme on le fait pour mettre au point de nouveaux produits ou services : expérimenter et mesurer les résultats.
Il faut accepter de prendre des risques, mais des risques… calculés!
Swan : Les médias sociaux pourraient contribuer à aller dans ce sens. Le hic, c’est qu’une récente étude menée par notre groupe montre que la plupart des PDG ne veulent pas que les employés s’en servent au bureau. Ils ne veulent vraiment pas de ça chez eux!
Gratton : Incroyable! Ils sont en train de prendre un retard monstrueux. Savez-vous ce que vient de décider le gouvernement de Bavière, en Allemagne? De consacrer 1,5 milliard d’euros [1,72 milliard de dollars] à l’implantation des médias sociaux au sein des entreprises du Land. Je dis bien 1,5 milliard d’euros!
Floersh : D’accord, mais je ne crois pas que les médias sociaux soient forcément une recette miracle. La priorité, à mon avis, est de souder les équipes en place, aussi disparates soient-elles. Une étude menée il y a quelques années à Lancaster, en Grande-Bretagne, je crois, montrait que, dans les restaurants, les équipes les plus performantes sont celles qui comptent une majorité de jeunes, mais surtout au moins deux personnes âgées de plus de 50 ans. Pourquoi? Parce que les plus de 50 ans font preuve de davantage d’empathie que les autres, semble-t-il. Et aussi parce que les jeunes écoutent beaucoup les aînés au travail, parfois même plus que leurs propres parents… (rires)
Voilà l’essentiel de ce que s’est dit ce midi-là, entre ces experts mondiaux du management et du leadership.
Et vous, qu’en pensez-vous? Considérez-vous que l’avènement des médias sociaux va changer la manière de diriger une équipe? Croyez-vous que la performance va avec la flexibilité des horaires de travail? Estimez-vous encore que le choc des générations va actuellement courir un grave danger à votre équipe, voire votre entreprise? N’hésitez surtout pas à partager avec nous vos commentaires…
Histoire de pousser la réflexion un peu plus loin, une petite citation de l’écrivain italien Giovanni Papini, extraite d’Un homme fini : «Chaque fois qu’une génération apparaît au balcon de la vie, il semble que la symphonie du monde doive attaquer un nouveau tempo»…
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