Vous avez une décision importante à prendre. Mais vous n'avez aucune certitude quant au choix qu'il convient de faire. Que faites-vous dès lors? Comme tout le monde, vous demandez conseil autour de vous auprès de personnes compétentes et en qui vous avez entière confiance. Et vous faites peut-être même appel aux services d'un consultant expérimenté, si vos moyens le permettent. Logique.
Le hic? Impossible de savoir si les conseils ainsi recueillis sont judicieux, ou pas. Et il vous faut tout de même trancher, sans avoir pour autant une plus grande certitude quant au choix qu'il vous faut faire. Pas vrai?
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La bonne nouvelle du jour, c'est que j'ai mis la main sur une étude passionnante à ce sujet. Intitulée Conflicted advice and second opinions: Benefits, but unintended consequences, elle est signée par : Sunita Sah, professeure de management à l'École de management Johnson de l'Université Cornell, à New York (États-Unis); et George Loewenstein, professeur d'économie et de psychologie à l'Université Carnegie Mellon, à Pittsburgh (États-Unis). Et elle met au jour... la meilleure façon de demander conseil! Rien de moins.
Les deux chercheurs ont procédé à quatre expériences visant à analyser le comportement des consultants en fonction de la situation dans laquelle ils se trouvaient. Ils se sont intéressés, par exemple, aux réactions de personnes devant donner un conseil à autrui alors même qu'elles étaient soumises à un dilemme. Prenons le cas de figure de la toute première expérience :
> Conseillés. Une partie des participants à l'expérience jouaient le rôle des conseillés. Il leur fallait, par exemple, dire le nombre exact de points figurant sur un écran d'ordinateur (il y en avait des centaines), alors même qu'ils ne pouvaient en voir qu'un tout petit carré en son centre.
> Premiers conseillers. Une autre partie des participants jouaient le rôle des premiers conseillers. Ils connaissaient le nombre exact de points figurant sur l'écran, mais étaient financièrement incités à ne pas donner l'heure juste à leur conseillé : si jamais celui-ci indiquait au final un nombre de points nettement supérieur à la réalité, ils empocherait une prime conséquente. Leur dilemme, c'était qu'ils savaient que leur conseillé ferait appel aux lumières d'un second conseiller, et que leur roublardise risquait fort d'être déjouée.
> Seconds conseillers. Une dernière partie des participants jouaient le rôle des seconds conseillers. Ceux-ci n'étaient payés que si leur conseillé indiquait un nombre de points très proche de la réalité. Leur difficulté : ils ne connaissaient pas le nombre exact de points figurant sur l'écran d'ordinateur, mais avaient accès à un plus grand carré que celui présenté aux conseillés, ce qui leur permettait de se faire une idée relativement juste du total de points.
Fascinant, n'est-ce pas? Car cela permet de découvrir les cas de figure où il vaut mieux faire appel aux lumières avisées d'une ou de deux personnes, sachant que ces personnes-là, de toute manière, sont biaisées : ça peut en effet être le collègue que l'on apprécie grandement, mais dont on sait bien que l'objectif premier est de faire carrière, quitte à marcher sur les pieds d'autrui; ou encore, comme on vient de le voir, le consultant professionnel qui n'est pas si franc du collier que ça, pour des raisons qui lui sont propres.
Qu'est-ce que ces expériences ont permis à Mme Sah et à M. Loewenstein de trouver? Tenez-vous bien, ceci :
> Avantage à recueillir non pas un, mais deux points de vue. Les conseillés prennent, en général, de meilleures décisions lorsqu'ils font appel aux lumières non pas d'une, mais de deux personnes. Et ce, même si l'un comme l'autre sont plus ou moins biaisées dans leurs conseils. Une seule exception, toutefois : si jamais le second point de vue provient d'une personne peu compétente qui a, de surcroît, le culot de demander le gros prix pour ses conseils, alors le conseillé est assuré d'aller droit dans le mur ; car il sera totalement dérouté par ce que lui aura dit de faire ce conseiller-là.
> Un bon moyen d'atténuer le biais du premier conseiller. Curieusement, les premiers conseillers ont, en général, tendance à donner de mauvais conseils - comprendre, des conseils biaisés - à partir du moment où ils savent que le conseillé va voir, après eux, un autre conseiller.
Pourquoi? Parce qu'ils se disent que l'important, pour eux, est dès lors d'empocher vite fait le plus d'argent possible, sachant que l'autre conseiller risque de les contredire. Et parce qu'ils se disent en même temps que leurs conseils biaisés ne sont pas si moralement discutables que ça puisque le conseillé pourra rectifier le tir de lui-même grâce au second conseiller. Étrange réflexion, il est vrai, mais c'est tout de même ce qui se produit bel et bien dans un tel cas de figure!
Sachant cela, il est tout à fait possible de contrer ce phénomène. Comment? En jouant deux cartes maîtresses dont dispose toujours un conseillé, selon l'étude : «Le conseillé peut faire comprendre au premier conseiller que son avis sera communiqué au second conseiller, et ainsi lui signifier que sa réputation est en jeu. Ou si cela n'est pas vraiment possible (pour des raisons de confidentialité, par exemple), le conseillé peut faire comprendre au premier conseiller que si son avis lui a été vraiment bénéfique, il fera appel à lui à d'autres occasions, mais qu'en cas contraire leur relation s'arrêtera là», indiquent les deux chercheurs.
Que retenir de tout ça? Ce point en particulier, je pense :
> Qui entend prendre conseil se doit de prendre conseils. Il lui faut rechercher les lumières non pas d'une, mais de deux personnes. Et ce, même s'il a conscience que cela présente un coût en temps, en ressources, voire en argent. Mais à deux conditions, toutefois : d'une part, il doit faire comprendre au premier conseiller que la justesse de son avis est primordiale, et peut avoir des conséquences - positives comme négatives - pour lui aussi; d'autre part, il doit veiller à ce que le second conseiller soit réputé pour ses bons conseils. Et le tour est joué!
En passant, l'inventeur florentin protéiforme Léonard de Vinci disait : «Nul conseil n'est plus loyal que celui qui se donne sur un navire en péril».
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