Je sais, c'est la question qui tue. Qui tue carrément. Au travail, tout n'est que sourire et petits signes gentils (ou presque). Surtout lorsqu'un employé croise un boss. Mais voilà, dans quelle mesure tout cela est-il sincère?
Et si vous aviez, l'espace d'un instant, accès aux pensées les plus secrètes de l'employé en question, à ce moment-là... Regarderiez-vous vraiment ce à quoi elles ressemblent? Oui, voudriez-vous avoir la vérité?
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Parfait. Si tel est votre voeu le plus cher, je vais l'exaucer de ce pas. Non, non, je ne plaisante pas. Je vais vous dévoiler ce qu'il y a dans la tête de vos employés. Néanmoins, une recommandation préalable, on ne peut plus importante : si vous êtes cardiaque, arrêtez immédiatement la lecture de ce billet. Là, tout de suite. Merci, au revoir.
Autre recommandation pour ceux qui ont le coeur solide : asseyez-vous tout de même avant de poursuivre votre lecture. J'insiste. Merci.
J'ai mis la main sur une étude intitulée Dans la tête des employés, signée par le cabinet-conseils en ressources humaines Mercer. Celle-ci présente les faits saillants d'un sondage mené auprès 1.007 employés représentatifs de la main-d'oeuvre au Canada. Des faits qui sont - je pèse mes mots - renversants, comme vous allez vite vous en rendre compte :
> L'incroyable paradoxe de l'engagement
Une proportion inquiétante des employés canadiens songe sérieusement à quitter leur emploi dans un délai assez court : 35%. À noter que dans le secteur privé, ce pourcentage grimpe à 40% Et que lorsqu'on ne considère que les 18-34 ans - les millénniaux, si vous voulez -, il atteint même 44%.
Ça fait froid dans le dos, n'est-ce pas? Car ça signifie que si vous faites partie d'une équipe de 6 personnes, eh bien, il y en a 2 qui ne disent rien, mais qui sont en train de regarder activement si l'herbe n'est pas plus verte à côté.
Maintenant, croyez-moi ou pas, mais là n'est pas le pire. Car ce que je vais vous dire va vous faire tomber de votre chaise : ceux qui se disent heureux au travail sont... démissionnaires!
En effet, les 35% des employés qui entendent changer d'emploi comprennent :
- 40% des employés satisfaits de leur organisation;
- 51% des employés «très satisfaits» des possibilités de carrière au sein de leur organisation;
- 33% des employés qui jugent que leur programme d'avantages sociaux est «très bon»;
- 42% des employés qui disent qu'ils bénéficient d'assez de programmes de formation pour évoluer dans leur carrière;
- 43% des employés qui disent que leur organisation est «bien gérée dans son ensemble»;
- 41% des employés qui estiment que leur rémunération est «équitable» compte tenu de leur rendement et de leur apport à l'organisation.
Wow! Ça calme, non? Ces résultats prennent le contre-pied de tout ce qu'on croyait, en général, en matière de management, comme quoi un employé heureux au travail est nécessairement engagé. Oh que non! Le désengagement ne concerne plus seulement ceux qui ne trouvent pas leur place au sein de leur organisation, mais également ceux qui s'y plaisent.
Bon. J'en vois parmi vous qui doutent, qui n'y croient pas vraiment, qui pensent que c'est peut-être vrai ailleurs, mais certainement pas chez eux. En particulier les managers qui sont en train de lire ce billet.
Hum... À ces sceptiques-là, je me permets d'avancer un dernier élément, un argument massue, d'après moi : la haute direction est la plus concernée par ce curieux phénomène!
De fait, 67% des membres de la haute direction avouent qu'ils songent sérieusement à partir, et ce, même si 85% d'entre eux affirment, dans un même élan, qu'ils sont «satisfaits» de leur organisation. C'est bien simple, ils sont deux fois plus susceptibles d'aller voir ailleurs que les employés non cadres. Rien de moins.
