La créativité, qu'est-ce que c'est, au juste? Les chercheurs se posent de plus en plus la question, pour preuve l'accélération du nombre d'études à son sujet : durant les quatre décennies des années 1960 à 1990, on a dénombré aux États-Unis quelque 9.000 articles scientifiques sur la psychologie des personnes créatives, soit tout autant que durant la dernière décennie (de 1999 à 2009, très exactement). De quoi donner le tournis, vous ne trouvez pas?
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Justement, que ressort-il de cette somme de travaux? Impossible à dire, pensez-vous sûrement. J'aurais abondé dans le même sens que vous si je n'étais pas tombé sur un article du magazine New York présentant un tout nouveau livre intitulé Wired to create (Perigee, 2015) et signé par le psychologue Scott Barry Kaufman et la chroniqueuse scientifique Carolyn Gregoire. Son objet : passer en revue toutes les études scientifiques en lien avec la créativité parues ces derniers temps, et voir ce qui en ressort de significatif concernant la façon dont nous brassons des idées neuves.
Passionnant, n'est-ce pas? Devinez maintenant ce que met en évidence ce livre. Oui, devinez, pour voir. Eh bien, je vous le donne en mille : nous avons tous - je souligne, tous - moyen de booster notre créativité, il suffit pour cela de changer trois de nos petites habitudes! C'est aussi simple que ça. Et c'est ce que je me permets d'appeler «le nouvel ABC de la créativité». Explication.
> A pour Appétence
L'appétence, c'est le désir que nous éprouvons à l'occasion, ou plutôt le penchant qui nous pousse à satisfaire nos désirs. C'est ce qui nous amène à goûter de nouveaux mets avec appétit, à explorer de nouvelles voies avec curiosité, à oser franchir de nouvelles frontières. Bref, c'est le moteur de notre créativité, mais un moteur dont nous ne savons pas bien nous servir.
Un moteur que certains, fort heureusement, manient à merveille, et dont nous gagnerions à nous inspirer. Un exemple frappant : les écrivains. Une étude a en effet montré que le profil psychologique des écrivains avait, en général, ceci d'étrange, pour ne pas dire de paradoxal : ils sont proches d'être catalogués comme des psychopathes, vu les résultats de leurs tests, et semblent pourtant afficher une très bonne santé mentale, selon les mêmes tests!
Qu'est-ce que ça signifie? Quelque chose de très simple, en vérité : ils font preuve d'une très grande ouverture d'esprit. «Faire preuve d'ouverture d'esprit, être curieux de l'ensemble du spectre de la vie - tant le Bien que le Mal, tant la Lumière que l'Ombre - est ce qui permet aux écrivains de rendre leurs personnages et leurs histoires crédibles, tout en traitant de sujets que nous associons souvent à la maladie mentale. Et mieux, c'est ce qui leur permet de devenir plus solides sur le plan psychologique, puisque cela leur permet de mieux comprendre les ressorts de l'être humain, et donc les leurs», expliquent les deux auteurs dans leur livre.
Autrement dit, c'est l'appétence qui fait les bons écrivains. Et qui peut donc faire de vous quelqu'un de plus créatif. Comment? En vous forçant, lorsqu'il vous faut brasser des idées neuves, à regarder l'ensemble du spectre de celles-ci, tant leur côté positif que leur côté négatif, et en ne craignant plus de regarder jusqu'où elles pourraient vous mener si vous les concrétisiez. Bref, en ouvrant votre esprit à toutes les possibilités. Toutes, toutes, toutes. Si, si...
> B pour Béatitude
Comme moi, vous connaissez sûrement des personnes qui affirment qu'elles ne se montrent créatives que lorsque le deadline est serré. Sans date butoir, elles disent traîner, tergiverser, niaiser, quoi. Or, elles se trompent. Lourdement.
Des études montrent que ces personnes-là affichent, en fait, un score élevé en matière de stress et un faible score en matière de potentiel créatif. Ce n'est pas tout. Elles ont également un faible score en matière de motivation intrinsèque et un score élevé en matière de motivation extrinsèque. Qu'est-ce à dire? Que ces personnes sont écrasées par la pression, à tel point qu'elles ne sont plus en mesure de fournir le meilleur d'elles-mêmes : elles ont peut-être la capacité d'émettre plein d'idées nouvelles, mais des idées sans réel intérêt.
Les écrivains, eux, fonctionnent tout autrement. «Ils ressentent un immense plaisir à brasser des idées neuves, une véritable joie à se plonger corps et âme dans l'innovation. Ils ne se soucient pas une seconde du fruit qui résultera de ce travail, ni même d'un éventuel deadline, car tout ce qui les intéresse, c'est le bonheur qu'ils ressentent dans le moment présent», disent Scott Barry Kaufman et Carolyn Gregoire.
Autrement dit, la clé, c'est la béatitude au moment d'innover. C'est-à-dire l'émerveillement euphorique que l'on ressent lorsqu'on est plongé dans un travail créatif. Un émerveillement que l'on peut développer en oeuvrant, par exemple, comme le font les écrivains : en réunion de brainstorming, vous pouvez vous donner comme mission de rédiger ensemble une histoire à partir des idées émises ici et là, de recourir à ce qu'on appelle le storytelling.
> C pour Coeur
Les deux auteurs de Wired to create ont découvert que nombre de créatifs réputés étaient animés par «une passion harmonieuse». De quoi s'agit-il? D'une passion personnelle - danser, dessiner, écrire, etc. - qui permet à la personne en question de se sentir en harmonie avec elle-même. Qui lui permet, pour le dire plus simplement encore, d'éprouver un profond bien-être.
À noter qu'une passion harmonieuse n'a rien à voir avec une passion obsessionnelle. Ce point est crucial. Car, lorsqu'une passion devient une obsession, elle devient source d'anxiété, de stress, de dépression, et par suite, une béquille pour la créativité. Pourquoi? Parce qu'elle joue alors plus sur la motivation extrinsèque que la motivation intrinsèque : l'important, pour la personne qui en souffre, est davantage de briller aux yeux des autres qu'aux siens ; ce qui empêche d'innover vraiment, puisqu'elle cherche à ce moment-là à répondre aux attentes des autres au lieu de tenter de se dépasser.
Autrement dit, il est vital d'écouter votre coeur lorsque vous vous mettez à brasser des idées neuves. De viser ainsi l'harmonie avec l'être que vous êtes, et surtout pas de tenter de satisfaire les desideratas d'autrui : si vous voulez innover, faites-le pour vous épater vous-même, et surtout pas pour épater la galerie (et encore moins votre boss!).
Voilà. Le nouvel ABC de la créativité, issu de la compilation des dernières avancées scientifiques en matière de créativité, tient en trois mots : Appétence - Béatitude - Coeur. Recourez-y autant que possible, et vous verrez votre propre créativité prendre un tout nouveau jour, que vous ne soupçonnez peut-être même pas.
En passant, le penseur américain Elbert Green Hubbard disait : «Une idée qui n'est pas dangereuse ne vaut pas la peine d'être appelée idée».
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