BLOGUE. Vous est-il déjà arrivé d’accomplir une chose importante, avec la quasi-certitude d’avoir réussi votre coup? Oui, je dis bien la «quasi». Vous savez, cette infime intuition qu’une catastrophe est imminente, alors que tout semble beau et calme autour de vous…
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Vous vous êtes alors vite remémoré chacun de vos gestes, chaque étape de l’opération, histoire de vérifier que vous avez bien tout fait comme il fallait. Vous vous êtes alors un peu rassuré. Mais malgré tout, vous n’étiez pas totalement serein. Et vous vous êtes dit «Tant pis! On verra si ça marche ou pas», ne sachant pas quoi faire de plus pour garantir le succès de l’opération.
Cette situation, vous vous en souvenez encore sûrement. Si vous avez alors connu un échec, vous vous êtes alors dit que vous vous en doutiez au moment-même de l’action. Et si cela a été couronné de succès, vous avez pensé que vous lui aviez attaché trop d’importance, que vous vous êtes fait du souci pour rien. Mais ce que vous n’avez probablement jamais fait, dans un cas comme dans l’autre, c’est de tirer la leçon de cette mauvaise expérience.
La bonne nouvelle du jour : Michael Useem, professeur de management à Wharton, a mis au point une méthode supposée infaillible pour vous enlever définitivement tout doute quand vous êtes en pleine action. Une méthode, en réalité, qui n’a rien de nouveau : la checklist. Oui, il a mis au point sa version de checklist, la Leader’s Checklist. Elle est composée de 15 points, dont les 12 premiers sont «évidents», selon M. Useem lui-même, et les 3 derniers, «plus subtils».
1. Communiquer sa vision. Formulez pour vous-même votre vision du projet, de façon claire et limpide, et communiquez celle-ci aux autres.
2. Penser et agir de manière stratégique. Établissez une stratégie pragmatique pour réaliser votre vision, à court comme à long terme, et assurez-vous que celle-ci est comprise de tous ; considérez pour cela tous les acteurs du projet, et anticipez leurs réactions et leurs résistances avant quMelles ne surviennent.
3. Renforcer le moral des troupes. Exprimez fréquemment votre confiance dans ceux qui collaborent au projet.
4. Assumer ses responsabilités. Montrez que vous vous sentez le principal responsable de l’opération, en participant à chacune des étapes.
5. Agir de manière décisive. Prenez les décisions qui s’imposent au fur et à mesure de l’opération, et assurez-vous que celles-ci sont bien appliquées.
6. Se faire persuasif. Parlez aux autres de façon à ce qu’ils n’oublient jamais ce que vous leur dîtes ; simplicité et clarté sont alors de mise.
7. Motiver les troupes. Saluez comme il se doit les efforts des uns et des autres pour la réalisation du projet. Cela vous permettra d’obtenir le meilleur de chacun.
8. Aller au front quand il le faut. Déléguez votre autorité, sauf pour les décisions stratégiques, tout en restant tout de même proche de ceux qui dirigent en votre nom.
9. Aider les autres à se développer. Veuillez à ce que le leadership de tous ceux qui collaborent au projet grandisse de jour en jour.
10. Soigner ses relations avec les autres. N’hésitez pas à nouer des liens serrés avec ceux qui sont les plus actifs dans le projet.
11. Impliquer chacun dans le projet. Expliquez à chaque collaborateur ce que le projet peut lui apporter sur le plan personnel.
12. Se faire apprécier. Par votre attitude, vos commentaires ou vos résultats, assurez-vous que chacun mesure à sa juste valeur votre intégrité.
13. Calmer ses ardeurs. Faîtes attention à l’über-confiance, à savoir l’excès d’optimisme, qui risque de vous mener droit dans le mur.
14. Miser sur la diversité. Le leadership est un sport d’équipe. Or, les meilleures équipes sont celles qui ont différents talents qui savent œuvrer en harmonie.
15. Placer l’intérêt commun en premier. Qu’il s’agisse de vision, de stratégie ou de prise de décision, il faut toujours placer en premier l’intérêt commun, et l’intérêt personnel en dernier.
La checklist de Michael Useem résulte de sa grande connaissance du mangement, de ses recherches universitaires et d’entrevues spécialement menées pour cela, notamment avec Laurence Golborne, le ministre chilien des Mines et de l’Énergie qui a géré l’opération de sauvetage des 33 mineurs bloqués trois mois durant en 2010 dans la mine de Copiapo.
«L’idée d’une checlist pour les leaders m’est venue après avoir constaté que certaines professions ne pouvaient pas s’en passer, comme les pilotes de ligne et les chirugiens. Avant un décollage, le pilote doit remplir une checklist, même le pilote le plus expérimenté du monde. Idem pour les chirurgiens. Pourquoi? Parce que la moindre erreur peut être catastrophique et parce que personne n’est infaillible», explique M. Useem dans une entrevue accordée au site Web de Wharton.
M. Useem a lancé le mois dernier un livre à ce sujet, intitulé The Leader’s Checklist : 15 Mission-Critical Principles, dans lequel il illustre d’exemples concrets le bien-fondé de sa démarche. Il s’appuie notament sur l’effondrement spectaculaire de l’assureur américain AIG en 2008 («Le PDG de l’époque n’avait pas respecté les fondamentaux du leadership. S’il avait utilisé une checklist, il aurait probablement évité de commettre certaines bévues», estime M. Useem) et sur la défaite fatale de l’Armée Confédérée à Appomattox en 1865.
Autre exemple frappant : plusieurs articles du New England Journal of Medicine publiés l’an dernier visiaent à comparer la performance des hôpitaux qui sont très stricts sur les checklists et ceux qui le sont moins ; il appert que les derniers affichent en général un taux de mortalité en bloc opératoire de 1%, et les premiers, de 0,5%. Une différence que certains jugeront mineure, mais qui ne l’est pas en réalité quand on vise ni plus ni moins que l’excellence.
Il souligne dans son livre que le 15e point est, de toute la liste, celui qui est le plus souvent oublié. Car il est loin d’être évident, pour un leader, de faire passer les intérêts des autres avant le sien, semble-t-il… «Il y a un dicton dans l’Armée américaine : «L’officier mange en dernier». C’est une règle magistrale, dont tout leader devrait s’inspirer», dit le professeur de Wharton.
Une anecdote illustre bien ce point… Le 16 novembre dernier, le président Barack Obama remettait une médaille au sergent Salvatore Giunta. Celui-ci avait fait preuve d’une bravoure incroyable, en Afghanistan. Des ennemis avaient fait reculer ses hommes, mais dans leur repli, ceux-ci avaient laissé derrière eux un homme blessé. M. Giunta a alors couru vers l’ennemi et, à lui seul, est parvenu à récupérer le prisonnier blessé et à le ramener parmi les siens. Il avait pris un risque démesuré, mettant de côté son intérêt personnel au profit de l’intérêt commun. «Monsieur, vous êtes allé au-delà du sens du devoir et avez fait preuve d’un leadership décisif, alors que vous étiez sous le feu ennemi. Votre héroïsme est extraordinaire», a dit le président. Durant le silence qui a suivi ce discours, «on aurait pu entendre voler une mouche», a écrit un journaliste qui a assisté à la scène…
Napoléon Bonaparte disait : «La bravoure procède du sang, le courage vient de la pensée»…
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