Que se passe-t-il? Sommes-nous tous tombés sur la tête? D'où vient cette furieuse envie de partir, alors même qu'on se dit heureux là où on est? Les experts de Mercer ont, bien sûr, tenu à y voir plus clair, en creusent un peu plus en profondeur dans les données de leur sondage. Ce qui leur a permis de découvrir que, tout bêtement, les employeurs n'offrent pas aux employés ce qu'ils attendent d'eux.
«Notre sondage confirme ce que les employeurs ont déjà pu constater par eux-mêmes, à savoir que la main-d'oeuvre est en pleine mutation. L'élément nouveau est que la propension à partir est de moins en moins reliée à l'insatisfaction à l'égard du travail, du salaire ou des possibilités d'évolution de carrière. Si bien que les employeurs doivent modifier leur stratégie en matière de gestion des talents, afin de mieux coller aux nouveaux besoins des employés les plus performants», dit William Awad, conseiller, talents, de Mercer.
Quels sont, au juste, ces "nouveaux besoins"? Le sondage permet, fort heureusement, de le dire, puisqu'il a établi un palmarès des attentes les plus importantes des employés à l'égard de leur employeur, par tranches d'âges :
> Le Top 5 des 18-34 ans
1. Salaire de base
2. Possibilités d'évolution de carrière
3. Protections en soins de santé
4. Horaires flexibles
5. Régime de retraite
> Le Top 5 des 35-49 ans
1. Salaire de base
2. Régime de retraite
3. Protections en soins de santé
4. Congés payés
5. Horaires flexibles
> Le Top 5 des 50 ans et plus
1. Salaire de base
2. Régime de retraite
3. Protections en soins de santé
4. Congés payés
5. Type de travail
«Désormais, la réussite des relations de travail entre employeurs et employés dépend de trois facteurs. À savoir la rémunération, la protection en matière de santé et la gestion de la carrière. Pour demeurer compétitifs sur le marché de l'emploi, les employeurs vont donc devoir s'adapter à ces trois enjeux-là, en y apportant des réponses permettant de faire la différence avec la concurrence», affirme M. Awad.
Le hic? C'est que les employeurs vont complètement à contre-courant depuis plusieurs années. Quelle est l'entreprise canadienne qui, ces derniers temps, a augmenté les salaires de base de ses employés au-delà du taux annuel d'inflation? Quelle est l'entreprise canadienne qui, ces derniers temps, a amélioré les protections de soins de santé offertes à ses employés? Et quelle est l'entreprise canadienne qui, ces derniers temps, s'est pliée en quatre pour booster la carrière de chacun de ses employés les plus performants? Hein? Citez m'en deux ou trois. Allez, j'attends.
C'est clair, le hiatus entre les attentes des employés et les offres des employeurs est devenu, l'air de rien, un véritable gouffre. Un gouffre si paniquant que même les membres de la haute direction n'ont qu'une envie, fuir plus vite et plus loin que les autres. Un gouffre que je me permets de caractériser comme pathétique.
Alors, que faire à présent? Prendre ses jambes à son cou, comme de plus en plus de collègues? Ou chercher à renverser vaillamment la vapeur? À vous de voir. De choisir votre camp. À ceci près que les employeurs n'ont, à mon avis, aucune alternative :
> Qui entend séduire à nouveau ses employés qui se disent pourtant satisfaits de leur emploi se doit de se soucier vraiment de leur mieux-être. Il lui faut tâcher de répondre à leurs attentes profondes, notamment en matière de salaire, de santé et de carrière. Il lui faut, donc, changer carrément son fusil d'épaule en matère de ressources humaines, s'il souhaite - enfin - toucher sa cible. Et même survivre. Car l'enjeu est bel et bien celui-là : la survie de l'organisation.
En passant, l'actrice française Elsa Zylberstein aime à dire : «Séduire, c'est être soi-même».
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