BLOGUE. Imaginons que vous avez une décision simple, mais importante, à prendre. Comme de choisir entre deux nouveaux postes, l’un étant mieux payé et moins loin de votre domicile que l’autre. Que feriez-vous? Vous prendriez le premier sans hésiter? Eh bien non! Vous hésiteriez, et longtemps, et peut-être même finiriez-vous par prendre le second à la fin de vos tergiversations. Si, si. Pourquoi? Parce que vous avez en tête qu’il s’agit d’une décision «importante»…
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Vous comme moi, nous sommes ainsi faits que nous nous refusons de trancher rapidement lorsque les enjeux sont cruciaux. Nous voulons tellement faire le bon choix – ou plutôt ne pas faire le mauvais! – que nous avons le réflexe de chercher le maximum de données en mains pour réduire les risques de se tromper. Et ce, surtout si le choix paraît de prime abord facile à faire : on se méfie, on se dit que c’est trop beau pour être vrai, n’est-ce pas?
Tout cela, j’en avais déjà plus ou moins conscience. Comme vous, probablement. Mais ce mécansime pernicieux qui nous pousse à l’erreur à force de vouloir trop bien faire, je l’ai vu décortiqué pour la première fois dans une étude intitulée Complicating choice et signée par Rom Schrift, professeur de marketing à la Wharton School, et par Oded Netzer et Ran Kivetz, tous deux professeurs d’économie à la Columbia University Business School. Ceux-ci ont mis au jour le fait que toute décision qui nous paraît simple à prendre nous amène à nous compliquer la tâche, et donc à gaspiller temps et énergie.
Ainsi, les trois chercheurs ont mené une série d’expériences visant à identifier la façon dont nous nous compliquons la vie pour rien. La première est très éclairante sur ce phénomène. Il a été demandé à 225 étudiants d’une grande université américaine de choisir entre deux médecins, en fonction de trois critères différents : le premier pouvait consulter en fin de journée et les fins de semaine, pas l’autre; le premier pouvait offrir des consultations dans les trois jours, l’autre dans les 10 jours; le second pouvait se rendre au domicile du patient pour la consultation, pas l’autre. Un choix facile, me direz-vous…
Mais voilà, là où ça se complique, c’est que les étudiants devaient aussi déterminer quels critères avaient le plus d’importance à leurs yeux. Avant de connaître le profil des deux médecins, ils avaient réparti les 100 points disponibles de la manière suivante : flexibilité (48 points), délai (41 points) et visite à domicile (11 points). Et quand on leur a demandé de justifier leur choix, après avoir vu les profils des deux médecins, quantité d’étudiants se sont mis à réfléchir et à tergiverser, pour finalement accorder une très haute importance au troisième critère, à savoir le fait de pouvoir bénéficier de consultations à domicile, et retenir les services du second.
Les trois chercheurs sont allés plus loin, en effectuant une autre expérience. Cette fois-ci, 197 étudiants de la même université ont dû évaluer 12 tableaux de maîtres en fonction de leurs propres goûts, en leur attribuant une note de 1 à 15, puis les classer dans l’ordre. Puis, deux tableaux choisis au hasard leur ont été présentés, en leur demandant d’imaginer qu’ils étaient maintenant l’administrateur d’un grand musée et de choisir l’un des deux pour le musée.
Que s’est-il alors produit? Nombre d’étudiants ont opté pour la toile qu’ils aimaient le moins. Pourquoi? Parce que tout à coup, il ne s’agissait plus d’afficher ses goûts personnels, mais de prendre une décision importante : un musée ne dépense jamais des millions de dollars comme ça, sur un simple coup de tête, juste parce que l’administrateur aime ou pas une toile ; non, il le fait en se demandant ce que cela peut apporter au public. Il est ici question d’une mission de la plus haute importance, qui nécessite mûres réflexions. Et voilà le piège de ce que j’ai envie d’appeler l’über-réflexion qui resurgit…
Le4s trois chercheurs ont multiplié les expériences plus ou moins similaires, pour aboutir toujours au même résultat : quand une décision d’importance s’impose, nous nous compliquons toujours la vie. Parfois, cela ne nous empêche pas de faire le bon choix ; et parfois, si. Dans tous les cas, nous perdons du temps, gaspillons nos forces et accroissons notre niveau de stress… pour rien!
La question est dès lors la suivante : comment faire pour se simplifer la vie? Pas vrai? Les trois chercheurs promettent dans leur étude de s’atteler à cette nouvelle tâche dans leurs prochaines expériences, et avancent quelques suggestions qu’ils espèrent pouvoir confirmer un beau jour :
> Quand il vous faut faire un choix crucial, prenez le temps de rédiger à la main sur une feuille de papier la liste de vos priorités. Par la suite, évaluez chacun des choix qui s’offrent à vous en focnction des priorités inscrites sur la feuille. Cela vous permettra de ne pas oublier en chemin vos priorités…
> Si possible, impliquez un ami dans votre choix. Oui, quelqu’un en qui vous avec une grande confiance et qui vous donnera son avis, avec le recul que peut-être vous n’avez plus à force de vous dire que la décision à prendre est «importante». L’idéal serait de l’impliquer le plus tôt possible dans votre processus de réflexion.
Voilà… Qu’en pensez-vous? Ces choix si difficiles à faire vont-ils devenir plus aisés pour vous, maintenant que vous avez pris conscience de ce curieux mécanisme mental? Peut-être avez-vous déjà mis au point votre propre méthode pour y pallier : je serais alors curieux de le connaître! N’hésitez pas à nous en faire part en l’indiquant dans les commentaires… Merci!
L’écrivain français Jules Renard disait malicieusement : «Une fois que ma décision est prise, j’hésite longuement»…
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