BLOGUE. Qui ne songe pas, à certains moments de la journée, à ce qu’il pourra faire une fois le travail terminé? Voire au prochain week-end, si ce n’est durant les prochaines vacances? Se détendre au chalet, se baigner dans le lac, prendre une bière avec les chums, jouer au ballon avec les enfants,…
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À écouter certains, on pourrait même croire que les week-ends, il n’y a que ça qui compte dans la vie! Pas vrai? Qu’on ne travaille, en fin de compte, que pour pouvoir se payer du bon temps durant les dernières journées de la semaine. Et le lundi matin, le calvaire reprend, immuablement…
Mais, cette vision colle-t-elle à la réalité? Sommes-nous si malheureux que ça au travail? Et si heureux que ça durant la fin de semaine? Ces questions, à mon sens, méritent d’être posées pour qui se pique de management. Et j’ai trouvé des réponses forts intéressantes dans une étude intitulée Weekends and subjective well-being, signée par John Helliwell et Shun Wang, deux économistes de l’University of British Columbia.
Ainsi, les deux chercheurs se sont penchés sur les résultats du sondage quotidien Gallup/Healthways mené aux Etats-Unis pour la période qui va du 2 janvier 2008 au 30 juin 2009. Ce sondage vise à poser à 1 000 personnes des questions à propos de leur bien-être en général, avec des questions du style «Quel est votre niveau de satisfaction dans la vie en ce moment-même, sur une échelle de 1 à 10, sachant que 10 est la meilleure note?» ou «Avez-vous beaucoup souri ou ri hier?». Il permet de se faire une idée du moral des Américains, jour après jour : à l’époque considérée par les deux chercheurs, la note moyenne de leur satisfaction dans la vie était de 6,6 points sur 10 (les Etats-Unis étaient alors en pleine récession économique, et les entreprises licenciaient à tour de bras…).
MM. Helliwell et Wang se sont tout d’abord demandés s’il y avait bel et bien un phénomène du blues du lundi, vous savez, cette baisse de moral quand on se résigne à retourner au travail pour une semaine que l’on sait d’avance rude et longue. On a du mal à se lever le matin, on traîne des pieds, la voiture roule moins vite que d’habitude, le moindre pépin est perçu comme une catastrophe… Eh bien, il se trouve qu’il s’agit d’une légende! Nous ne sommes ni plus heureux ni moins heureux le lundi qu’un autre jour de la semaine.
Puis, les deux économistes se sont intéressés à une éventuelle différence entre le bloc du lundi-vendredi et celui du samedi-dimanche. Qu’ont-ils trouvé? Que nous sommes de manière significative «plus heureux, plus enjoués et plus rieurs» et «moins soucieux, moins triste et moins anxieux» durant la fin de semaine que pendant les autres jours.
Pourquoi? Et est-ce vrai pour tout le monde? Ces interrogations sont judicieuses, car il est toujours périlleux de faire des généralités. Les deux chercheurs en avaient bien conscience, et ont affiné leurs résultats à l’aide de différentes catégories. Par exemple, ils ont regardé si les personnes aux salaires élevés étaient plus heureuses que les autres durant la semaine et moins heureuses que les autres durant le week-end, voire plus heureuses en semaine qu’en fin de semaine ; et inversement.
Ils ont ainsi scruté à la loupe les données issues du Gallup/Healthways, en fonction de catégories comme le salaire, le sexe, l’âge, ou encore la structure familiale. Résultat? Aucun de ces critères socio-économiques ne joue véritablement. Non, aucun. Ce n’est pas parce que vous êtes un homme ou une femme que vous êtes plus ou moins heureux durant la fin de semaine. Pas plus que parce vous êtes dans la vingtaine ou dans la cinquantaine.
En revanche, ce qui a un effet certain, c’est… votre activité sociale! Et ce, tant au bureau que durant le samedi-dimanche. C’est finalement très logique… Si l’ambiance est bonne au travail et que vous percevez vos collègues comme des gens amicaux et votre supérieur hiérarchique immédiat comme un partenaire, vous avez de quoi être heureux ; idem si vous passez du bon temps avec des proches en fin de semaine. Mais, si vous êtes mal à l’aise avec votre boss ou avec un ou plusieurs collègues, la semaine va vous paraître pénible ; même chose si vous vous retrouvez tout seul durant la fin de semaine, ou à une réunion de famille qui vous sort par les trous de nez.
«Pour donner une ordre de grandeur, ceux qui passent 1 heure 45 minutes de plus avec des amis durant le week-end que la moyenne des autres (soit en moyenne 7,1 heures au lieu de 5,5 heures en moyenne) se disent plus heureux de leurs fins de semaine à hauteur de 2,2 points de pourcentage», indiquent MM. Helliwell et Wang. Bref, plus vous êtes actif sur le plan social en général, plus vos émotions positives sont fortes, au travail comme en congé.
Qu’en tirer comme enseignement? À mon avis, que tout leader qui se respecte ferait bien de s’intéresser aux week-ends des membres de son équipe : s’informer de ce que les uns et les autres ont fait, des proches qu’ils ont alors vu, de leur moment préféré durant le samedi ou le dimanche, etc. Cela sera autant d’indicateurs que le moral est bon, ou moins bon. Indicateurs qui permettront de déceler d’éventuels problèmes chez l’un d’eux, problèmes dont vous ne soupçonniez même pas l’existence jusqu’alors…
Le philosophe français Alain disait dans ses Propos sur le bonheur : «Il est bien vrai que nous devons penser au bonheur d’autrui ; mais on ne dit pas assez que ce que nous pouvons faire de mieux pour ceux qui nous aiment, c’est encore d’être heureux»…
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