BLOGUE. Vous est-il déjà arrivé de rencontrer quelqu’un de beau, de volubile, d’ouvert aux autres, de charismatique au point de vous inciter à faire quelque chose que, spontanément, vous n’auriez jamais fait? Vous êtes-vous alors dit que cette personne était un leader né? Une personne faite pour mener les autres, dont vous-même, dans des projets fous et grandioses? Et êtes-vous, en fin de compte, tombé de haut? De très très haut?
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Si oui, c’est que vous avez été victime d’un narcissique. Ou même que vous l’êtes actuellement, sans trop le réaliser : c’est peut-être votre nouveau boss, ou ce nouveau collègue qui met son nez partout avec un grand sourire enjôleur, voire cette nouvelle consultante qui fait craquer tous les hommes et verdir toutes les femmes du bureau.
Mais comment savoir au juste s’il s’agit bel et bien d’une personne narcissique, et non pas d’un vulgaire manipulateur (facile à déjouer car on les repère de loin, en général) ou d’un simple extraverti? La réponse se trouve dans le dernier numéro du magazine Psychology Today, qui indique que le mieux est de vérifier si la personne en question présente les critères du trouble de la personnalité narcissique tel qu’il est défini par le manuel de diagnostics de l’American Psychiatric Association. Ces critères sont les suivants :
1. Le sujet est persuadé d’être quelqu’un d’important (par exemple, il surestime ses réalisations et ses capacités, ou s'attend à être reconnu comme supérieur sans avoir accompli quelque chose en rapport) ;
2. Il est absorbé par des projets de succès illimité, de pouvoir, de splendeur, de beauté ou d'amour idéal ;
3. Il pense être "spécial" et "unique", et ne pouvoir être admis ou compris que par des institutions ou des gens spéciaux et de haut niveau ;
4. Il a un besoin excessif d'être admiré ;
5. Il pense que tout lui est dû (il s'attend sans raison à bénéficier d'un traitement de faveur et à ce que ses désirs soient automatiquement satisfaits) ;
6. Il exploite l'autre dans les relations interpersonnelles (il utilise autrui pour parvenir à ses propres fins) ;
7. Il manque d'empathie (il n'est pas disposé à reconnaître ou à partager les sentiments et les besoins d'autrui) ;
8. Il envie souvent les autres, et croit que les autres l'envient ;
9. Il fait preuve d'attitudes et de comportements arrogants et hautains.
Si les narcissiques étaient justes des clowns prétentieux, ou des manipulateurs sans envergure, ils ne représenteraient guère de danger pour les autres. Mais, ce n’est malheureusement pas le cas. Ils sont souvent amusants, divertissants, pour ne pas dire attirants, mais surtout de redoutables prédateurs, sans la moindre pitié pour leurs victimes et leurs adversaires…
Ainsi, différentes études permettent d’en savoir un peu plus sur les narcissiques. L’une d’elles, menée par le psychologue Frederick Stinson auprès de quelque 35 000 adultes, a permis de montrer qu’il y avait plus de narcissiques chez les hommes que chez les femmes, et que ceux-ci ont un besoin marqué d’attention, une forte propension à la manipulation et un intérêt certain à séduire les personnes de l’autre sexe.
Des caractéristiques physiques peuvent même être dégagées chez les personnes souffrant de narcissicme. Par exemple, celles-ci aiment s’habiller avec du style (les femmes, dans ce cas, ont une tendance à revêtir souvent des tenues provocantes). Elles ont une attitude agréable au premier abord. Bref, elles font tout pour donner une bonne première impression à tout le monde.
Autre exemple : leur façon de parler. Leur voix est chaleureuse au possible. Quant au langage, il est souvent crû et direct, voire outrancier quand la personne se met en colère (ce qui peut les trahir, d’ailleurs…). Les narcissiques sont également prompts à recourir à différentes techniques de réthoriques, comme de parler fort pour couvrir la voix des autres, afficher leur désintérêt lorsque les autres s’expriment, exagérer leurs mouvements des mains et faire dévier une discussion vers des sujets qu’ils maîtrisent à fond.
On le voit bien, le narcissique est à l’aise dès qu’il s’agit de leadership. Une étude menée en 2007 par MM. Chatterjee et Hambrick auprès de PDG de 111 compagnies informatiques implantées aux Etats-Unis a établi l’Indice de Narcissisme, duquel il ressort que :
> Il y a un lien direct entre le niveau de narcissisme d’un PDG et sa propension à adopter des stratégies audacieuses et à multiplier les opérations de fusion-acquisition ;
> Les PDG narcissiques ont le goût du risque, au point de ne pas craindre de se lancer dans une opération à quitte ou double ;
> La performance d’une entreprise dirigée par un PDG narcissique connaît des hauts et des bas impressionnants, mais en fin de compte elle n’est ni meilleure ni moins bonne que celle dirigée par un PDG ne souffrant pas de narcissisme.
Qu’en déduire? Q’un trait commun aux narcissiques peut permettre de découvrir leur face cachée : leur aggressivité. Ceux-ci peuvent perdre leur masque d’un coup dans certaines situations, notamment lorsqu’ils sont menacés ou déstabilisés. Ils deviennent furieux quand, entre autres, ils se sentent rejetés, ou du moins pas considérés comme ils devraient l’être à leurs yeux. Et cette furie soudaine éclate comme un coup de tonnerre, sans prévenir, à la surprise générale. Une furie qui peut se révéler dévastatrice…
Maintenant, que faire lorsqu’on réalise que l’on est embarqué dans un projet mené par un narcissique? Psychology Today donne quelques conseils, établis à partir des recommandations faites par les experts rencontrés :
1. Calmez-vous. Vous vous êtes emballé pour la personne en question et pour son merveilleux projet. Maintenant que vous pensez que vous êtes en terrain miné, bougez le moins possible.
2. Observez ce qui se passe. Vérifiez que la personne en question souffre bel et bien de narcissisme, qu’il ne s’agit pas d’un simple extraverti, à savoir d’un défaut ne représentant pas un véritable danger pour vous. Par exemple, demandez discrètement à d’autres ce qu’ils pensent de la personne que vous considérez comme narcissique.
3. Retirez-vous aussi vite que possible. Une fois persuadé qu’il s’agit bien d’un narcissique, ne perdez pas une seconde à vous retirer de ses griffes. Vous êtes en danger, surtout si la personne en question commence à se douter que vous avez vu juste dans son jeu.
4. Reprenez le contrôle de la situation. Arrivé en terrain sûr, prenez le temps de réfléchir sur ce qui a fait que vous avez succombé à l’aura de la personne narcissique. Le but n’est pas de culpabiliser, mais de ne pas vous y faire prendre une autre fois…
L’écrivain français Frédéric Beigbeder disait dans L’Amour dure trois ans : «Aimer quelqu’un qui vous aime aussi, c’est du narcissisme. Aimer quelqu’un qui nous vous aime pas, ça, c’est de l’amour»…
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