L'engagement, la motivation, le fameux 110%... Tous ces termes apparaissent ici et là, ces temps-ci, lorsqu'on parle de management. Parce que, soyons honnêtes, avec le départ à la retraite des baby-boomers et l'arrivée croissante des milléniaux, les employeurs ne savent plus trop comment s'y prendre pour inciter les uns à donner un dernier coup de collier et pour encourager les autres à mettre le pied à l'étrier. Pas vrai?
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Alors? Y a-t-il une bonne manière de s'y prendre pour motiver ses employés? Ou plutôt, plusieurs bonnes manières puisqu'on s'adresse à des profils de personnes distincts? Et donc, plusieurs mauvaises également? Impossible de trancher, me direz-vous.
Eh bien, détrompez-vous! Car j'ai mis la main sur une étude fascinante à ce sujet, intitulée What motivates us for work? Intricate web of factors beyond money and prestige. Celle-ci est le fruit du travail de : Nadja Damij, professeure de science de l'information à la Faculté de science de l'information de Novo mesto (Slovénie); Zoran Levnajic, professeur de science physique à la même Faculté; Vesna Rejec-Skrt, directrice de projet, du fabricant de composants électroniques Varsi; et Jana Suklan, doctorante en statistique à l'Université de Ljubljana (Slovénie). Et elle apporte une réponse lumineuse à ces interrogations lourdes de conséquences pour l'avenir des entreprises.
Ainsi, les quatre chercheurs slovènes ont demandé à 273 employés oeuvrant dans un total d'une centaine d'entreprises de bien vouloir répondre à un questionnaire. Ce dernier portait sur les facteurs de motivation - et de démotivation - au travail pour ces personnes aux profils professionnels variés : certains travaillaient dans le secteur privé, d'autres dans le secteur public ; certains avaient un salaire modeste, d'autres un salaire généreux ; etc. Et ce, à l'aide de questions dont les tournures permettaient d'évaluer tant la dimension motivante que celle démotivante d'un facteur jouant dans l'engagement d'un employé.
Prenons l'exemple du salaire. Chaque personne sondée devait indiquer par une note de 0 à 6 ce qu'elle pensait par rapport à deux questions, soit :
> «À quel point avoir un salaire plus élevé est important à vos yeux?». Là, c'est la tournure permettant d'évaluer le facteur motivant que peut être l'argent.
> «Dans quelle mesure seriez-vous prêt à avoir un salaire moins élevé?». Et là, c'est la tournure permettant d'évaluer le facteur démotivant que peut être l'argent.
Subtil, n'est-ce pas? Tout est dans la façon de poser la question. Et l'air de rien, ce questionnaire de soixante d'interrogations portant sur trente facteurs distincts - responsabilités, conditions de travail, sécurité d'emploi, etc. - a permis aux quatre chercheurs slovènes de faire des découvertes renversantes. Jugez-en par vous même :
> Les trois principaux facteurs de motivation. Ce sont :
1. Sentir qu'on s'accomplit dans son travail
2. Avoir un travail qui nous intéresse
3. Avoir de bonnes relations avec ses collègues
Autrement dit, ce qui motive le plus les employés, c'est le sentiment d'être à la bonne place et d'y grandir au milieu de gens qu'on apprécie. Et non pas, comme nombre de managers le croient encore trop souvent de nos jours, une généreuse rémunération ou le prestige découlant d'une promotion.
À noter que ce palmarès est vrai tant pour le secteur public que pour le secteur privé. Et qu'il se vérifie également quel que soit le salaire de la personne concernée, à ceci près que le facteur le plus important aux yeux de ceux qui ont des revenus supérieurs à la moyenne, voire élevés, est le fait d'avoir un travail qui les intéresse ; ce facteur-là passe alors devant celui du sentiment d'accomplissement.
> Les trois principaux facteurs de démotivation. Ce sont :
1. Avoir de mauvaises relations avec ses supérieurs hiérachiques
2. Avoir de mauvaises relations avec ses collègues
3. Avoir des collègues indifférents à nous
Autrement dit, ce qui démotive le plus les employés, c'est le sentiment d'être isolé, pour ne pas dire rejeté, par ceux que l'on côtoie quotidiennement au bureau. Et non pas, comme nombre de managers le croient encore trop souvent de nos jours, une faible rémunération ou le manque de prestige du poste occupé.
