BLOGUE. Certains prennent de meilleures décisions que d’autres. Pourquoi? On allègue alors souvent qu’ils ont disposé de meilleures informations, qu’ils ont accepté de prendre des risques très élevés, ou tout bonnement qu’ils ont eu beaucoup de chance. Certes, tout cela peut jouer à l’occasion, mais c’est une manière erronée de voir les choses : au lieu de chercher une raison externe pour expliquer le choix judicieux d’une personne, on devrait plutôt s’intéresser à ce qui fait qu’un individu a pris une bonne décision, et un autre, une mauvaise.
Découvrez mes précédents posts
Plus : 10 trucs sur la génération C
Je ne suis pas le premier à le dire. Je m’appuie en fait sur une tendance récente dans le domaine de la recherche en économie, à savoir la qualité d’une prise de décision. De quoi s’agit-il? De ce qui nous incite à faire parfois le bon choix, et d’autres fois le mauvais. L’idée est que même si différentes personnes disposent de toutes les informations nécessaires pour prendre une bonne décision, celles-ci feront des choix différents parce qu’elles n’ont pas les mêmes capacités pour identifier et sélectionner le bon choix.
Une étude vient justement d’être publiée sur le sujet, et est la première, je crois, à indiquer le profil socio-démographique de ceux qui font généralement de meilleurs choix que les autres. Palpitant! On y trouve la réponse à des interrogations sensibles comme «Les hommes sont-ils plus rationnels que les femmes?», «Les jeunes sont-ils plus logiques que les baby-boomers?» et «Les diplômés universitaires prennent-ils dans la vie de meilleures décisions que les drop-outs?»…
Quatre économistes sont à l’origine de cette étude : Syngjoo Choi, de l’University College London (Grande-Bretagne) ; Shachar Kariv, de Berkeley (Etats-Unis) ; Wieland Müller, de la Tilburg University (Pays-Bas) ; et Dan Silverman, de l’University of Michigan (Etats-Unis). Ils ont retenu 1 182 des 5 000 adultes interrogés chaque semaine aux Pays-Bas par le système de sondage en ligne CentERpanel pour mener à bien leur expérience. Ceux-ci se sont vus proposer de faire 25 choix de consommation simples, dans lesquels intervenaient toutefois une notion de risque : grosso modo, soit ils payaient le prix indiqué, soit ils acceptaient de payer le prix qui serait tiré au sort par l’ordinateur, sachant que cela pouvait tourner à leur avantage, ou au contraire à leur désavantage. Au final, ceux qui s’en sortaient le mieux gagnaient plus de points que les autres, points qui étaient ensuite convertis en 25 cents d’euros versés aux participants. L’important est que ceux qui prenaient des décisions logiques avaient de meilleures chances d’empocher plus d’argent que les autres.
L’intérêt du panel choisi était que les chercheurs disposaient de leur profil socio-démographique précis : leur sexe, leur âge, leur revenu annuel, leurs biens immobiliers, etc. Il était donc possible de voir s’il y avait des corrélations entre le ceux qui prenaient les bonnes décisions plus souvent que les autres et certaines de leurs caractéristiques. Résultat : oui, il y a des corrélations très claires…
- «Nous avons découvert que les hommes agissent en général de manière plus logique que les femmes», écrivent les quatre économistes;
- «Les jeunes maximisent leurs choix mieux que les personnes plus âgées qu’eux», poursuivent-ils;
- «Ceux qui ont de hauts revenus et qui ont atteint un niveau scolaire élevé se montrent plus rationnels dans leurs choix que les autres», disent-ils aussi.
Les écarts sont parfois très grands entre les différents groupes. Par exemple, les baby-boomers ont engrangé nettement moins de gains que les jeunes. D’où l’esquisse du profil type de ceux qui ont tendance à prendre les meilleures décisions : les hommes relativement jeunes, diplômés et disposant d’un revenu annuel élevé.
Les chercheurs sont allés encore plus loin dans leur étude. Ils ont regardé s’il y avait un lien entre le fait de prendre souvent de bonnes décisions et sa fortune personnelle. Ils disposaient en effet d’une donnée intéressante pour cela : les biens immobiliers des personnes interrogées. Ils ont noté qu’effectivement notre richesse découle de nos prises de décisions, et donc, que «la pauvreté va avec de mauvais choix faits dans la vie».
Les implications de ces découvertes dans le monde du travail sont fascinantes, je trouve. Pour ne prendre qu’un exemple, savoir qu’une jeune recrue aura tendance à maximiser son intérêt dans tout ce qu’elle fait, et ce nettement plus que le baby-boomer sur le départ, peut être un biais pertinent à utiliser pour motiver les nouveaux employés. Un bon leader peut ainsi présenter un même projet de manière différente, en fonction de la personne à qui il s’adresse directement : il peut mettre l’accent sur tout ce que cela va apporter concrètement aux participants s’il parle à un jeune, et plutôt jouer sur la corde de l’émotion s’il s’adresse à un baby-boomer.
Cela n’est, bien entendu, qu’une suggestion. Je vous invite à en trouver d’autres vous-mêmes. Une piste de réflexion : conviendrait-il de modifier votre discours si vous vous entretenez avec une équipe majoritairement masculine ou avec une autre surtout féminine?
Découvrez mes précédents posts