Aujourd'hui, j'ai envie de vous bousculer un peu. D'accord? Parfait. Je vais m'y prendre avec une simple interrogation : «Pour quoi travaillez-vous, au juste?». À noter la particularité de cette question : j'ai bien écrit «pour quoi», en deux mots, et non pas «pourquoi», en un seul mot.
Maintenant, relisez l'interrogation - «Pour quoi travaillez-vous, au juste?» -, prenez une feuille de papier et un crayon, puis rédigez votre réponse. En deux ou trois phrases. Pas plus. Go!
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Ça y est? Très bien. Mettez tout ça de côté, et poursuivez à présent la lecture de ce billet. Vous allez voir, cela va vous passionner, c'est promis.
Jacques Forest, professeur de psychologie organisationnelle à l'ESG de l'UQÀM, a eu la gentillesse de me faire parvenir hier une étude qu'il a cosignée avec six autres chercheurs : Anaïs Thibault Landry, assistante de recherche à l'UQÀM, à Montréal (Canada); Julian Kindlein, consultant chez le Boston Consulting Group, à Boston (États-Unis); Sarah-Geneviève Trépanier, professeure de psychologie à l'UQÀM; Drea Zigarmi, consultant en management chez Ken Blanchard Companies, à Escondido (États-Unis); Dobie Houson, directrice des recherches chez Ken Blanchard Companies; et Felix Brodbeck, professeur de psychologie organsationnelle à l'Université Louis-et-Maximilien de Munich (Allemagne). Cette étude est intitulée Why individuals want money is what matters: Using self-determination theory to explain the differential relationship between motives for making money and employee psychological health. Et ses résultats devraient éclairer votre quotidien au travail sous un tout nouveau jour, je crois.
Ainsi, les sept chercheurs sont partis du constat que ce qui pousse chacun de nous à travailler, c'est l'impératif de gagner notre vie. Et donc, de gagner de l'argent. Logique.
Mais voilà, cet impératif que nous avons tous de gagner de l'argent est ambivalent. Car l'argent, tel Janus, présente toujours deux têtes contraires : d'un côté, il est source de joie (il est toujours plaisant, par exemple, d'empocher un certain montant d'argent), de l'autre, source de stress (il est toujours inquiétant de savoir, par exemple, que rien ne garantit vraiment la prochaine paie). En conséquence, on peut s'interroger quant à l'impact exact qu'a l'argent sur notre bien-être au travail.
D'où l'idée des chercheurs de mener deux expériences visant à en savoir davantage sur ce point. Dans la première, ils ont demandé à 538 employés de bien vouloir remplir en ligne un questionnaire visant à déterminer leurs motivations profondes pour gagner de l'argent. Et dans la seconde, ils ont demandé à 748 autres employés de répondre à d'autres questions, histoire de voir quels étaient les ressorts psychologiques sous-jacents à ces motivations-là qui faisaient que l'argent contribuait parfois à rendre heureux au travail, et d'autres fois, malheureux. Simple, n'est-ce pas?
Résultats? Ils sont limpides :
> Avantage aux motivations positives. Les motivations positives liées à l'argent boostent la satisfaction au travail. En particulier les motivations suivantes :
- Récompense. C'est-à-dire lorsqu'on considère l'argent gagné comme une juste récompense pour le travail fourni (ex.: la prime décrochée à la suite de l'atteinte d'un objectif ambitieux fixé par la haute-direction, etc.).
- Fierté. C'est-à-dire lorsqu'on considère l'argent gagné comme une source de fierté (ex.: atteindre le niveau de salaire dont on avait rêvé lorsqu'on était étudiant, etc.).
- Loisirs. C'est-à-dire lorsqu'on pense aux loisirs auxquels on pourra se livrer grâce à l'argent gagné (ex.: s'acheter un équipement de hockey neuf, etc.).
- Bienfaisance. C'est-à-dire lorsqu'on pense aux bienfaits que l'on pourra dispenser autour de soi grâce à l'argent gagné (ex.: don, etc.).
- Capabilité. C'est-à-dire lorsqu'on pense à toutes les jouissances inédites que peut nous procurer l'argent gagné (ex.: safari photo en Afrique du Sud, etc.).
> Désavantage aux motivations négatives. Les motivations négatives liées à l'argent boostent les frustrations liées au travail. En particulier les motivations suivantes :
- Dépenses impulsives. C'est-à-dire lorsqu'on pense à toutes les manières dont on pourra claquer l'argent gagné (ex.: nuit de folie en boîte, arrosée au champagne, etc.).
- Comparaison sociale. C'est-à-dire lorsqu'on ne peut s'empêcher de comparer les sommes que l'on gagne à celles que gagnent les autres, en particulier ceux qui nous sont proches (ex.: le beau-frère qui gagne toujours plus que soi, etc.).
- Frime. C'est-à-dire lorsqu'on pense à l'argent gagné comme un moyen d'épater la galerie (ex.: s'acheter une Harley-Davidson, etc.).
> Indifférence des motivations neutres. Les motivations neutres n'ont aucun impact notable sur la satisfaction que l'on peut éprouver dans son travail. Les motivations neutres? Il s'agit, entre autres, de celles qui sont liées à au fait que l'on considère l'argent comme un moyen d'assurer sa sécurité, et celle de sa famille, sur le plan économique. Autrement dit, si l'on considère l'argent gagné comme un simple moyen d'assurer sa subsistance et celle de ceux qui comptent pour nous, cela ne booste en rien le plaisir que l'on peut ressentir dans son quotidien au travail.
«À partir du moment où l'on considère l'argent comme un moyen de grandir sur le plan psychologique dans un environnement de travail sain - récompense, fierté, loisirs, bienfaisance, capabilité -, on est à même de se sentir compétent, autonome et connecté aux autres. Ce qui augmente le bien-être et diminue le mal-être au travail.
«En revanche, dès lors qu'on perçoit l'argent comme un moyen de compenser des frustrations - dépenses impulsives, comparaison sociale, frime -, on perd de vue le fait que notre travail peut nous procurer un sentiment de compétence, d'autonomie et de connexion aux autres. Ce qui diminue le bien-être et augmente le mal-être au travail», résument les chercheurs dans leur étude.
«Par conséquent, l'argent en tant que tel importe peu pour la satisfaction, ou la frustration, des employés. Ce qui compte, en vérité, c'est les motivations qui nous poussent à gagner de l'argent : si celles-ci visent notre développement personnel, nous aurons toutes les chances d'être heureux au travail; mais si elles visent la compensation de frustrations, alors là, nous aurons toutes les chances d'être malheureux au travail», ajoute M. Forest.
Voilà. Ce sont là des résultats fascinants, n'est-ce pas? Je vous l'avais dit. C'est pourquoi je vous invite maintenant à revenir à votre feuille de papier et à relire ce que vous y avez inscrit tout à l'heure.
Ma nouvelle question : «Percevez-vous mieux à présent pour quoi vous travaillez, au juste?». Hum... Vous voyez, il y a là sûrement matière à réflexion... Pas vrai?
Bon. Que retenir de tout cela? Ceci, à mon avis :
> Qui entend vraiment savoir pour quoi il travaille se doit d'identifier ses motivations liées à son développement personnel. Pourquoi? Parce que cela lui donnera l'occasion de découvrir les différentes voies à emprunter pour ressentir davantage de plaisir dans son quotidien au travail. Ni plus ni moins.
En passant, l'écrivain polonais Adam Mickiewicz a dit dans son Chant des Philarètes : «Mesure tes forces d'après tes aspirations, et non tes aspirations d'après tes forces».
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