Je suis tombé ce week-end sur un vieil article du Guardian qui parlait d'un livre de Bronnie Ware, une infirmière australienne qui a écrit en 2011 un livre intitulé The Top Five Regrets of the Dying. S'y trouve le palmarès des cinq principaux regrets qu'expriment les mourants par rapport à la vie qu'ils ont vécue. Un palmarès qu'elle a établi elle-même à partir de ce que lui ont confié au fil des années les personnes qu'elle assistait dans leurs derniers instants.
Découvrez mes précédents billets
Rejoignez-moi sur Twitter
Mon livre : Le Cheval et l'Âne au bureau
En découvrant ce palmarès, j'ai été frappé à quel point les regrets exprimés concernaient la vie au travail. Prenons le cas du deuxième plus grand regret : «Je n'aurais pas dû travailler si dur». Que signifie-t-il? Que l'on ne s'épanouit pas tant que ça dans notre travail, que l'on y subit plus que l'on s'y réjouit, bref, que l'on n'y est pas vraiment heureux.
Prenons maintenant le cas du plus grand de tous les regrets : «J'aurais aimé avoir le courage de vivre comme je voulais, et non pas de vivre la vie qu'on attendait de moi». Autrement dit, à force de se plier aux diktats des uns et des autres – en particulier ceux des managers, voire des collègues –, on ne parvient pas à prendre notre vie en mains. Le regard d'autrui a donc plus d'influence qu'on n'imagine a priori. Car il est capable de nous rendre malheureux. Très malheureux, même.
Bien entendu, je me suis demandé si j'avais une vision tronquée de ce Top 5, en le regardant trop sous l'angle du management. C'est alors que j'ai mis la main sur des sondages qui m'ont éclairé.
Par exemple, le site Web d'emploi Workopolis a découvert ce mois-ci l'apparition d'un nouveau phénomène : changer régulièrement d'emploi est aujourd'hui devenu la norme au Canada. De 1990 à 2000, le nombre de salariés ayant occupé leur dernier emploi pendant moins de deux ans a doublé, passant de 16 à 33%. La tendance s'est accrue durant les années 2000, passant de 33 à 51%.
Sans surprise, le nombre de salariés ayant occupé leur dernier emploi pendant plus de quatre ans a, lui, chuté simultanément, pour osciller maintenant autour de 30%. Un chiffre suffit à saisir l'ampleur du phénomène : le tiers des salariés (32%) qui ont débuté un nouvel emploi en 2013 l'ont aujourd'hui déjà quitté!
Comment expliquer tout ça? Workopolis est allé à la source, et a mené un sondage auprès des personnes qui ont récemment quitté leur emploi, en leur demandant «Pourquoi avez-vous quitté votre dernier emploi?». Voici les résultats :
> «Je ne m'entendais pas bien avec mon manager» - 37%
> «J'étais insatisfait de ma situation au sein de l'entreprise» - 29%
> «J'ai trouvé un meilleur emploi» - 20%
> «Je ne cadrais pas dans l'entreprise» - 14%
Si l'on prend un peu de recul, on note que ces sentiments d'insatisfaction peuvent se résumer comme suit :
> Manque de collaboration. Le salarié ne se sentait pas à la bonne place, et donc incapable d'exprimer ses talents. Faute d'être bien intégré au sein de l'équipe.
> L'espoir que l'herbe est plus verte ailleurs. Le salarié a réalisé qu'il lui fallait réagir, s'il ne voulait pas dépérir. Il a choisi la fuite, une fuite qu'il espère salutaire.
Une autre étude récente – menée auprès de 8 500 Canadiens, dont 2 000 Québécois, par la firme de placement de personnel Randstad – en arrive à un constat similaire. Il en ressort que la majorité des salariés du Québec disent que ce qui leur déplait le plus dans leur travail actuel, ce sont :
> L'ambiance de travail, qu'ils trouvent désagréable (64%).
> L'esprit d'équipe, qui fait cruellement défaut (52%).
Que retenir de tout ça? C'est simple, qu'il y a urgence pour les entreprises – et donc les managers – d'arrêter de pourrir la vie des employés!
Comment? C'est là que j'ai une belle et grande nouvelle pour vous. Une nouvelle issue d'une étude de l'IBM Smarter Workforce Institute dénommée Big data helps bust the top three myths of employee engagement and leadership, signée par Jeffrey Jolton et Bryan Hayes.
