BLOGUE. Connaissez-vous Gijs van Wulfen? Probablement pas, et c’est pourquoi je vais vous parler de lui dans ce post, ou plutôt de sa vision originale de la créativité. Une vision qui devrait, je l’espère, aviver votre inventivité…
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Gijs van Wulfen est un conférencier néerlandais réputé en Europe, depuis qu’il a mis au point ce qu’il a appelé la méthode Forth (traduit en français, ça peut faire, comme on va le voir ci-dessous, la méthode Potipa…). De quoi s’agit-il? D’une méthode pratique pour innover radicalement, en 5 étapes :
> Préparation. Elle consiste grosso modo à choisir un leader, un project manager et un idéateur ; à établir un ordre de mission ; à planifier les opérations ; à bâtir une équipe de création ; et à inviter à rejoindre celle-ci ceux qui le désirent
> Observation & Apprentissage. Il faut maintenant partir à la chasse d’idées, celles que l’on a déjà et celles des autres, en particulier celles de ses concurrents et de ses clients.
> Triage des idées. Il convient de trouver un lieu idéal pour le brainstorming ; de dresser un plan pour le brainstorming ; d’y inviter quelques personnes extérieures au projet ; d’effectuer le brainstorming (si possible, sur deux journées entières : cf. le PDF en pièce jointe) ; et de sortir de cette méga-réunion avec une douzaine de propositions innovantes.
> Peaufinage des idées retenues. Là, on effectue le debriefing qualitatif des propositions issues du brainstorming, puis, on demande à d’autres personnes que celles de l’équipe de création d’améliorer la ou les idées qui sont les plus prometteuses.
> Application sur le terrain. Enfin, on confie la ou les idées aux équipes à qui elles s’adressent, et on demande à celles-ci de les tester en miniature sur le terrain. Pour finir, on fait l’évaluation finale de toute l’opération d’innovation, histoire de voir là où l’on a été bon, et là où l’on a été, disons, moins bon.
Bon, certains diront qu’il n’y a là rien de neuf, qu’à quelques variantes près, c’est ce qu’ils font déjà, et même sans grand succès. Pas vrai? À ceux-là, j’aimerais indiquer qu’ils pêchent peut-être par un manque d’attention lors d’une des étapes de leur processus créatif. Souvent, on veut aller vite («Pas le temps, les gars. Arrêtez de tergiverser sur des détails!»), et on grille une étape. À tort…
En fait, vous comme moi, nous commettons nombre d’erreurs quand nous tâchons d’innover. Oui, un nombre considérable d’erreurs, et souvent même, sans nous en rendre compte. C’est justement un récent post de Gijs van Wulfen de son blogue sur le site Web du magazine suédois Innovation Management qui me l’a appris. Son titre dit tout : 10 Mistakes at the Start of Innovation… Les voici résumées, mais sous une forme ironique, comme des conseils pour mieux vous aider à tuer dans l’œuf vos idées toutes neuves :
1. Ne sachez pas ce que vous voulez. Pour rater à coup sûr toute tentative d’innovation, décidez-vous à chercher des idées neuves quand il est trop tard. Par exemple, quand vous réalisez que le produit ou le service que vous vendez ne plaît plus autant aux clients. Dîtes-vous qu’il est grand temps de réagir et demandez à votre manager le plus brillant de trouver, vite fait, bien fait, une idée géniale pour relancer les affaires. Celui-ci va alors forcément se planter, car vous ne lui avez donné aucune piste précise à explorer, et d’ailleurs, vous ne savez même pas vous-même ce que vous voulez comme innovation.
2. Répétez les mêmes erreurs ad vitam eternam. Voulez-vous que votre brainstorming n’accouche que d’une souris? C’est très simple : demandez toujours aux mêmes personnes de se réunir pour trouver des idées neuves. Chacun va jouer et rejouer toujours le même rôle (le leader, le modérateur, l’idéateur,…) ; chacun va interagir avec les autres de la même manière que la fois précédente ; etc.
