BLOGUE. Vous en avez toujours rêvé : avoir dans vos rangs un vrai prodige, quelqu’un capable de piloter comme jamais vos employés, de trouver des idées géniales et surtout de les mettre en application. Vous lisez ce genre d’histoires à longueur d’articles, ou bien dans des livres sur le milieu des affaires. Les prodiges existent, ils sont autour de vous, mais où ça, au juste? Et comment faire pour les attirer à vous? Eh bien, je vais vous le dire, car la réponse est très simple : l’argent.
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Oui, l’argent est en mesure de les faire venir à vous. C’est du moins ce qui ressort d’une étude éclairante sur le sujet parue il y a deux ans dans The Economic Journal et signée par cinq chercheurs américains : Frederik Andersson, de la Cornell University; Matthew Freedman, de l’University of Maryland; John Haltiwanger, également de l’University of Maryland; Julia Lane, de l’University of Chicago; et Kathryn Shaw, de Stanford.
Ainsi, les chercheurs se sont intéressés à un secteur très particulier, celui des logiciels. Pourquoi? Parce qu’il est très compétitif du point de vue du recrutement des meilleurs talents et parce qu’il y a moyen d’avoir des données chiffrées très précises sur le plan salarial et sur celui de la performance des produits réalisés par les employés vedettes des développeurs de logiciels. Il est aisé, aujourd’hui, de savoir, par exemple, qui a travaillé sur le tout dernier Grand Theft Auto et combien celui-ci a rapporté à son développeur, Rockstar Games.
Ils ont mis la main sur toutes les fiches salariales des employés de développeurs de logiciels implantés dans 10 États américains, dont ceux qui travaillent dans la Silicon Valley. Ils ont aussi glané les revenus générés par chacune des équipes en place. Et bien entendu, ils ont identifié les fameux «prodiges», bien souvent désignés comme tels par les médias spécialisés.
Ce n’est pas tout. Ils ont mené des entrevues avec des employés clés et des cadres d’une vingtaine de compagnies. Et ils ont effectué une compilation de données supplémentaires à partir d’études de cas et d’ouvrages sur différentes entreprises, dont Microsoft, HP, Cisco, IBM, Electronic Arts et Google.
Leur première constatation : toutes ces compagnies font face au même problème, qui est l’incertitude. Une très grande incertitude. Impossible de savoir à l’avance si le logiciel qui a demandé des mois, voire des années de travail va être un flop total, ou bien un hit incroyable. Du coup, il est rassurant pour la haute direction de recruter les meilleurs, car cela semble réduire a priori l’incertitude : ces «prodiges» ont déjà fait des étincelles ailleurs, il n’y a donc pas de raison qu’ici ils se plantent…
Quelle est alors leur stratégie de recrutement? On pourrait croire que des avantages incroyables sont proposés (maison avec piscine, bureau magnifique, services personnalisés, etc.). Mais non, pas du tout, ce n’est pas ce qui compte vraiment aux yeux des «prodiges». Ce qui fait toute la différence, c’est juste le salaire, et toute autre forme de rémunération (stock options, etc.) qui va avec. L’employeur qui présente la plus grosse offre raffle la mise, c’est aussi simple que ça.
«En résumé, nos recherches montrent que les entreprises qui misent beaucoup sur l’innovation parviennent à embaucher les stars de leur secteur en faisant une offre salariale supérieure aux autres. Cette surenchère ne les embête guère, car elles le voient comme un pari sur le retour sur investissement», indiquent les chercheurs dans leur étude.
C’est bien beau, me direz-vous, mais à ce compte-là, il suffit à un concurrent de débaucher un prodige juste avant qu’il ne mette en route un projet ambitieux pour faire capoter tous les plans d’un concurrent. Et ce petit jeu de destruction est sans fin. Les chercheurs se sont, bien entendu, penché sur ce problème. Leur trouvaille : les employeurs achètent également la loyauté de leurs plus grands talents. Ils imposent des conditions telles qu’il leur est complexe de partir chez un concurrent et de contribuer rapidement à son succès. De lourdes conditions qui, on s’en doute, sont acceptées en échange de «bonnes compensations»…
Ce qui me fait songer à une sombre pensée de l’écrivain français d’origine chinoise Gao Xingjian, extraite de La Montagne de l’âme : «Malheureusement, dans les rapports entre les gens, seuls comptent les gains et les pertes»…
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