À noter que ce palmarès est vrai tant pour le secteur public que pour le secteur privé. Et qu'il se vérifie également quel que soit le salaire de la personne concernée.
Bien. Mais ce n'est pas tout. Quand on y regarde de plus près, on note que certains facteurs peuvent jouer comme de grands motivateurs, mais aussi comme de grands démotivateurs. Par exemple, les relations qu'on a avec nos collègues : si elles sont bonnes, ça nous motive à donner notre 110%; en revanche, si elles sont pourries, nous perdons aussitôt le coeur à l'ouvrage. Ce qui signifie que ce facteur-là est plus déterminant que d'autres.
Les quatre chercheurs slovènes ont, bien entendu, regardé quels étaient ainsi les facteurs les plus déterminants, comme les moins déterminants, pour l'engagement des employés. Voici ce qu'ils ont trouvé :
> Les facteurs les plus déterminants. Ils concernent tous le développement de soi au sein de l'écosystème dans lequel évolue l'employé. Y figurent en effet des facteurs comme 'la reconnaissance', 'l'autonomie dans son travail', 'les responsabilités assumées' et 'l'aspect divertissant de son travail'.
> Les facteurs les moins déterminants. Ils concernent tous la structure organisationnelle et les conditions matérielles de travail. Y figurent notamment 'les voyages d'affaires', 'les ordinateurs', 'la supervision' et 'les chances de décrocher une promotion'.
Les quatre chercheurs slovènes sont allés encore plus loin, toujours grâce à ce simple questionnaire. De fait, ils ont regardé si des facteurs étaient corrélés entre eux, ou pas, puis ils ont représenté la carte des connexions entre les différents facteurs, en fonction de leurs liens de corrélation entre eux. Plus précisément, deux cartes : l'une pour les facteurs de motivation, l'autre pour les facteurs de démotivation.
Qu'est-ce que cela leur a permis d'apprendre? Ceci :
> Un effet boule de neige positif. Les facteurs motivants les plus centraux dans le réseau de connexions concernent la «dynamique interpersonnelle» ainsi que «le désir d'oeuvrer harmonieusement au sein de son écosystème». Si bien qu'il suffit d'agir sur un facteur en particulier, disons 'la reconnaissance d'un bon coup accompli', pour que cela ait un impact indirect sur d'autres facteurs corrélés, comme 'le sentiment d'accomplissement' et 'le sentiment d'avoir un travail intéressant'. On assiste dès lors à une effet boule de neige.
> Un effet boule de neige négatif. Les facteurs démotivants les plus centraux dans le réseau de connexions concernent, eux aussi, la «dynamique interpersonnelle». Et là aussi entre en jeu l'effet boule de neige, un désagrément en entraînant d'autres à sa suite.
«Cela étant, il ne faut pas croire pour autant qu'il suffit d'intervenir sur un facteur déterminant, aussi central soit-il, pour que l'employé en question s'estime, du jour au lendemain, entièrement épanoui dans son travail», soulignent les autre chercheurs dans leur étude.
Que retenir de tout ça? Ceci, à mon avis :
> Qui entend motiver à fond ses employés se doit d'agir sur la dynamique interpersonnelle au sein de l'équipe, voire de l'organisation elle-même. Il lui faut s'arranger pour que chacun se sente bien dans son écosystème, au point de s'y sentir à sa place et d'y avoir le sentiment qu'il lui est possible d'y grandir en harmonie avec les autres. Pour ce faire, il doit faire du sentiment d'accomplissement de chacun une de ses plus grandes priorités, tout en veillant à ce que chacun puisse 'se mouvoir' à l'aise au milieu des autres. Et donc oublier les traditionnelles primes et autres pseudo-promotions, que plus personne ne considère aujourd'hui comme de vraies carottes.
En passant, l'écrivain français Victor Hugo a dit dans Les Misérables : «Le bonheur veut tout le monde heureux».
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