BLOGUE. Cela a déjà dû vous arriver, ou cela le sera prochainement : vous vous êtes retrouvé, un beau jour, à un tout nouveau poste, et donc à la tête de nouvelles responsabilités, et peut-être même d’une toute nouvelle équipe. Votre mission? Vous montrer performant, du moins plus que votre prédecesseur. Et la direction vous a donné une tape dans le dos, en vous glissant à l’oreille que vous aviez une année pour réussir…
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Wow! Quel défi! Comme tout manager qui se respecte, vous avez alors échafaudé le traditionnel plan stratégique des trois premiers mois d’entrée en fonction, et avez misé sur les mois restants pour engranger tranquillement les résultats qui en découleraient inéluctablement. Pas vrai?
Et puis? Avez-vous atteint les objectifs visés? Oui? Non? Presque? Si vous avez procédé comme indiqué ci-dessus, je suis prêt à mettre ma main au feu que vous vous êtes planté, ou disons-le plus gentiment, que vous avez «partiellement réussi». Et je suis sûr que si vous êtes honnête avec vous-même, vous reconnaitrez que j’ai raison. (Je peux même avancer que vous attribuez certains de vos «petits ratages» à des circonstances hors de votre contrôle…).
Comment puis-je être aussi catégorique? Tout simplement parce qu’agir dès lors de manière «traditionnelle» ou «convenue» est le meilleur moyen d’échouer. Au contraire, il faut alors agir en révolutionnaire. Oui, il faut déclencher la révolution! Il faut carrément bousculer l’équipe en place et la petite routine des employés, si l’on veut enregistrer une performance exceptionnelle. Et ce, dès son entreée en poste.
Ça, je l’ai appris dans une étude passionnante, intitulée First year in office : How do new CEOs create value? Celle-ci est signée par deux professeures de finance, Yihui Pan, de la David Eccles School of Business (Utah), et Tracy Yue Wang, de la Carlson School of Business (Minnesota). Elle montre que ceux qui réussissent le mieux sont ceux qui amorcent d’emblée des changements radicaux tant dans l’équipe en place que dans la gestion des opérations…
Ainsi, les deux chercheures se sont plongées dans la banque de données ExecuComp, qui fourmille de détails sur les PDG d’entreprise aux Etats-Unis. Elles ont scruté à la loupe 24 780 entreprises, entre les années 1992 et 2007, pour finir par identifier 2 221 rotations de PDG, parmi lesquelles le tiers (30%) concernaient l’intronisation de nouveaux PDG issus d’une autre entreprise. Et elles ont regardé ce que tous ces PDG avaient fait durant leur première année au pouvoir, à savoir : avaient-ils, ou non, chamboulé l’équipe de direction en place? et avaient-ils, ou non, apporté des changements majeurs aux façons de travailler?
Qu’entend-on par «chambouler» l’équipe de direction? Les chercheures ont considéré que ça revenait à virer l’un des quatre membres de celle-ci les mieux payés, et à le remplacer, ou non, par une autre personne. Quant aux autres «changements majeurs», il s’agissait d’un licenciement substantiel de personnel, d’une vague d’embauche conséquente, ou encore de l’adoption d’une nouvelle stratégie d’affaires.
Premiers constats? Les équipes de direction sont davantage chamboulées à l’arrivée d’un nouveau PDG qu’en période normale, et les principaux concernés sont les vice-présidents en charge d’une division d’affaires ainsi que le vice-président en charge des finances. De plus, l’arrivée d’un nouveau PDG est souvent synonyme de licenciement (40% de chances que cela se produise, alors qu’en temps normal, le pourcentage est de 7%) et, dans une moindre mesure, de changement de stratégie (28,5% de chances que cela ait lieu, contre 4% en temps normal); en revanche, les nouveaux PDG ne sont pas plus enclins à recruter que les autres.
On le voit bien, les nouveaux PDG aiment apporter des changements dès qu’ils ont les rênes du pouvoir en mains. Ils aiment s’entourer de personnes qu’ils connaissent déjà, plutôt que de chercher à s’adapter aux lieutenants déjà en place. Ils apprécient également donner leur touche personnel à la gestion des opérations, estimant vraisemblablement que si le conseil d’administration les avait choisi, c’était pour faire les choses autrement.
Maintenant se pose la question de savoir si cela leur réussit, ou pas. Après tout, changer pour changer, est-ce bien nécessaire? N’est-ce pas un gaspillage de ressources et d’énergie, dans le simple but de flatter l’ego du leader?
