BLOGUE. Un jour, contre toute attente, vous avez échoué. Le but que vous vous étiez fixé n’a pu être atteint. Vous en avez cherché la cause, probablement en vain. Vous vous êtes même remis en question, mais sans trouver avec certitude d’où venait le problème qui a tout fait déraper. Alors? Avez-vous tiré la moindre leçon de cet échec, au point de modifier certaines de vos façons de faire? Pas sûr…
Découvrez mes précédents posts
Et beaucoup d'autres articles management sur Facebook
Oui, pas sûr du tout parce que cet exercice est terriblement difficile, voire destructeur. Un exemple frappant : Stanley McChrystal, le général de l'armée américaine qui a été entre juin 2009 et juin 2010 le commandant de l'International Security Assistance Force (ISAF) en Afghanistan, avant d'être congédié par le président Barack Obama. Sa carrière a été marquée par de nombreux échecs, et il a expliqué avec brio ce qu’il en a retiré en tant que leader lors d’un TED Talk qui s’est tenu en février dernier, à Long Beach (Californie).
Son tout premier échec est survenu à l’Académie militaire de West Point. Il dirigeait une compagnie et avait pour mission de mener une attaque surprise contre des ennemis après une nuit de marche exténuante. Son équipe a été pulvérisée. Les gradés lui ont alors fait subir de longues explications sur chacune des erreurs commises, lesquelles ont mené au rattage de l’opération. «C’était du leadership par l’humiliation», dit-il.
Peut-être pas le meilleur exemple de leadership à donner à un jeune homme appelé à diriger les autres. D’autant plus que celui-ci avait été élevé avec des modèles on ne peut plus traditionnels de leaders : «Mon héros, c’était le général confédéré Robert Lee, qui a remporté la bataille de Gettysburg en 1863, lors de la guerre de Sécession», dit-il. Un autre héros était son père, le Major General Herbert McChrystal, qui avait fait le Vietnam…
Cette formation et cette vision du leadership lui ont permis de gravir les échelons et de connaître une belle carrière militaire. «À 46 ans, j’allais de succès en succès, tout allait bien, et puis est survenu le 11 septembre 2001. Tout a basculé pour moi», dit-il.
Ainsi, de mai 2003 jusqu'en juin 2008, il a commandé le Joint Special Operations Command (JSOC) et a personnellement dirigé la plupart des opérations des troupes spéciales en Irak et en Afghanistan. Il s’est retrouvé, du jour au lendemain, plongé dans un nouvel univers, où tout allait vite, sans pouvoir prendre le temps de réfléchir avant d’agir. Et ce, en raison des nouvelles technologies : «Les opérations étaient pilotées électroniquement. Je devais obtenir le GO de toute la chaîne de commandement à l’aide de courriels, coordonner les équipes sur le terrain sans qu’elles se voient entre elles à l’aide d’images satellites, tenir des vidéoconférences pour remonter le moral des troupes distantes de milliers de kilomètres de moi, etc.», raconte l’ex-Béret vert.
Il était devenu un leader virtuel, lui qui avait grandi en rêvant de devenir le nouveau général Lee. «Ça n’a pas fonctionné», lâche-t-il sobrement, un trémolo dans la voix, en précisant que maintenant, à cause de cet échec – de son échec -, il fallait carrément rebâtir la «foi» des militaires envers l’armée américaine.
Il a maintenant compris que son environnement avait changé et que lui n’avait pas su s’y adapter. Les jeunes recrues sont issues d’une génération qui n’a plus rien à voir avec la sienne, les compétences, les priorités, les références, et même le langage, sont différents, selon lui. «Il n’est plus question de leur donner des ordres, il faut maintenant trouver un consensus avant de donner la moindre directive», illustre-t-il, en insistant sur le fait que cela était usant pour des hommes comme lui.
«Comment rester crédible face à cette nouvelle génération? Il faut, je pense, se montrer plus transparent qu’auparavant, plus à l’écoute des autres et, bien entendu, moins hiérarchique», dit M. McChrystal. Bref, le leader d’aujourd’hui doit faire preuve d’humilité.
Quel spectaculaire changement de mentalité! Quelle intelligence! Cela me fait penser à un passage du discours de Cicéron intitulé Pour Plancius, dans lequel il raconte une anecdote cuisante pour son ego, mais riche d’enseignements…
«Il me semble, Romains, que je puis parler de ma questure, sans craindre d'être taxé de vanité. Je n'appréhende pas qu'on puisse dire qu'il y ait jamais eu en Sicile un questeur plus agréable ou plus considéré. Je l'avouerai avec franchise, je m'imaginais qu'on ne parlait à Rome que de ma questure. Dans une grande cherté de grains, j'en avais envoyé une immense provision. Les négociants m'avaient trouvé affable; les marchands, équitable; les citoyens des municipes, obligeant; les alliés, intègre; tout le monde, exact et fidèle à remplir mes devoirs. Les Siciliens avaient inventé pour moi des honneurs sans exemple.
«Aussi quittais-je la Sicile persuadé que le peuple romain viendrait de lui-même m'offrir toutes choses. Au sortir de ma province, par hasard, et dans le seul dessein de voyager, je passai par Pouzzol dans la saison où l'usage y rassemble en foule la plus brillante société. Je fus confondu de m'entendre demander depuis quand j'étais parti de Rome, et s'il n'y avait rien de nouveau. Je répondis que je revenais de ma province. Ah! oui, me dit-on, je vois, vous revenez d'Afrique. Non vraiment, répliquai-je d'un air fâché et dédaigneux; c'est de Sicile. Alors quelque autre qui faisait l'homme instruit : Eh! ne savez-vous pas, dit-il, que Cicéron était questeur à Syracuse? Je pris le parti de ne me plus fâcher, et je me donnai pour un de ceux qui étaient venus prendre les eaux.
«Cette mortification m'a plus servi, peut-être, que toutes les félicitations et tous les compliments. M'étant aperçu que le peuple romain avait l'oreille dure, mais l'œil vif et perçant, je ne m'embarrassai plus de ce qu'on entendrait dire de moi; je fis désormais en sorte que mes concitoyens me vissent tous les jours; je ne quittai point le forum; je vécus sous leurs yeux, et je ne souffris jamais que ni mon portier ni mon sommeil empêchassent personne de m'aborder.»
Découvrez mes précédents posts