BLOGUE. Avez-vous déjà frôlé la mort? Vous savez, ce moment où un accident survient et vous vous voyez sur le point de mourir : tout se déroule au ralenti, vous savez que l’irrémiédiable est en train d’avoir lieu, qu’il ne vous reste plus que quelques secondes à vivre. C’est la fin. Vous n’avez même plus le temps de paniquer, comme au cinéma, vous êtes devenu le spectateur passif des événements.
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Oui, vous avez connu cette fraction de secondes là? Vous vous souvenez de chaque détail de manière incroyable? Mieux que n’importe quel autre souvenir? Pas étonnant, car vous étiez alors en état d’hyperconscience.
Hyperconscience? Il s’agit du terme choisi par Philippe Presles pour décrire ce phénomène que nombre d’entre nous connaissons pour l’avoir vécu. Médecin, éthicien et économiste, il est passionné par le cerveau et a écrit Tout ce qui n’intéressait pas Freud (Robert Laffont, 2011), un livre dans lequel il décrit le fonctionnement de la consience.
Lui présente l’hyperconscience à partir de sa propre expérience. Il avait 21 ans et étudiait en médecine. Il manipulait des fils électriques quand il a senti ses mains et ses bras se durcir comme du fer. Et il lui est devenu impossible de respirer. Il a alors entendu une voix dans sa tête : «Tu es en train de mourir, mais tes jambes fonctionnent encore». Il a fait un pas en avant, ce qui a arraché les fils. Il était sauvé. «Cette voix intérieure vous permet de vous détacher de la réalité immédiate. C’est ce que j’appelle l’hyperconscience», a-t-il dit à des médias français à la sortie de son livre.
Grâce à l’imagerie cérébrale, on peut maintenant voir la conscience en action. On parvient à visualiser le cheminement des pensées entre les différentes parties du cerveau, et notamment le passage de relais entre l’insconscient et la conscience : la mise en marche d’un acte volontaire (taper sur la touche d’un clavier avec un doigt, par exemple) débute toujours dans notre inconscient, 250 millisecondes avant. «Si l’on devait réfléchir avant de faire le moindre geste, nous ne nous en sortirions pas. Pour ne pas être ainsi encombré de pensées paralysantes, notre cerveau a trouvé l’astuce de l’insconscient», explique-t-il.
Aussi la conscience peut-elle être considérée comme l’aptitude à être lucide, lucidité qui nous rend capables de nous projeter dans le futur comme dans le passé, voire dans l’imaginaire, ce qui nous procure une vision critique de nous-mêmes. «Notre conscience n’est jamais en repos. Elle occupe 80% du temps de fonctionnement de notre cerveau», dit M. Presles.
On le voit bien, l’intérêt de la conscience est qu’elle nous permet de nous extraire du présent. Cette faculté, qui est semble-t-il propre à l’homme, nous permet, par exemple, de mieux résister à une envie immédiate, ce qui développe notre volonté, «le moteur indispensable pour piloter sa vie», selon l’expert. «Plus vous renforcez votre résistance à la frustration, plus vous augmentez votre probabilité de réussir dans la vie», affirme-t-il, en s’appuyant sur une expérience classique menée sur des enfants, le test du Chamallow.
Le test du Chamallow? Ça consiste à laisser un enfant seul dans une pièce, avec une guimauve Chamallow devant lui, en lui disant : «Si tu m’attends là sans y toucher, quand je vais revenir, je vais t’en donner une autre. Mais si tu l’as prise avant, alors tu n’en auras pas d’autre». Résultat? Ceux qui résistent à la tentation (quelle que soit la méthode utilisée pour cela) sont généralement ceux qui réussissent le mieux à l’école, et ce, tout simplement parce qu’ils savent faire preuve de plus de volonté que les autres.
La question est maintenant de savoir si l’on peut développer sa conscience comme on travaille un muscle. «Apprendre à résister accroît votre conscience, mais cette même conscience peut aussi fondre, comme un muscle d’ailleurs. Si vous enchaînez les décisions forcées, vous épuisez votre volonté, à l’image du sportif qui se «crame» en repoussant trop souvent ou trop longtemps ses limites. Quand l’énergie manque, il faut la restocker. Comment? En décompressant un peu!», explique le scientifique.
Ce travail sur soi peut-il dès lors permettre d’atteindre l’hyperconscience, sans avoir à vivre une expérience extrême pour cela? Philippe Presles pense que cela est possible. «L’hyperconscience peut s’exprimer dans différents contextes : soit de vécu ralenti, comme la méditation ; soit de vécu intense, comme l’expérience de flux», dit-il. Décrit par le psychologue hongrois Mihaly Csikszentmihalyi, le flux peut apparaître chez une personne totalement concentrée sur une action qu’elle maîtrise et qui lui procure un grand plaisir. Dans ce cas-là, on retrouve la perte de notion du temps, l’absence d’angoisse ou de douleur, l’atténuation des sens et le ressenti des événements avec une très grande lucidité.
L’hyperconscience touche les virtuoses et les champions. Ayrton Senna, par exemple, expliquait que la course lui paraissait très lente au volant de sa Formule 1, alors qu’il roulait à 300 km/h…
Par conséquent, si vous voulez tutoyer le génie, ou du moins réaliser de grandes choses dans votre travail, une bonne méthode peut consister à viser l’hyperconscience. Et ce, de manière finalement assez simple : «Plus vous vous engagez dans la vie, plus vous faîtes ce qui vous plaît vraiment, et meiux vous seerz préparés à répondre aux choix essentiels lorsqu’ils se présentent», dit Philippe Presles.
Mais n’oubliez pas en chemin le mythe d’Icare! «La conscience est un handicap dans certaines situations. L’excès de rationalisation, entre autres, peut empêcher de trouver des solutions simples. Montrez 10 chiffres à un singe, cachez-les et demandez-lui de désigner où se trouve chacun d’eux : il réussit l’exercice en un temps record. Essayez avec un enfant : il réfléchit longtemps, compte les chiffres dans sa tête, et se trompe. C’est que le singe ne s’encombre pas de la conscience, il vit dans le présent, ce qui est dans ce cas-ci très efficace», raconte-t-il.
Le philosophe français Jean-Jacques Rousseau disait : «Conscience! Conscience! Instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rend l’Homme semblable à Dieu»…
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