Les deux chercheures ont trouvé que «oui», cela leur réussit. Et ce, sur tous les plans. Un exemple parmi d’autres : les entreprises qui ont connu un changement de PDG suivi d’une vague de licenciements voient en moyenne la valeur de leur titre boursier croître dans l’année de 9,9% de plus que les autres.
En fait, les enseignements sont nombreux, en voici les principaux en ce qui concerne les modifications apportés à l’équipe de direction, à mon avis :
> Plus le nouveau PDG chamboule l’équipe de direction, meilleurs seront les résultats financiers de l’entreprise dans les trois années à venir (cela est vrai que l’entreprise soit en bonne ou en mauvaise situation financière au moment de l’arrivée du nouveau PDG!);
> Quand un PDG en place décide de chambouler son équipe de direction, cela n’a pas autant d’effet que si c’est fait par un nouveau PDG; cela peut même avoir un effet désastreux si cela se produit quand l’entreprise est performante.
> Quand le nouveau PDG est une femme, il y a deux fois plus de chances qu’elle nomme une femme au sein de sa nouvelle équipe de direction que lorsque c’est un homme qui prend les rênes de l’entreprise;
> Quand le nouveau PDG est jeune, il y a aussi plus de chances qu’il intègre un jeune dirigeant dans sa nouvelle équipe de direction.
Quant aux changements apportés à la gestion des opérations, on peut en tirer une leçon :
> Comme on l’a vu, procéder à des licenciements d’entrée de jeu est bénéfique pour la valeur du titre boursier de l’entreprise; en revanche, recruter a l’effet inverse, et changer de stratégie n’a guère d’impact.
L’idéal est, d’après les deux chercheures, de mener les deux types de changements de front : changer l’équipe de direction et modifier la gestion des opérations. Bref, de faire la révolution. «Bouleverser l’équipe en place et la façon de travailler est ce qui procure la plus grande amélioration de la performance de l’entreprise. Cette stratégie radicale surclasse par ses résultats toutes les autres politiques envisageables», affirment-elles dans leur étude.
Pourquoi? «Parce que le fait de changer les dirigeants permet de mieux faire accpeter les autres changements», expliquent-elles. De fait, on s’en doute bien, tout changement, surtout s’il est radical, suscite quelques résistances. Or, il se trouve que ceux qui sont les mieux placés dans ce cas-là sont les tout nouveaux PDG, ceux qui viennent d’une autre entreprise, ont-elles découvert.
Mmes Pan et Wang ont noté que les nouveaux PDG venus de l’extérieur sont plus prompts à virer l’équipe de direction en place que les autres (l’écart est de 10 points de pourcentage entre les deux) et que ceux-ci sont également plus enclins à licencier du personnel. Ce qui, en fin de compte, se traduit par de meilleurs résultats financiers pour l’entreprise…
Le hic? De telles mesures ne se font jamais sans résistances. Les deux chercheures en ont étudié deux, à savoir : la naturelle résistance de l’équipe de direction en place, qui sent planer une menace au-dessus de sa tête à la suite de l’arrivée du nouveau venu; et la résistance générale dans la gestion des opérations découlant de l’empreinte laissée par le PDG sortant.
Après analyse, il se trouve que les nouveaux PDG qui connaissent bien l’équipe de direction en place et qui ont des liens étroits avec le PDG sortant sont ceux qui font peu de changements - sûrement par respect pour les convenances –, et qui donc réussissent le moins bien. Et à l’inverse, les nouveaux PDG venus d’ailleurs ressentent moins la pression du statu quo, ne se gênent par conséquent pas pour tout chambouler et sont, en fin de compte, couronnés de succès. «Cette moindre sensibilité aux résistances internes est ce qui fait toute la différence par rapport aux autres PDG», soulignent les deux chercheures.
Voilà… Impressionnant, n’est-ce pas? Qui aurait dit, avant de découvrir cette étude, que les révolutionnaires dans l’âme avaient en affaires un net avantage sur les autres? Pas grand monde, je crois… Et pourtant, c’est bel et bien la réalité. À vous, désormais, d’en tirer parti, si le cœur vous en dit…
En passant, Ernesto "Che" Guevara a écrit dans une lettre adressée à Fidel Castro : «Dans une révolution, on doit triompher ou mourir»…
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