J’ai eu le privilège de rencontrer, juste avant l’été, nul autre que Henry Mintzberg. Oui, la sommité internationale du management, qui enseigne à l’Université McGill, à Montréal, à deux pas du journal Les affaires. Oui, oui, bel et bien celui que le magazine américain Fast Company a qualifié de ‘Mick Jagger du management’. Rien de moins.
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L’objet de notre rencontre paraîtra dans un numéro spécial du journal Les affaires – 100% gratuit et 100% iPad – qui sera téléchargeable à partir du jeudi 6 août prochain. Une rencontre que j’ai trouvé, pour ma part, enthousiasmante, mais que je ne vais pas déflorer ici : je préfère vous laisser la surprise.
Cela étant, je ne tiens pas à vous laisser sur votre faim. Cette rencontre a été pour moi l’occasion de me replonger dans les écrits de Henry Mintzberg, et de mettre ainsi la main sur un questionnaire hors-norme. Vous allez comprendre…
Dans son livre Gérer dans l'action (Éd. Transcontinental, 2014) figure une série de questions auxquelles le professeur de McGill invite à répondre, si l’on entend devenir un meilleur manager. Il s’agit là d’une sorte de guide de réflexion, c’est-à-dire d’une trame à suivre pour cheminer vers de meilleures pratiques en matière de management.
«Mes propres observations suggèrent que le manager efficace a tendance à réfléchir : il sait tirer profit de son expérience, explore plusieurs options, fait marche arrière lorsque l’une d’entre elles échoue et en essaie alors une autre. Il lui faut donc faire preuve d’une certaine humilité et admettre qu’il n’a pas la science infuse», explique-t-il.
Et de poursuivre : «Comme je l’ai écrit dans Des managers, des vrais ! Pas des MBA, lorsqu’on réfléchit, on s’interroge, on explore, on analyse, on synthétise, on établit des liens – le tout dans le but de comprendre la signification de toute expérience marquante. La réflexion doit aller plus loin que l’intelligence pure et simple, elle doit mener à une sagesse profonde. Et ce, rien qu’en observant et cogitant».
Comment y parvenir ? M. Mintzberg recommande de «prendre du recul» et d’«oser une autoanalyse», en suivant le fil d’un questionnaire qu’il a concocté lui-même. Pas de panique ! Je sais que le terme d’autoanalyse peut en faire frémir plus d’un, mais il n’y a pas de quoi s’inquiéter pour si peu. En vérité, il vous suffit de vous accorder le temps nécessaire pour répondre, crayon en main, à chacune des interrogations. Sans en oublier une seule, c’est là un point important : c’est justement celles qui posent problème qui sont les plus pertinentes, en ce sens qu’elles peuvent nous donner l’occasion de progresser, à condition de s’y attarder vraiment.
Bon, vous allez peut-être tenter de vous défiler, en affirmant que vous n’avez pas le temps pour ça. Hum… Voilà justement pourquoi je vous invite de profiter de l’été pour vous pencher sur le questionnaire de Henry Mintzberg. Il est vrai qu’il prend du temps, mais je peux vous garantir que ce temps-là ne sera pas perdu. Et je ne veux pas croire que vous ne puissiez pas trouver ce temps-là en juillet ou en août.
Un dernier conseil avant de vous lancer : «Certaines questions peuvent vous paraître simples, voire rhétoriques, mais répondez-y tout de même, car elles peuvent stimuler votre réflexion», indique le professeur de McGill.
Parfait. Maintenant, c’est parti !
Le questionnaire Mintzberg
1. Où est-ce que j’obtiens d’habitude de l’information, et comment ? Puis-je faire un plus grand usage de mes contacts pour en obtenir ? Comment puis-je faire en sorte que les autres me fournissent les renseignements dont j’ai besoin ?
2. Quel type d’informations est-ce que je diffuse moi-même ? Comment puis-je transmettre à d’autres plus de données, afin qu’ils soient en mesure de prendre de meilleures décisions ?
3. Ai-je tendance à agir avant d’avoir reçu assez d’informations ? Ou est-ce qu’au contraire j’attends trop longtemps, de telle sorte que les occasions me passent sous le nez ?
4. Quelle vitesse de changement ai-je tendance à imposer à mon équipe ? Ce rythme respecte-t-il son besoin de stabilité ?
5. Suis-je assez informé pour juger des propositions qui me sont faites ? M’est-il possible de laisser certaines décisions entre les mains des autres ?
6. Quelles sont mes vraies intentions pour mon équipe ? Devrais-je les rendre plus explicites de façon à faciliter la prise de décisions des autres ?
7. Suis-je assez sensible à l’influence de mes actions et de mon style de management ? Ai-je trouvé l’équilibre entre l’encouragement et les pressions ? Est-ce que je décourage, en fait, les initiatives des autres ?
