BLOGUE. Que retiendra-t-on de 2013? Je peux d'ores et déjà vous le dire. L'année 2013 aura été marquée par un tournant historique dans le milieu de la publicité et des communications, avec la mort de la pub dite traditionnelle! Rien de moins.
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Une mort datée : le dimanche 10 mars 2013. Une mort localisée : à Austin (Texas), à l'occasion du festival South by SouthWest (SXSW), auquel se ruent tous les ans des milliers de créatifs geeks venus des quatre coins de la planète. Une mort – curieusement – encore passée quasi-inaperçue.
Est-ce que j'exagère? Pas du tout. Laissez-moi vous en convaincre en vous expliquant ce qui vient de se produire… Google a présenté, sans tambour ni trompette, une nouvelle application, dénommée SmileAge. Une application? Eh oui, une simple application, comme il s'en fait des milliers chaque jour, pas de quoi a priori fouetter un chat (ce qui explique d'ailleurs pourquoi cette annonce n'a guère suscité l'intérêt des médias, à ce jour). Et pourtant, cette application est une véritable petite révolution publicitaire.
SmileAge est une application concoctée par Google spécialement pour Volkswagen, en collaboration avec son agence de publicité attitrée, Deutsch L.A. Elle vise à égayer les trajets en voiture, de manière très simple : l'application diffuse sur le réseau social Google+ certaines données sur le trajet (routes prises, vitesse,…) ainsi que les éléments marquants de celui-ci, selon le conducteur et les passagers. Des éléments marquants comme des photos ou des vidéos pris en chemin, ou encore des "punches", l'équivalent des "pokes", qui s'inscrivent à chaque fois que la voiture croise une autre voiture branchée sur SmileAge.
L'application mesure le fun factor de chaque trajet, à l'aide d'une unité dénommée smileage. Par exemple, quand on met une photo en ligne, ça nous fait gagner des points, et quand les amis commentent cette même photo, ça nous en ajoute davantage. Une fois le trajet terminé, on a le compte final. Et on peut, bien entendu, revivre en ligne tout le trajet et ses moments marquants sur la page Google+ du conducteur.
«L'idée de cette application est venue d'une étude récente qui montrait que chaque jour 144 millions d'Américains passent en moyenne 52 minutes dans leur voiture, et que 76% d'entre eux le font seuls. Nous avons eu l'intuition que ces personnes seules aimeraient pouvoir interagir avec les autres, que ce soit les autres conducteurs ou les amis», dit Aman Govil, chef de projet, d'Art Copy & Code, une toute nouvelle unité de Google.
SmileAge sera disponible en version beta dans les prochaines semaines, et en version rodée cet été. Elle sera gratuite. Et il ne sera pas nécessaire de rouler en Volkswagen pour pouvoir s'en servir. Mais le plus intéressant n'est pas vraiment là, il est plutôt dans son origine.
C'est que SmileAge est née dans un contexte très particulier. En novembre dernier, l'équipe d'Aman Govil – qui travaillait alors sous le nom de code Project Re: Brief, avec pour mission de repenser la façon dont on concevait les messages publicitaires – a convié des gens de Volkswagen, de son agence Deutsch L.A. et de Grow Interactive pour leur soumettre leur idée de faire interagir entre eux les conducteurs solitaires, sans que cela ne soit complexe pour eux, mais au contraire amusant. Ils se sont tous réunis à Mountain View, au siège social de Google, et ont planché ensemble. Le concept de SmileAge est venu comme une évidence, mais surtout – oui, surtout – est venu aussi celui d'Art Copy & Code.
Art Copy & Code? C'est ce qui change la donne du tout au tout, et signe la fin de la pub traditionnelle. Un peu d'histoire pour saisir de quoi il s'agit s'impose…
Depuis les années 1950, les pubs sont toujours conçues suivant le même schéma en agence : on réunit un rédacteur (Copy) et un directeur artistique (Art), qui conçoivent ensemble un message pour un annonceur; et ce, que ce soit pour l'imprimé, la radio ou la télévision. C'est ce qu'on appelle communément le schéma Art & Copy. Il est à noter que l'avènement du Web n'a rien changé, ou presque, à ce schéma : parfois, un expert du Web est consulté par le duo du rédacteur et du directeur artistique, histoire de vérifier que leur message est bel et bien applicable sur le Web, mais c'est tout; au mieux, l'expert du Web est perçu, soyons honnêtes, comme la troisième roue du carrosse.
Et voilà que Google déboule avec son tout nouveau schéma d'Art Copy & Code. Code : le nom donné à l'expert du Web, ou plutôt de l'expert en interactivité numérique. On passe dès lors du traditionnel duo au trio, où le programmeur (Code) est situé sur un pied d'égalité avec les deux autres. Révolutionnaire!
«L'industrie de la publicité et du marketing n'arrivait plus vraiment à amener les marques des annonceurs plus loin que là où elles avaient déjà été. Là, en collaborant avec Google suivant le schéma d'Art Copy & Code, de nouveaux horizons s'ouvrent à nous, que l'on n'imagine même pas encore», lance Winston Binch, directeur, services numériques, de Deutsch L.A.
Un exemple : «Dans le cas de SmileAge, nous avons trouvé le moyen de faire de la cocréation avec les consommateurs, de leur offrir un service signé Volkswagen qui leur permet d'améliorer leur quotidien. Leur trajet quotidien au boulot, et son lot d'embouteillages, deviendra moins pesant», ajoute-t-il.
Et ce n'est qu'un début! Hier, Google a récidivé en dévoilant un autre grand coup d'Art Copy & Code : les chaussures intelligentes d'Adidas. L'idée est, là encore, fort simple. Dotées d'électronique, ces chaussures sont capables d'enregistrer différentes données (vitesse à laquelle on marche, sauts,…), de les diffuser sur Google+ et de les commenter en direct.
Google a mis au point des prototypes, avec l'aide de l'artiste Zach Lieberman et du studio de design numérique YesYesNo. Ces chaussures de sport encouragent oralement celui qui les porte en temps réel, et permet même de lui faire part des commentaires de ses amis en ligne.
«Créativité publicitaire et technologie vont désormais travailler main dans la main. Plusieurs marques vont le démontrer avec nous – Volkswagen, Adidas, et bientôt Burberry –, en faisant appel à des talents incroyables venus de toutes sortes d'horizons (réalisateurs de cinéma, inventeurs, etc.). Grâce à Art Copy & Code, nous allons permettre aux consommateurs de combiner émotion, innovation et satisfaction», dit Aman Govil, de Google.
«Notre but n'est pas de supplanter les agences de pub. Nous voulons leur montrer qu'il est possible de faire passer un message publicitaire autrement, plus efficacement. Nous voulons leur offrir toutes ces nouvelles possibilités, sans exclusive, je le souligne, venant moi-même du milieu de la pub», précise Iain Tait, directeur de la création, du Google Creative Lab, qui œuvrait l'an dernier encore au sein de l'agence Wieden + Kennedy.
Voilà. La révolution est en marche. Même si bien peu l'ont vu venir. Demain, plus rien ne sera pareil. Les créatifs les plus efficaces ne travailleront plus en duo, mais en trio. Leur vie en sera changée, bouleversée, révolutionnée. Mais heureusement, ce sera pour le mieux!
En passant, John Fitzgerald Kennedy aimait à dire : «À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes».
(Avec Wired.)
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