Vous avez une tonne de choses à faire au travail. Oui, une tonne. Et des choses importantes, de surcroît. Vraiment importantes. Et pourtant, vous n'avez pas le cœur de vous y mettre. Non, aucune envie de bosser.
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Pourquoi? Est-ce parce que la tâche, immense, vous effraie? Parce que la montre, implacable, vous indique que vous n'y arriverez jamais à temps? Ou encore parce que vous souffrez, sans l'admettre, d'une "procrastinatique aiguë"?
Pas de panique! Ce n'est sûrement pas si grave que ça. Et il se pourrait bien qu'il y ait une solution simple au problème "monumental" auquel nous sommes tous, ou presque, confrontés quotidiennement. Si, si…
Cette solution simple, je l'ai dénichée dans une étude intitulée The categorization of time and its impact on task initiation. Celle-ci est le fruit du travail de : Dilip Soman, professeur de marketing à l'École de management Rotman à Toronto (Canada); et Yanping Tu, doctorante en marketing à l'École de commerce Booth à Chicago (États-Unis). Une solution, comme vous allez le voir, carrément géniale.
Ainsi, les deux chercheurs ont procédé à cinq expériences visant à répondre à une interrogation : «Notre conception du temps a-t-elle une incidence, ou pas, sur notre volonté de nous atteler à une tâche?». De fait, notre façon de percevoir un deadline varie, allant du «Zut, je vais manquer de temps!» au «Oh, oh, je n'ai plus beaucoup de temps, mais ça devrait quand même aller!», d'où l'intérêt de voir si cela a un impact, ou non, sur notre décision de nous mettre aussitôt au travail ou de plutôt baisser les bras.
Je vais vous décrire quelques-unes de ces expériences, car elles sont riches d'enseignements. Dans la première, il a été proposé à 295 fermiers indiens un prêt d'argent exceptionnel, à condition que celui-ci soit mis de côté pour payer, plus tard, les études de leurs jeunes enfants. À leur insu, les participants ont été placés dans des conditions différentes :
> D'ici la fin de l'année. La moitié des fermiers ont été rencontrés au mois de juin et il leur a été dit qu'il leur fallait impérativement déposer l'argent sur un compte spécial avant la fin de décembre. Sans quoi, le prêt serait annulé.
> D'ici le début de l'année prochaine. L'autre moitié des fermiers ont été rencontrés en juillet et il leur a été dit qu'il leur fallait impérativement déposer l'argent sur un compte spécial avant la fin de janvier. Sans quoi, le prêt serait annulé.
Que s'est-il passé, à votre avis? Rien de particulier, c'est ça? Tous ont immédiatement mis l'argent de côté afin d'assurer l'avenir de leurs bambins, comme nous l'aurions tous fait? Eh bien, accrochez-vous :
> Un écart considérable. 32% de ceux qui devaient agir avant la fin de l'année ont aussitôt déposé l'argent sur le compte spécial. En revanche, ça n'a été le cas que de 8% des autres, soit ceux qui avaient jusqu'au début de l'année suivante pour s'exécuter.
Pour en avoir le cœur net, les deux chercheurs ont effectué une expérience similaire au Canada auprès, cette fois-ci, d'étudiants en MBA. Il leur a été proposé un contrat de consultation en freelance auprès d'une firme dans laquelle tous rêvaient de travailler, un jour. Une occasion en or de briller sur le plan professionnel, quoi.
Pour la moitié des 130 étudiants, l'annonce a été faite à 5 jours de l'échéance des inscriptions pour postuler à ce contrat. Et pour l'autre, à 25 jours d'échéance.
Résultat? Ceux qui sentaient qu'ils n'avaient pas beaucoup de temps devant eux ont été nettement plus prompts à postuler que les autres.
«Ces expériences-là nous ont amené à croire que lorsqu'une personne considère que la tâche à accomplir se situe dans la fenêtre de son présent, elle s'y met plus vite que si elle ne la voit pas dans cette fenêtre-là», ont dit les deux chercheurs dans leur étude, avant de se lancer dans d'autres expériences visant à vérifier leur intuition.
C'est comme ça que des personnes ont été invitées à acheter un cadeau pour un être cher, à entrer des dizaines et des dizaines d'informations dans une base de données, ou encore à organiser une fête d'anniversaire. Et ce, à chaque fois, en étant placé dans des conditions où le deadline figurait soit dans la fenêtre du présent, soit en-dehors de celle-ci.
Tout cela a permis aux deux chercheurs de faire une belle trouvaille :
> L'effet de similarité. On est plus prompt à passer à l'action lorsqu'on doit faire quelconque chose d'ici sept jours que d'ici, disons, six ou huit jours. C'est-à-dire que mieux vaut que le deadline soit le mardi prochain si le jour où l'on fixe celui-ci est un mardi; et idem, un mercredi pour un mercredi, ou un samedi pour un samedi.
Pourquoi? Par effet de similarité : «À l'échelle d'une semaine, la fenêtre de présent correspond au même jour que celui auquel nous sommes au moment de fixer le deadline. Si l'on se dit qu'on doit faire telle ou telle tâche pour le lundi ou le mercredi suivant alors qu'on est un mardi, on a tendance à remettre à plus tard le moment où il faudra s'y atteler», expliquent Mme Tu et M. Soman.
Et lorsqu'on est à l'échelle du mois? «C'est la même chose. Si l'on est, par exemple, au début d'avril, mieux vaut se fixer un deadline avant la fin du même mois – le 27, 28 ou 29, si l'on veut – que de se donner jusqu'au début de mai – le 4, 5 ou 6, par exemple. Car ça nous évitera de remettre encore et toujours le moment de travailler sur le dossier en question», illustrent-ils.
Fascinant, n'est-ce pas? Notre manque d'appétence pour le travail réside donc, en grande partie, de notre perception du temps, et plus précisément sur notre façon de fixer nos deadlines. C'est aussi bête que ça.
Que retenir de tout cela? Ceci, à mon avis :
> Qui entend arrêter du jour au lendemain de procrastiner se doit d'user de l'effet de similarité lorsqu'il se fixe un deadline. Il lui faut, par exemple, s'imposer de mener à bien telle ou telle tâche d'ici pile sept jours, pas un de moins, ni un de plus. Car cela lui donnera – comme par magie – du cœur à l'ouvrage.
Voilà. Testez tout ça, et dîtes m'en des nouvelles. Vous verrez, c'est vraiment efficace!
En passant, l'écrivain français Gustave Flaubert aimait à dire : «L'avenir est ce qu'il y a de pire dans le présent».
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