BLOGUE. Qui n’entend pas des collègues se plaindre à longueur de journée de ci et de ça, des petites misères qui leur gâchent la vie au travail, etc.? Un jour, c’est le boss qui met trop de pression, un autre, c’est le type du bureau d’à côté qui bulle au lieu de mettre l’épaule à la roue comme les autres, un autre encore, allez savoir, l’ordinateur qui plante tout le temps. C’est sans fin.
Un conseil : si vous en avez assez de cette litanie, demandez au prochain que vous prendrez sur le fait de se taire une seconde pour bien écouter ce que vous allez lui dire, à savoir que… le travail rend heureux!
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Oui, vous avez bien lu, le travail rend bel et bien heureux. Je vous en apporte ici la preuve, trouvée par deux chercheurs, David Blanchflower, économiste du Darthmouth College (Etats-Unis), et Andrew Oswal, un autre économiste, lui de l’University of Warwick (Grande-Bretagne). Ceux-ci se sont intéressés à la notion de bonheur, mais d’un point de vue purement économique : peut-on le mesurer? L’évaluer, au moins? Ou encore le pondérer en fonction de différents critères géographiques (être heureux n’est peut-être pas la même chose pour un Américain et pour un Chinois)?
Travail et rémunération
MM. Blanchflower et Oswald ont regardé tout ce qui s’était déjà fait sur la question, puis ont considéré qu’il serait intéressant de prendre les résultats de certaines études basées sur des statistiques mesurant le bien-être des gens, et de les corréler. Il s’agissait de sondages avec des questions comme «Êtes-vous très, moyennement, peu ou pas du tout heureux?», mais surtout de données pointues sur, par exemple, le nombre moyen de journées de travail manquées pour raison de santé mentale (burn-out). Et ils en sont arrivés au portrait type d’une personne heureuse dans la vie…
Alors? Alors une personne heureuse est quelqu’un qui, essentiellement, a un emploi et est à l’aise sur le plan financier. Bien entendu, ce n’est pas tout, mais il s’agit là de deux éléments cruciaux : le travail et la rémunération.
Les autres critères déterminants sont : être jeune ou vieux (le pire moment, c’est aux alentours de la cinquantaine) ; avoir un bon niveau d’éducation ; être marié (mais c’est, semble-t-il, un peu moins vrai quand il y a des enfants, selon les données des deux économistes…) ; et enfin, être en bonne santé.
En d’autres mots, si vous avez un job bien payé, un diplôme, un(e) conjoint(e), un abonnement au gym et souvent de bons repas, vous avez statistiquement toutes les chances d’être une personne heureuse. Cela étant, quelques nuances doivent être apportées, et les deux chercheurs sont les premiers à le dire. Par exemple, si vous sentez que votre emploi est précaire, cela aura un grand impact sur votre niveau de bien-être.
Une vie plus agréable
Maintenant, que tirer de cette étude pour notre quotidien au travail? Plusieurs enseignements, à mon avis, pour tout gestionnaire qui se respecte, qu'il oeuvre en PME ou en grande entreprise.
Ainsi, lorsqu'on réalise qu’en général les gens sont surtout heureux quand ils sont jeune ou vieux, on peut se dire que des efforts doivent être entrepris sur le plan managérial pour les personnes qui sont dans la quarantaine, ou du moins qui voient la cinquantaine arriver à grandes enjambées. C’est à ce moment que le moral d'un employé est au plus bas, c’est donc là qu’il faut agir et lui offrir tout le soutien nécessaire. Et ce, peut-être même avant qu'il ne l'exprime...
On peut aussi affiner l'analyse des données de l’étude pour agir avec une justesse étonnante. Un exemple : si l’on regarde de plus près la courbe de bien-être en fonction de l’âge (qui a une forme globale de U, comme on le voit à la dernière page de l'étude), on remarque un flottement chez ceux qui ont entre 25 et 30 ans, à savoir chez ceux qui entrent dans la vie professionnelle. La déduction est simple : il suffit de soigner l’accueil de ceux qui sont embauchés pour la première fois pour les rendre particulièrement heureux.
Vous trouvez ces réflexions simplistes? Vous saviez déjà tout ça? Tant mieux! Ça montre que vous êtes un brillant gestionnaire. Le hic, c’est qu’il semble que vous êtes une rare exception, vu le nombre de salariés qui semblent vivre un calvaire au travail...
D’ailleurs, pour l’anecdote, MM. Blanchflower et Oswald se sont amusés à regarder l’évolution du bonheur aux Etats-Unis, au fil des décennies. Résultat : le niveau de bien-être des Américains n’a guère évoulé depuis la fin des années 1970, et a même tendance à régresser… Surprenant?