BLOGUE. Avez-vous conscience qu’il y a, au sein de votre équipe ou de votre entreprise, des réseaux invisibles? Des employés se connaissent de longue date, sur le plan professionnel, ou amical, voire sentimental, sans que cela soit flagrant. D’autres encore ressentent entre eux une sorte de fraternité parce qu’ils ont fréquenté le même établissement scolaire ou la même université, à l’insu des leurs collègues. Eh bien, sachez pour votre gouverne que tous ces réseaux invisibles ont une influence considérable, et que vous feriez mieux d’y préter une attention particulière, si vous souhaitez, par exemple, faire passer des décisions auprès des autres, ou tout simplement évoluer sans anicroche au beau milieu de cette «myriade de lasers», à l’image de Vincent Cassel dans une scène mémorable d’Ocean 12…
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J’ai réalisé cela en parcourant une étude passionnante de deux chercheurs de la Harvard Business School, Lauren Cohen et Christopher Malloy, intitulée Friends in High Places. Celle-ci montre que les membres du Congrès américain, quand ils doivent voter en leur âme et conscience, sont soumis à une grande influence a priori invisible : les liens sociaux qu’ils ont avec leurs pairs, et en particulier les liens scolaires. Oui, les anciens d’une même université vont s’influencer les uns les autres au moment décisif, et ce même s’ils ne sont pas issus des mêmes promotions!
Voici comment les deux chercheurs de Harvard s’y sont pris pour découvrir ça… Ils ont mis la main sur les biographies détaillées de tous les membres du Congrès, du 101e au 110e Congrès, soit sur une période de 20 ans. Ils ont aussi repertorié chacun de leurs votes durant toutes les séances auxquelles ils ont participé. Puis, ils se sont penchés sur les votes «sensibles» de chaque membre, c’est-à-dire ceux pour lesquels il y avait un lien direct entre le CV de celui-ci et le sujet de la loi votée. Par exemple, si la loi portait sur l’industrie automobile et qu’il y avait mention de celle-ci dans le cursus professionnel du membre (il a déjà travaillé dans ce secteur, il vient de Detroit, etc.), alors ce vote était considéré comme «sensible» pour lui.
Par la suite, les chercheurs ont regardé comment chaque membre avait voté lors d’un vote sensible et surtout comment les pairs qui avaient un lien social fort avec lui avaient, eux aussi, exprimé leur voix, alors que le vote n’était pas sensible pour eux. Et là, surprise! Une très forte corrélation entre l’orientation du vote de l’un et celle de ses «amis». Intrigués, Cohen et Malloy ont creusé un peu plus leurs données, et ont fini par mettre au jour le fait que tous les liens sociaux invisibles ne jouaient pas avec la même intensité. Ainsi, le lien le plus fort est celui de l’université, car il est capable de dépasser les clivages traditionnels : des membres de partis différents, mais de même université, sont capables de voter dans le même sens, lorsque cela compte vraiment pour celui pour qui le vote est «sensible»!
Un autre lien invisible joue sans qu’on s’en aperçoive. Il s’agit de l’emplacement des sièges : un membre du Congrès est clairement influencé dans son vote si, tout autour de lui, les autres votent dans un sens très précis. Une sorte de pression sociale pèse alors sur lui, et il lui est très difficile de s’en extraire. En conséquence, un membre charismatique peut avoir une influence considérable lors de votes sensibles, rien qu’en jouant de son aura sur ses voisins immédiats… Bien entendu, on ne parle pas ici de consignes de vote, mais bel et bien de moments où chacun doit s’exprimer en son nom sur un sujet délicat.
On le voit tout de suite, les implications de ces découvertes sont majeures en matière de management. Celles-ci nous apprennent qu’il y a bel et bien des réseaux invisibles qui oeuvrent au sein de toute équipe ou entreprise, et qu’on peut se retrouver en danger si l’on n’en tient pas compte. D’où l’intérêt de s’informer avec précision sur les uns et les autres - de connaître leurs goûts, leurs affinités et autres CV -, histoire de découvrir ces fameux liens qui échappent au premier venu.
De surcroît, cette étude confirme le fait que certains ont une grande influence sur les collègues proches de leur bureau, une influence qui peut être bonne ou néfaste, ça dépend des cas. À vous de voir, par conséquent, s’il ne conviendrait pas de déplacer physiquement tel ou tel employé, ne serait-ce que pour améliorer la productivité des autres…
On en revient alors à cette scène d’Ocean 12, symbolique de la souplesse dont on doit faire preuve pour évoluer au milieu de réaseaux invisibles. L’acteur français y pratique un sport de combat qui ressemble beaucoup à la danse, la capoeira.
La capoeira? C’est un art martial qui puise ses racines dans les méthodes de combat et les danses des peuples africains au moment de l’esclavage au Brésil. Les lutteurs rivalisent d’adresse par leurs acrobaties et leurs coups de pieds et de mains, accompagnés de chants et de musique. Les mouvements s’enchaînent, plus gracieux les uns que les autres, comme l’Aú giratória (roue effectuée avec une rotation sur la deuxième main) et le Macaco (mouvement asez semblable au flip arrière, mais avec une seule main est posée au sol et en se lançant en arrière, sans avoir besoin de sauter). Et la Roda, la ronde formée par les spectateurs autour des lutteurs, entre en transe, sur des rythmes endiablés…
Pas besoin de souligner combien un champion de capoeira est capable de communiquer son énergie à tous ceux qui l’environnent, et donc à quel point cela en fait un leader d’exception. Pas vrai?
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