BLOGUE. Depuis quelques années, un terme semble à la mode en matière d'innovation en entreprise : le design thinking. Peut-être en avez-vous déjà vaguement entendu parler, ou à tout le moins de la firme américaine qui s'en est faite le chantre, à savoir IDEO, une boîte de design dirigée par Tim Brown qui utilise cette méthode pour concevoir aussi bien un service bancaire inusité que le tube de dentifrice qui tient debout et que l'on trouve maintenant partout.
Pourquoi en faire l'objet de mon post d'aujourd'hui? Parce que ce matin est disponible en kiosque un numéro Spécial Créativité du journal Les affaires dans lequel figure mon reportage en Finlande sur les fabuleuses possibilités du design thinking. Et parce que je suis persuadé que cette méthode peut réellement vous permettre de mener à bien des projets incroyables!
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Une anecdote permet de saisir ce qu'est le design thinking. Un jour, un cabinet de dentistes a demandé à une agence de design de rendre plus agréable sa salle d'attente, en en redessinant le mobilier. Les designers se sont rendus sur place, et ont longuement observé les gens qui attendaient. Puis, ils ont réfléchi et sont revenus vers leur client non pas avec des croquis, mais avec une question déstabilisante : «Au fait, pourquoi les gens attendent-ils si longtemps dans votre salle d'attente?». De là, ils ne se sont plus attachés à moderniser le mobilier, mais à améliorer le fonctionnement interne de l'équipe de dentistes. Résultat? Le temps d'attente a été considérablement réduit, et tout le monde en a été ravi.
Le design thinking est une inversion complète de notre façon habituelle d'aborder une problématique. D'habitude, on constate qu'on a un problème, on en cherche l'origine et on se réunit à plusieurs pour en discuter et trouver, par élimination, la meilleure solution. Là, on se demande plutôt pourquoi on a un problème, pour en arriver à chercher les véritables besoins inassouvis des personnes concernées. Dans le cas présent, les gens ne souhaitaient pas être mieux assis, mais être assis le moins longtemps possible.
Si cela vous intéresse d'en savoir un peu plus sur ce que permet de faire le design thinking – je veux dire, concrètement –, je vous invite à cliquer sur les deux liens suivants. Il s'agit de cas concrets tirés de mon voyage en Finlande :
> Comment redonner l'envie aux gens de s'abonner à un quotidien
> Comment simplifier l'administration de la Ville d'Helsinki
Maintenant, vous vous demandez probablement comment vous y prendre pour adopter cette méthode. De fait, c'est bien beau de découvrir qu'il y a une meilleure façon d'innover que celle que vous utilisez actuellement, mais qu'est-ce que cela vous apporte de le savoir si vous ne pouvez pas en profiter? Pour vous venir en aide, du moins dans vos premiers pas en ce sens, j'entends partager avec vous les enseignements d'une étude passionnante sur le sujet, intitulée Adopting design thinking in novice multidisciplinary teams: The application and limits of design methods and reflexive practices. Cette dernière est signée par deux professeurs de technologie : Victor Seidel, de la Saïd Business School (Grande-Bretagne), et Sebastian Fixson, du Babson College (États-Unis). Elle indique tout bonnement ce que peut apporter – et ne pas apporter! – le design thinking à ceux qui s'en servent pour la première fois…
Ainsi, les deux chercheurs ont scruté à la loupe 14 cas d'innovation en entreprise par l'entremise du design thinking. Ils en ont tiré la conclusion que l'opération pouvait être découpée en trois étapes successives :
> La recherche du besoin véritable du consommateur;
> Le brainstorming;
> Le prototypage des différentes idées retenues.
À la suite de cette dernière étape, le tout nouveau produit ou service est lancé sur le marché.
Puis, MM. Seidel et Fixson ont demandé aux personnes impliquées dans ces 14 cas différents de répondre à un questionnaire, dans le but de mieux comprendre ce qui avait bien, ou moins bien, marché à chacune de ces étapes. Enfin, ils ont fait évaluer la «performance» de la trouvaille résultant de chacun de ces cas par un panel d'experts issus tant du milieu universitaire que de celui des affaires.
Résultat? «Le design thinking représente indéniablement un grand potentiel d'innovation pour toute équipe qui souhaite innover, à ceci près qu'il y a quelques écueils à éviter quand elles s'en servent pour la première fois», estiment les deux chercheurs. Quels écueils, au juste? Ils sont au nombre de deux :
> Brainstorming : à utiliser avec modération. Que fait une équipe quand elle doit accoucher d'une idée neuve? Hop, une réunion de brainstorming! Et s'il n'en sort pas grand-chose de transcendant? Hop, une autre réunion de brainstorming! Etc. Nous connaissons tous cela, pas vrai? Et cela marche si peu que l'on se demande si l'on ne perd pas son temps…
Les deux chercheurs ont découvert que la répétition des réunions de brainstorming ne servait strictement à rien. En fait, plus elles s'enchaînent, et plus elles sont contre-productives. À moins que, à chaque nouvelle réunion, soient inclus de nouvelles personnes : ces dernières apporteront véritablement de l'eau au moulin.
> Réflexion : en temps et lieu. Quand on innove, on réfléchit à tout moment sur ce que l'on est en train de faire et sur ce que l'on prévoit de faire à court-terme. On discute, on débat, on parlemente, etc. Du coup, on perd beaucoup de temps…
Cela étant, toutes ces réflexions ne sont pas vaines. D'après les deux chercheurs, elles sont pertinentes quand il s'agit de dresser les objectifs à atteindre, d'établir la stratégie à suivre et de mettre au point les processus qui permettront de réussir ce que l'on a décidé d'entreprendre. En revanche, elles sont néfastes passé l'étape du brainstorming : il convient alors d'arrêter de tergiverser pour passer à l'action.
«Si par malchance une équipe se mettait au design thinking et ne prenait pas garde aux différents écueils dans lesquels des novices tombent aisément, elle pourrait échouer et en conclure qu'il ne s'agit que d'une énième mode en matière d'innovation. Ce serait dommage, car il s'agit en vérité d'une méthode vraiment efficace», disent MM. Seidel et Fixson dans leur étude.
À vous donc de voir… Le design thinking est fait pour vous. Reste à savoir si vous parviendrez, ou pas, à vous y adapter.
En passant, cette définition de Gustave Flaubert tirée de son Dictionnaire des idées reçues : «Innovation : toujours dangereuse»…
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