8. Est-ce que je passe trop, ou trop peu, de temps à cultiver mes relations externes ? Y a-t-il certains types de personnes que je devrais mieux connaître ?
9. Quand j’établis mon emploi du temps, est-ce que je ne fais que réagir aux pressions les plus urgentes ? Ai-je tendance à me concentrer sur l’une de mes fonctions – parce que je la trouve intéressante, par exemple – ou ai-je réussi à équilibrer l’ensemble de mes activités ? Suis-je plus efficace à un moment donné de la journée ou de la semaine ?
10. Est-ce que je travaille trop ? Quel effet ma charge de travail a-t-elle sur mon efficacité et sur ma famille ? Devrais-je me forcer à faire des pauses ou à réduire mon rythme de travail ?
11. Suis-je trop superficiel dans ce que je fais ? Est-ce que j’arrive réellement à changer de registre aussi vite et aussi souvent que l’exige mon travail ? Devrais-je essayer de réduire le degré de fragmentation et d’interruptions de mon travail ?
12. Suis-je esclave de l’action et de l’excitation qui découlent de mon travail, à tel point que je ne suis plus capable de me concentrer sur les problèmes ? Devrais-je passer plus de temps à lire et à m’intéresser à fond à certaines questions ?
13. Est-ce que j’utilise les différents moyens de communication existants de façon appropriée ? Est-ce que je sais tirer parti des communications écrites et du courriel ? Suis-je prisonnier de mes courriels ?
14. Est-ce que je m’appuie trop sur les communications en personne, au point de mettre les membres de mon équipe dans une situation inconfortable ? Est-ce que je consacre assez de temps à observer directement l’activité des uns et des autres ?
15. Mes obligations occupent-elles tout mon temps ? Comment puis-je m’en libérer assez pour être en mesure de conduire mon équipe là où je veux la mener ? Comment faire de mes contraintes une force?
Voilà. Ce sont là les 15 questions concoctées par Henry Mintzberg à l’attention des managers qui entendent devenir meilleurs que jamais dans le cadre de leurs fonctions. Les 15 interrogations qui vont vous permettre. A n’en pas douter, d’effectuer de grandes avancées, peut-être même à pas de géant.
Une nuance, toutefois : «Chercher la clé du management efficace à la lumière de l’analyse peut se révéler une erreur, mais s’attendre à la trouver dans l’obscurité de l’intuition n’est guère mieux. Ici encore, ce qui importe, c’est l’équilibre : le manager doit à la fois s’appuyer sur son savoir formel et explicite ainsi que sur ses connaissances informelles et tacites», estime M. Mintzberg. Et de souligner que l’idéal est, dès lors, de «cultiver sa flexibilité», ce qu’il est possible de réaliser à condition d’«organiser sans cesse le chaos inhérent à son travail» et de «conserver toujours un esprit critique».
Autrement dit, un manager digne de ce nom se doit de prendre assez de recul pour identifier ses forces et ses faiblesses, et surtout d’avoir le cran d’en profiter pour s’améliorer. Et ce, en prenant conscience de son rôle et de son influence au sein de l’écosystème dans lequel il évolue, ou si vous préférez, de sa fonction au sein du réseau de connexions dans lequel il figure. Une fonction que Henry Mintzberg résume comme suit, dans son livre Gérer dans l’action :
1. Émulation. Les managers sont importants dans la mesure où ils aident les autres à le devenir.
2. Connexions. Une organisation est un réseau de connexions, et non une hiérarchie verticale. Les managers efficaces oeuvrent partout ; ils ne s’enferment pas dans leur tour d’ivoire.
3. Stratégie. Les meilleures stratégies naissent de ce réseau de connexions. Car ceux qui y figurent s’engagent à fond et résolvent de menus problèmes, qui se transforment en grandes initiatives. Pourquoi ? Parce que l’exécution alimente la formulation.
4. Libération. Être manager, c’est libérer l’énergie positive naturelle de chacun. Par conséquent, le management, c’est l’engagement fondé sur l’esprit critique et l’ordonnancement du chaos.
5. Confiance. Le leadership repose sur la confiance et s’obtient par le respect des autres.
Voilà. À présent, c’est à vous de jouer ! Et je me permets de vous souhaiter le plus beau des étés ! (À noter qu'à la toute fin de l'été, les 10 et 11 septembre, Henry Mintzberg et son entreprise Coaching Ourselves organisera des conférences sur l'avenir du management dans le cadre de l'événement Reflections Conference 2015, à Montréal. Une occasion en or de voir cette discipline sous un tout nouveau jour.)
En passant, l’écrivain québécois Jacques Brillant a dit dans Le Soleil se cherche tout l’été : «Il y a des moments où gouverner les hommes, c’est sauver leur liberté».
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