BLOGUE. Tout est parti d’une interrogation de Michel Ferrary, professeur en management de la Skema Business School, en France, dans le Financial Times, en 2009 : «Is the female managerial style different and could it positively influence company’s performances?». Dans une étude, il avait montré que les grandes entreprises françaises qui s’étaient le mieux sorti de la dernière récession (Hermès, Sanofi, Sodexo, Danone, etc.) étaient celles qui avaient les plus forts taux de féminisation dans leur haute direction. Et il s’était demandé s’il y avait là un lien de cause à effet.
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Du coup, quatre chercheuses ont décidé de creuser le sujet, à savoir : Emily Amanatullah, de la McCombs School of Business; Christine Shropshire, du Terry College of Business; Erika Hayes James, de la Darden School of Business Administration; et Peggy Lee, de la WP Carey School of Business. Ensemble, elles ont regardé s’il y avait, oui ou non, corrélation entre les deux, et dans l’affirmative, à quoi cela pouvait bien tenir.
Elles ont pris toutes les listes du Fortune 1 000 de 1990 à 2008 et ont regardé comment se composait la tête hiérarchique des entreprises y figurant, sous l’angle de la féminisation. Et ce, sachant qu’en moyenne les femmes occupent dans ces sociétés américaines 15,2% des sièges du conseil d’administration et 13,5% des postes de la hautte direction. Puis, elles ont répertorié la performance financière de toutes ces compagnies, en période de crise économique, soit durant les années 1990, 1991, 2001 et 2008.
Résultat? Il y a bel et bien corrélation entre le taux de féminisation et la performance des grandes entreprises. Une corrélation positive, ce qui signifie que plus les femmes sont nombreuses à la tête de la direction, meilleure est la performance de l’entreprise, en période de crise économique. «En dupliquant l’étude de M. Ferrary aux Etats-Unis, nous avons trouvé les mêmes résultats que lui en Europe», soulignent les chercheures.
Maintenant, comment expliquer ce phénomène? Pour tenter de le savoir, elles ont procédé à trois expériences, dont le fil conducteur est le comportement des uns et des autres par rapport à la prise de risques. La question est de savoir si les hommes sont plus susceptibles de prendre des risques que les femmes; si, lorsqu’ils décident de prendre des risques, les hommes et le femmes le font de la même manière, ou pas; et si ces décisions peuvent avoir une incidence sur la performance de l’entreprise.
Pour le savoir, elles ont demandé à 146 étudiants de remplir un questionnaire détaillé, histoire de mesurer leur tolérance au risque financier. Il en est clairement ressorti que les femmes ont une plus grande aversion au risque que les hommes.
Puis, elles ont présenté différents scénarios à 228 étudiants, qui devaient indiquer comment ils réagiraient dans telle ou telle situation. Le but, cette fois-ci, était de voir si, lorsqu’on prend un risque, on le fait plus facilement lorsqu’on se met soi-même en danger ou lorsqu’on met en péril l’équipe ou l’entreprise pour laquelle on travaille; et s’il y a alors une différence entre les sexes. Là encore, le résultat est très intéressant : les femmes prennent davantage en considération les intérêts des autres que les hommes, quand il s’agit de prendre une décision risquée.
Enfin, les chercheures ont observé l’attitude des uns et des autres quand la décision à prendre est potentiellement lourde de conséquences (pour soi, ou pour son équipe ou son entreprise, comme des licenciements en cas d’échec). Les 250 étudiants soumis à cette expérience leur ont permis d’apprendre que, hommes comme femmes, rivalisent de prudence dans un tel cas de figure. Quand les enjeux sont élevés, nous préférons nous montrer prudents. Cela étant, ceux qui décident tout de même de prendre des risques, sont alors prêts à prendre de très gros risques, à jouer le tout pour le tout. Et ce, hommes comme femmes.
«En résumé, les hommes et les femmes n’ont pas la même tolérance au risque; les hommes tiennent moins compte que les femmes de l’impact sur les autres lorsqu’ils décident de prendre des risques; et lorsque le péril est grand, la plupart d’entre nous faisons preuve de prudence, à l’exception de quelques casse-cous, prêts à courir le risque maximal», indiquent les chercheures.
«En situation de crise, les dirigeantes auront tendance à faire passer l’intérêt de l’entreprise avant le leur, et ne prendront pas de décision risquée au point de mettre en danger leur équipe ou leur entreprise. En revanche, les dirigeants veilleront avant tout à leur intérêt personnel : si une décision risquée peut les aider dans leur carrière, quitte à ce que d’autres en payant le prix, ils n’hésiteront pas trop à le faire», poursuivent-elles.
Une phrase lumineuse explique tout cela. Elle est tirée d’un vieux post de Rosabeth Moss Kanter, professeure à Harvard et auteure de Confidence et SuperCorp., sur la page de blogues de la Harvard Business Review : «La faillite de Lehman Brothers se serait-elle produite si celle-ci s’était appelée Lehman Sisters?»…
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