BLOGUE. La fameuse «première impression». Y croyez-vous? Pensez-vous vraiment qu'on puisse juger une personne par une simple poignée de mains? Par un simple regard? Ou par un simple feeling?
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Difficile, pour ne pas dire impossible, de trancher, me direz-vous. Car vous avez sûrement en tête des exemples où une première impression s'est avérée fondée. Mais aussi des exemples où elle vous a fourvoyé.
Deux professeurs d'éducation ont voulu en avoir le cœur net : Susanna Loeb, de Stanford (États-Unis), et James Wyckoff, de l'École Curry de l'Université de Virginie à Charlottesville (États-Unis), lequel était assisté de son étudiante Allison Atteberry. Ils se sont demandé si la première impression que laissaient les jeunes professeurs durant leurs premières années d'enseignement était révélatrice, ou pas, de leur performance durant les années suivantes. Et ce qu'ils ont trouvé dans l'étude intitulée Do first impressions matter? Improvement in early career teacher effectiveness devrait en surprendre plus d'un…
Ainsi, les trois chercheurs ont commencé par s'interroger sur la façon dont on pouvait évaluer la performance d'un enseignant. Un sujet épineux, puisque l'éducation d'enfants est un domaine on ne peut plus intangible. Après mûres réflexions, ils ont décidé d'y aller au plus simple : pour eux, la performance d'un enseignant transparaît dans les résultats scolaires des enfants. Si les notes des élèves sont bonnes, c'est que l'influence de l'enseignant a été positive; et ce, d'autant plus si cela se vérifie année après année.
Puis, Mmes Loeb et Atteberry ainsi que M. Wickoff se sont intéressés à deux bases de données permettant de se faire une idée de la performance des enseignants. D'une part, celle du New York City Department of Education, d'autre part, celle du New York State Education Department. C'est que les deux combinées permettent de connaître :
> Chacune des notes des quelque 65 000 à 80 000 élèves enregistrés chaque année à New York.
> Le profil de chacun des élèves (sexe, âge, ethnie, classe suivie, langue parlée à la maison, etc.).
> Le profil de chacun des enseignants (sexe, âge, poste occupé, classes dirigées, expérience professionnelle, etc.).
Dans le cadre de leur étude, les trois chercheurs n'ont tenu compte que des notes en mathématique et en anglais. Ils n'ont regardé que l'évolution scolaire des enfants de la troisième à la huitième année. Et ils n'ont retenu que les professeurs qui enseignaient pour la première fois. L'idée était simple :
> Analyser la performance des enseignants à leurs début de carrière, au moment où, jeunes diplômés, ils prennent en mains pour la première fois une classe, en l'occurrence celle de troisième année. Et ce, durant les deux premières années d'enseignement.
> Analyser de la même manière les trois années suivantes d'enseignement de ces enseignants.
> Puis, observer s'il y a, ou pas, une corrélation entre la performance initiale (celle des deux premières années) et la suivante (celle des trois années suivantes).
Résultat? Limpide…
> La performance initiale des jeunes enseignants est révélatrice de celle des années suivantes. Et cela se vérifie surtout aux extrêmes : ceux qui excellent dès le départ continuent d'exceller par la suite; et inversement.
Par conséquent, la "première impression" est bel et bien la meilleure, en ce sens que tout début de carrière permet de se faire une bonne idée de la tournure que celle-ci va prendre au fil des années, à moins d'un accident majeur. La jeune recrue qui fait des étincelles dès le départ devrait poursuivre sur sa lancée des années durant, tandis que celle qui ne cesse de rater ce qu'elle entreprend ne devrait guère faire de merveilles par la suite. C'est peut-être dur, mais c'est comme ça.
En passant, l'écrivain français Paul Claudel a écrit dans son Journal : «Deux manières de briller : rejeter la lumière ou la produire».
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