BLOGUE. J’ai senti la terre trembler sous mes pieds quand mes yeux se sont posés, vendredi dernier, sur le bicorne de Napoléon Bonaparte, exposé au Musée des beaux-arts de Montréal. L’Empereur portait celui-ci au début de la campagne de Russie, en 1812, il y a de cela deux siècles. Ce chapeau de feutre de castor noir, rehaussé d’une modeste cocarde tricolore, a abrité la tête d’un génie de la stratégie et de la tactique, d’un politicien prodigieux, d’un visionnaire stupéfiant, bref d’un leader d'exception.
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Le bicorne était là, devant moi, à hauteur d’homme, exposé de telle sorte que je voyais dans la pénombre mon reflet apparaître exactement là où se serait tenu Napoléon Bonaparte devant moi s’il avait été présent. J’ai eu, l’espace d’un instant, la sensation de porter moi-même le chapeau. Ou plutôt, d’apercevoir le fantôme de l’Empereur…
Napoléon portait son bicorne «en bataille», c’est-à-dire les ailes parallèles aux épaules, tandis que ses officiers le coiffaient dans l’autre sens, «en colonne». Cela lui permettait de se distinguer pendant les affrontements militaires. Et au fil des victoires, ce «petit chapeau», avec sa face arrière de forme trapézoïdale aux angles arrondi, a marqué l’imaginaire des Français et de leurs ennemis de l’époque, au point de devenir le symbole de celui qui «vole comme l’éclair et frappe comme la foudre».
De fait, l’Empereur a marqué l’Histoire par l’audace de ses attaques sur ses adversaires, sur les champs de bataille. Il a ni plus ni moins que réinventé l’art de la guerre, misant en particulier sur la vitesse d’exécution plutôt que sur la force du nombre. Il est d’ailleurs toujours une source d’inspiration pour qui se pique de stratégie, voire de leadership…
Je me suis alors souvenu, le regard plongé dans les méandres du chapeau de feutre, avoir mis la main, il y a quelques années, sur une rareté : une compilation de maximes et de pensées de Napoléon recueillies et classées par… Honoré de Balzac. Durant sept années, l’auteur de la Comédie humaine a récolté, avec patience et ferveur, ces pensées «frappantes et neuves» de l’homme qui admirait. Il s’en est d’ailleurs servi dans sa propre œuvre, par exemple en mettant en exergue de La Physiologie d’un mariage une parole de l’Empereur, à savoir «Le mariage ne dérive point de la nature».
Dans ce petit livre de Balzac, un passage entier est consacré à la guerre. Un passage dont je vous offre ici de larges extraits, histoire de vous inspirer le jour où vous devrez faire preuve de stratégie…
«La guerre est un état naturel.»
«La froideur est la plus grande qualité d’un homme destiné à commander.»
«La bravoure est une qualité innée, on ne se la donne pas, elle procède du sang ; le courage vient de la pensée : la bravoure n’est souvent que l’impatience du danger.»
«On n’est brave que pour les autres.»
«Le courage ne se contrefait pas, c’est une vertu qui échappe à l’hypocrisie.»
«À la guerre, le génie est la pensée dans le fait.»
«La guerre est surtout une affaire de tact.»
«Rien n’augmente un bataillon comme le succès.»
«La science militaire est le calcul des masses sur des points donnés.»
«La force d’une armée, comme la quantité des mouvements dans la mécanique, s’évalue par la masse multipliée par la vitesse. Une marche rapide augmente le moral de l’armée, elle accroît ses moyens de victoire.»
«On devient l’homme de son uniforme.»
«Le meilleur soldat n’est pas tant celui qui se bat que celui qui marche.»
«La première qualité du soldat est la constance à supporter la fatigue, la valeur n’est que la seconde.»
«De tous les hommes le soldat est le plus sensible aux bienfaits.»
«À la guerre, l’audace est le plus beau calcul du génie.»
«À la guerre, il faut s’appuyer sur l’obstacle pour le franchir.»
«C’est l’imagination qui fait perdre les batailles.»
«Malheur au général qui vient sur le champ de bataille avec un système.»
«Un général en chef doit se dire plusieurs fois par jour : Si l’armée ennemie apparaissait sur mon front, sur ma droite, sur ma gauche, que ferais-je? et s’il se trouve embarrassé, il est mal posté, il n’est pas en règle ; il doit y remédier.»
«Le secret des grandes batailles consiste à savoir s’étendre et se concentrer à propos.»
«L’art de la guerre consiste, avec une armée inférieure, à avoir toujours plus de forces que son ennemi sur le point qu’on attaque ou qui est attaqué.»
«Les principes de César ont été ceux d’Annibal, et ceux d’Annibal étaient ceux d’Alexandre : tenir ses forces réunies, n’être vulnérable sur aucun point, porter avec rapidité toutes ses forces sur un point donné.»
Voilà un petit tour d’horizon des pensées guerrières de Napoléon Bonaparte rapportées par Balzac. C'est ce qui m’est venu à l’esprit, immobile devant le bicorne de l’Empereur, avec dans mon dos le bronze de son masque mortuaire. C’est qu’il ne faut pas oublier que, tout Empereur qu’il fût, il a fini par connaître Waterloo…
Napoléon Bonaparte a d’ailleurs eu la sagesse de dire à son propos, un jour : «Nouveau Prométhée, je suis attaché à un roc où un vautour me ronge ; j’avais dérobé le feu du Ciel pour en doter la France, le feu est remonté à sa source, et me voilà»…
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