3. Regardez ce que font vos concurrents. À votre avis, pourquoi tous les produits et services se ressemblent de plus en plus (pensez aux voitures, par exemple, surtout lorsque vous cherchez la vôtre sur un stationnement de grande surface commerciale…)? Parce que les goûts des consommateurs se globalisent? Pas du tout, nous n’avons jamais été autant individualistes qu’aujourd’hui! Alors? Parce que les entreprises passent le plus clair de leur temps à chercher à avoir un «avantage concurrentiel», et donc à étudier ce que font les autres, dans l’espoir de faire un tout petit peu mieux qu’eux. Oui, parce qu’elles sont obnubilées par la comparaison, ce qui annihile tout véritable élan créatif.
4. Faîtes participer un «big boss» au brainstorming. Imparrable! Personne n’osera le contredire. Personne ne lui fera l’affront de critiquer ce qu’il a mis en place. Personne n’osera balancer une idée radicale, de peur de perdre tout espoir d’une prochaine promotion.
5. Laissez fuser les remarques qui tuent. En brainstorming, instaurez une règle : chacun peut dire librement le fond de sa pensée. Il n’y a pas mieux pour rapidement avoir des remarques du genre «Ce n’est pas dans le style de la boîte», «On l’a déjà essayé dans le passé», et autres «On n’aura jamais le feu vert pour un truc pareil». Celles-ci clouent le bec aux petits jeunes qui ont des idées brillantes.
6. Multipliez les Post-it sur le mur aux idées. C’est toujours la grande mode depuis que quelques boîtes créatives le font : consacrer un mur entier du bureau aux idées des employés. Toutes les idées sont les bienvenues, les plus farfelues comme celles qui n’ont aucun rapport avec ce que fait votre entreprise (une citation d’Oscar Wilde, un Smile,…). Le plus drôle, c’est que ça ne sert à rien : à force, plus personne ne regarde ce mur, et donc ne prend le temps de s’y arrêter pour méditer.
7. Restez vague. Lorsque vous vous adressez aux autres, recourez les plus possible au jargon de votre profession. Personne n’arrivera à suivre votre pensée, et curieusement, personne n’osera vous interrompre pour vous signalez que ce que vous dîtes n’est pas clair. Du coup, les autres repartiront de la réunion complètement confus et mortifiés, ne sachant pas quoi faire avec tout ce que vous leur avez dit.
8. Misez sur l’expérience. Dès qu’une idée est émise par un jeune promis à un bel avenir, faites-la passer dans le tamis des opinions des managers d’expérience. Comme cette idée va inévitablement bousculer leurs habitudes ou leur vision du métier, ils font émettre des avis négatifs, si ce n’est destructeurs. Et l’idée géniale va se dissoudre d’elle-même.
9. Demandez l’avis de tout le monde. Idem, comme toute idée neuve est susceptible d’en déranger plus d’un dans la boîte, sollicitez les opinions de plus de personnes possible. Ça vous donnera la possibilité de glâner quantité de critiques capables de détruire l’idée en question.
10. Parlez de l’idée neuve à ceux qui devront l’appliquer. Là encore, ces personnes ont de lourdes habitudes, et on sait à quel point la résistance au changement peut être grande chez ceux qui ont un travail routinier. Si vous vous précipitez pour leur faire part de l’idée toute fraîche, qui n’a pas encore cheminé à certains niveaux hiérarchiques de la boîte, alors vous aurez la chance de déclencher un vent de tempête qui partira de la base et remontera assez vite jusqu’au sommet hiérarchique. Un vent contraire qui balayera l’idée avant qu’elle ne se développe harmonieusement…
Et voilà, le tour est joué! Un seul de ces 10 trucs peut vous suffire pour entraver tout élan créatif dans votre organisation. Bien entendu, mon propos n’est pas de vous suggérer de saboter le travail de vos collègues, mais bel et bien d’éviter ces erreurs qui – vous en conviendrez – sont on ne peut plus fréquentes. Pas vrai?
Akio Morita, le cofondateur de Sony, aimait à dire : «N’ayez pas peur de faire une erreur. Mais faites en sorte de ne pas faire la même erreur deux fois»…
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