Cette étude entendait vérifier différents mythes véhiculés à propos de l'engagement des employés. Par exemple, est-il vrai, ou pas, que le niveau d'engagement va décroissant, ces dernières années? Pour le savoir, l'équipe d'IBM s'est plongée dans les données pharaoniques qu'elle détient concernant quelque 9 millions d'employés répartis un peu partout sur la planète. Du big data dans toute sa splendeur.
Cela lui a permis de faire une foule de découvertes passionnantes, dont je ne vais retenir qu'une seule, celle qui nous intéresse au plus haut point : que faire pour retenir, aujourd'hui et demain, les employés talentueux au sein de son entreprise? Je souligne : aujourd'hui et demain. Car l'étude a permis aux deux chercheurs de déceler des tendances qui vont aller croissantes dans les prochaines années, des tendances préoccupantes, comme vous allez le voir.
Ainsi, l'étude montre que les employés ne sont pas aussi désengagés qu'on le croit : ils ne demandent rien de mieux que d'exprimer leurs talents, de s'épanouir au travail. Le hic? C'est qu'ils ont beaucoup de mal à trouver le terreau fertile pour cela. D'où leur réflexe – finalement assez nouveau – de regarder s'il n'y aurait pas mieux ailleurs.
Là où la situation se complique, c'est que ce réflexe n'en est qu'à ses débuts. C'est-à-dire que les employeurs n'ont encore rien vu concernant l'infidélité des employés : «Plusieurs signes avant-coureurs – comme le creux record survenu en 2012 quant à la chute de confiance des employés envers les hauts-dirigeants de leur entreprise – poussent à croire que l'on va droit vers un déclin de l'engagement», indique l'étude. Un déclin. Rien de moins.
La parade? L'étude la dévoile, puisqu'elle s'est intéressée à l'évolution des moteurs de l'engagement, entre 2008 et 2012. Voici le Top 5 de ce qui motive le plus les employés à briller au travail :
1. La vision. Ils chérissent le fait que le leader ait une vision claire du futur vers lequel tout le monde doit tendre.
2. La collaboration. Ils prisent le fait d'être impliqués dans une équipe efficace.
3. La reconnaissance. Ils aiment que leur contribution personnelle soit soulignée au vu et au su des autres.
4. La croissance et le développement. Ils adorent voler de succès en succès, de telle sorte que la santé de l'entreprise s'en porte de mieux en mieux.
5. La diversité et l'inclusion. Ils souhaitent évoluer dans un environnement dynamique, où ils côtoient des personnes et des idées enrichissantes pour eux.
Bon. Certains me diront qu'il n'y a là rien de neuf. Mais regardons tout cela un peu mieux, et voyons ce qui s'en dégage. On aperçoit dès lors, entre autres, deux moyens complémentaires de renverser la vapeur :
> Inspirer. Les managers doivent faire de la vision leur priorité absolue, et surtout, prêter une attention toute particulière à la façon dont ils la communiquent aux employés. Ils doivent parvenir à faire rêver, mais tout en faisant garder les pieds sur terre. Ils doivent voir grand et loin, et permettre à chacun de voir tout aussi grand et loin. Bref, ils doivent se faire inspirants. Un modèle? Google. Ou encore, Apple.
> Connecter. Les managers doivent également voir leur entreprise, et même leur équipe, d'un tout nouvel œil. Ils peuvent notamment décider de prendre du recul et de regarder tout ça juste sous la forme de cercles interconnectés : cela peut être fait sur une feuille de papier, pour y voir plus clair. Cela fait, ils sont en mesure de repérer les liens forts et les liens faibles, ou encore ceux qui manquent, et pourquoi ceux qui mériteraient d'être affaiblis ou supprimés. Du coup, les voilà avec un plan de match permettant de mieux connecter les uns avec les autres. Résultat? Chaque employé se sentira nettement mieux au sein de l'écosystème dans lequel il se trouve, au point de s'y sentir – enfin – chez lui, prêt à grandir en harmonie avec tous les autres.
Voilà. Qu'en pensez-vous? Est-ce là de bonnes idées? Je serais curieux de le savoir…
En passant, le penseur américain Ralph Waldo Emerson disait : «Les grands hommes, les génies, les saints n'ont fait de grandes choses que parce qu'ils étaient inspirés par un grand idéal. On a besoin d'accrocher sa charrue aux étoiles».
Découvrez mes précédents billets
Rejoignez-moi sur Twitter
Mon livre : Le Cheval et l'Âne au bureau