BLOGUE. Connaissez-vous Peter Kruse? Non? Alors, lisez ce qui suit, car vous apprendrez comment ce professeur allemand à longue barbe blanche s’y prend pour prédire l’avenir avec une justesse effarante. Sa méthode de prédiction est si révolutionnaire - et surtout si efficace - que des multinationales font appel à ses services, comme Volkswagen, HP, Nestlé, Novartis et autres Johnson & Johnson. Voici comment il s’y prend…
Découvrez mes précédents posts
Et beaucoup d’autres articles management sur Facebook
Peter Kruse est professeur de psychologie organisationnelle à l’Université de Brême, en Allemagne. Il est aussi féru de statistiques. Un jour, il a réalisé que les données récoltées lors des sondages avaient un travers énorme : le langage. Par exemple, comment peut-on être sûr que la personne interrogée a bien compris le sens de la question qui lui est posée? Et comment peut-on savoir si l’interprétation de la réponse n’est pas biaisée par celui qui l’enregistre? Ainsi, il y a une zone de flou à deux endroit, chez celui qui est interrogé et chez celui qui interroge. C’était trop, à son goût. Alors, il a fondé son propre institut de sondage, en se jurant de concocter une méthode plus fiable.
C’est ainsi qu’est né en 2001 Nextpractice, à Brême. Son équipe est composée de talents surprenants : des psychologues, des économistes, des sociologues, des designers, des programmateurs informatiques, etc. Leur mission : dégager des tendances émergentes de l’inconscient des personnes interrogées! Rien de moins. Vous avez bien lu, il s’agit d’aller explorer l’inconscient, pour voir ce que les gens ont vraiment en tête, sans le filtre du langage, qui lui est du domaine du conscient.
«Nous avons concocté le NextExpertizer, un outil capable d’accéder à l’intuition des gens quant aux valeurs sociales qui sont en train de prendre de l’importance dans la société», explique-t-il dans une entrevue accordée à Think Quarterly, le tout nouveau magazine sur les idées émergentes de Google.
Le principe est relativement simple… Les personnes rencontrées par l’équipe de Nextpractice sont généralement une centaine, au maximum 200, et sont toutes très intéressées par le sujet en question. Elles ne se font pas présenter un questionnaire habituel, avec des réponses par «oui» ou «non» ou à choix multiple, mais plutôt, une longue liste de points comportants deux éléments, sous forme de mots, d’images, voire d’extraits de vidéo, lesquels ont été sélectionnés au préalable par ordinateur. Elles doivent dire si ces deux éléments sont «similaires» ou «différents», et expliquer avec leurs propres mots pourquoi. Ce travail peut prendre deux heures. Puis, toutes ces données sont rentrées dans un logiciel qui permet de déceler des tendances naissantes. «Les résultats sont vraiment troublants. Ils peuvent permettre à une entreprise d’avoir des années d’avance sur ses concurrents», souligne le professeur allemand.
Du bluff? Il semble que non. Volkswagen s’est servi de cette méthode en 2006 pour anticiper l’évolution des goûts en matière d’automobile en Europe et en Asie. Dans un premier temps, ce qu’il a appris ne lui a pas plu : les consommateurs ne rêvaient plus de voitures luxueuses et allaient se mettre à la recherche plutôt de «solutions pratiques pour être plus mobile». «Vous auriez vu leur tête : on leur disait que l’avenir était au transport en commun! Ça contredisait tout ce qu’affirmaient, à l’époque, les médias spécialisés», raconte-t-il, amusé. Mais en affinant les résultats, Volkswagen a découvert qu’un segment allait souffrir nettement plus que les autres dans les années à venir, celui des véhicules de petite taille dits premium, c’est-à-dire haut de gamme. Volkswagen en a tenu compte, et a moins pâti que les autres de la tendance quand elle est effectivement apparue.
Idem, la chaîne allemande de supermarchés Tegut – qui avait alors deux bannières, HaWeGe et Okay! - a demandé en 2002 au professeur et à son équipe de vérifier si le positionnement de sa marque était le bon pour les années à venir. Résultat : personne ne comprenait l’utilité des deux bannières et personne ne les associait au point fort de l’entreprise, à savoir de bons produits vendus à rabais. Du coup, l’avenir semblait sombre pour la firme fondée en 1947 par Theo Gutberlet (d’où le Thegut, devenu en 1955 Tegut…).
Un virage serré a alors été amorcé par la haute direction de la chaîne de supermarchés, sur les conseils de Nextpractice. Les 300 magasins ont tous été rebaptisés Tegut, avec un logo plus moderne. Et l’accent a été mis sur le bio – appelé à un bel avenir en Allemagne -, lequel représente aujourd’hui 20% de ses ventes. «Nous avons ainsi séduit de nombreux nouveaux clients, et nos revenus ne s’en portent que mieux», dit Thomas Gutberlet, responsable du marketing et petit-fils du fondateur.
Passionné, Peter Kruse continue de réfléchir à la meilleure façon de deviner les tendances de demain. Surtout qu’un facteur devient prédominant : le Web, et en particulier les médias sociaux. «Maintenant, un rien peut rendre célèbre une personne ou une marque. Et inversement», dit-il. Il a d’ores et déjà donné un nom au fruit de ses réflexions : la résonance.
La résonance? Il s’agit, selon lui, de la «nouvelle formule magique». C’est le fait de réussir à susciter chez autrui une émotion telle que chaque personne touchée va être poussée à agir. C’est le moment où l’on bascule de la passivité à l’action. «Ceux qui réussiront demain seront ceux qui parviendront à faire résonner leur message», prophétise-t-il.
Un truc pour cela : «Pas besoin de devenir un data freak comme moi, mais plutôt d’acquérir la capacité de rendre accessible aux autres ce qui est complexe. C’est cette qualité – et elle seule - qui déterminera les grands leaders du XXIe siècle», indique M. Kruse.
Découvrez mes précédents posts