Vous souvenez-vous de Lehman Brothers? Vous savez, de cette grande banque américaine qui s'est effondrée du jour au lendemain à la suite de la crise des subprimes, laquelle a déclenché une récession économique mondiale dont nous ressentons toujours les effets? À l'époque, Neelie Kroes, la commissaire européenne chargée de la concurrence, avait déclaré : «Si Lehman Brothers avait été Lehman Sisters, rien de tout cela ne serait arrivé».
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La question est la suivante : Mme Kroes avait-elle raison? Autrement dit, les femmes, en général, se montrent-elles plus prudentes dans la gestion des avoirs, pour ne pas dire plus éthiques? Et donc, ne sont-elles pas de meilleurs leaders que les hommes?
Deux chercheuses ont voulu en avoir le cœur net : Renée Adams, professeure de finance à l'Université de Nouvelle-Galles du Sud (Australie), et Vanitha Ragunathan, professeure de finance à l'Université du Queensland (Australie). Dans leur étude intitulée Lehman Sisters, elles ont regardé s'il était vrai, ou pas, que les femmes à la tête d'institutions bancaires avaient une gestion des affaires distincte de celle des hommes.
Elles ont procédé le plus simplement du monde. Elles se sont penché sur un grand nombre de bases de données sur les grandes entreprises et leurs hauts-dirigeants (Compustat, etc.), pour en dégager une foule d'informations sur un échantillon de 365 banques. Les données qui les intéressaient allaient de 2006 à 2009, soit juste avant et peu après la crise des subprimes, qui est survenue en 2007.
Puis, Mmes Adams et Ragunathan ont regardé si le nombre de femmes parmi les hauts-dirigeants d'une banque avait, ou pas, une incidence sur la prise de risques financiers de celle-ci. Voire sur la performance globale de la banque.
Qu'ont-elles ainsi trouvé? Deux choses fort intéressantes :
> Pas plus prudentes. Les banques qui comptent plus de femmes parmi leurs hauts-dirigeants ne prennent pas moins de risques que les autres. Et elles ne prennent pas plus de risques que les autres. Bref, le nombre de femmes n'a pas d'incidence sur le degré de prise de risques pris par une institution financière.
> Mais plus performantes. Les banques qui comptent plus de femmes parmi leurs hauts-dirigeants affichent de meilleurs résultats financiers en période de crise économique que les autres.
Comment expliquer cela? En particulier cette découverte contre-intuitive selon laquelle les femmes prisent tout autant le risque que les hommes?
Les deux chercheuses se sont souvenues d'une étude signée en 2009 par Sapienza, Zingales et Maestripieri. Celle-ci s'intéressait à des étudiants en MBA de l'Université de Chicago et visait à éclaircir pourquoi seulement 36% des diplômées s'orientaient vers des métiers à haut degré de prise de risques financiers (courtage, etc.) alors que ce pourcentage grimpait à 57% pour les diplômés. La conclusion : c'était une question de biologie, plus précisément de testostérone. Ne s'orientaient vers une telle carrière que les personnes riches en testostérone, une hormone stéroïdienne produite en général en moins grande quantité par les femmes que par les hommes.
Ça a fait "tilt" dans la tête de Mmes Adams et Ragunathan : les femmes qui occupent de grandes responsabilités au sein d'une banque ne doivent pas être des femmes ordinaires. Elles doivent avoir une production hormonale qui sort de la normale, et qui leur permet de ne pas flancher lorsqu'il leur faut prendre des décisions risques. Tout comme leurs homologues masculins.
Les deux chercheuses ont repris les données de l'étude de Sapienza, Zingales et Maestripieri, histoire de voir si leur intuition était la bonne. «Les résultats de cette analyse ne sont pas statistiquement signifiants, mais nous pouvons tout de même avancer que, dans l'échantillon considéré, les femmes avaient même moins peur que les hommes face au risque. Ce qui confirme notre idée que ces femmes-là, qui occupent de grandes responsabilités au sein d'institutions financières, ne sont pas des femmes comme les autres. Et ce qui explique pourquoi rien ne les distingue vraiment des hommes en ce qui a trait aux décisions risquées», disent-elles dans leur étude.
Par conséquent, il était erroné de dire qu'un Lehman Sisters s'en serait mieux sorti que Lehman Brothers. Car les risques démesurés pris par cette institution financière en misant à fond sur les subprimes auraient vraisemblablement été aussi courus par des femmes si elles avaient eu davantage d'influence à la tête de la grande banque américaine. D'ailleurs, quand on regarde bien le déroulement des événements, on note qu'en 2007 il y avait une femme au sein du conseil d'administration de Lehman Brothers et que, de 2004 à 2005, il y en avait même deux…
Autre point à retenir : quand une institution financière doit évoluer en pleine incertitude économique, elle a tout intérêt à confier davantage de responsabilités aux femmes. Car c'est un bon moyen de s'assurer que ses résultats financiers seront meilleurs que ceux des concurrentes dirigées majoritairement par des hommes.
Pour résumer :
> Votre entreprise traverse une période difficile sur le plan économique? Un bon moyen de s'en sortir au mieux est de confier davantage de responsabilités aux employées qui souhaitent justement grimper dans la hiérarchie.
En passant, l'humoriste américain Groucho Marx disait : «Les hommes sont des femmes comme les autres».
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