J'ai rencontré Deepak Chopra. Oui, le médecin, penseur et auteur à succès d'origine indienne et de nationalité américaine qui a signé des bestsellers comme Le Livre des coïncidences et Les Sept lois spirituelles du succès. Celui qui a fait office de coach pour nombre de célébrités - Michael Jackson, Madonna, Lady Gaga, etc. Celui que le magazine Time a déjà considéré comme l'une des 100 personnalités les plus influentes du monde.
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Cette rencontre s'est produite la semaine dernière à Montréal, à l'occasion d'une conférence organisée par l'organisme haligonien Autopoetic Ideas. Une conférence renversante d'intelligence et de profondeur, durant laquelle Deepak Chopra a fait une brève allusion à sa propre conception du leadership, à savoir le leadership inspiré. (Je me permets de souligner que Deepak Chopra donne, par ailleurs, des cours de management à l'École de management Kellogg de l'Université Northwestern, en banlieue de Chicago, ainsi qu'à l'École de commerce de l'Université Columbia à New York, excusez du peu.)
D'après lui, il convient d'abandonner une bonne fois pour toutes le leadership traditionnel, celui en vigueur depuis l'apparition de ce concept au XXe siècle. Aujourd'hui, il est devenu obsolète, pour un leader, de chercher à commander et à contrôler : la fameuse image du chef d'orchestre, qui s'échine à faire jouer ensemble une multitude de personnes dans le seul but que chacun respecte à la note près une partition établie d'avance, est à présent d'un ridicule consommé; car plus personne n'accepte, maintenant, d'être dirigé à la baguette; car plus personne ne tolère d'être brimé dans son talent et sa créativité; bref, car une telle approche est contre-productive.
«Le leader actuel se doit d'être un leader inspiré, qui insuffle une âme au groupe dont il a la responsabilité. Son rôle fondamental est de combler les besoins de chacun, de telle sorte que les uns et les autres puissent toujours aller plus haut et plus loin, un pas après l'autre, tous ensemble», dit-il dans son livre The soul of leadership: Unlocking your potential for greatness (Harmony Books, 2010).
Ainsi, le leadership inspiré se présente sous la forme d'un acronyme : L.E.A.D.E.R.S. Un acronyme que je vais me faire un plaisir de vous expliciter.
> L pour L'ouverture d'esprit (Look and Listen, en anglais)
Un véritable leader doit savoir marier, à tout instant, «passion, valeurs et mission». Et ce faisant, il lui faut agir comme une source d'inspiration pour tous ceux qui l'entourent. Comment? «En écoutant et en laissant librement s'exprimer son esprit, son corps, son âme et son coeur», c'est-à-dire en se montrant totalement ouvert d'esprit.
Facile à dire, mais difficile, voire impossible, à mettre en oeuvre, pensez-vous sûrement. Voilà pourquoi Deepak Chopra préconise de recourir à quatre leviers successifs pour y parvenir chaque fois qu'il nous faut faire preuve d'ouverture d'esprit :
- Levier numéro 1 : Observer. Ce qui peut se faire en imaginant que nous sommes une caméra vidéo. Non pas une personne, encore moins un 'chef', mais bel et bien un objet qui enregistre de façon neutre des images et des sons. Pourquoi? Parce que cela nous permet de recueillir des informations de manière objective, sans les juger. Parce que cela nous permet d'observer vraiment, sans trier les informations en fonction de nos biais cognitifs.
- Levier numéro 2 : Analyser. Une fois les informations recueillies de la manière la plus objective qui soit, il nous faut les analyser. C'est-à-dire les peser et les scruter sous toutes leurs facettes, y compris celles qui nous séduisent le moins. Pour s'en faire une idée juste.
- Levier numéro 3 : Ressentir. Une fois qu'on a une idée juste de ce qui nous préoccupe, il nous faut avoir le courage d'écouter notre coeur. Non pas de chercher à recourir à la raison pour identifier des solutions au problème rencontré, comme nous le faisons toujours depuis notre tendre enfance, mais plutôt à fermer les yeux et écouter le message envoyé à ce sujet par notre coeur. Pourquoi? Parce que, selon Deepak Chopra, il n'y a pas de meilleur conseiller : notre esprit est fait de conscient et d'inconscient, et notre travers d'écarter d'emblée l'inconscient - «cette petite voix qui nous murmure quoi faire, mais qu'on peine tant à percevoir» - nous mène à nous nuire à nous-mêmes, et par la suite, aux autres, en raison de nos choix mal éclairés. Bref, un leader inspiré sait écouter son coeur, et donc, ressentir.
- Levier numéro 4 : Mûrir. Enfin, il nous faut savoir prendre notre temps, laisser mûrir les idées nouvelles qui nous sont évoquées par notre coeur, surtout si elles prennent le contre-pied de nos petites habitudes routinières. En effet, il convient de leur donner la chance d'imprégner notre inconscient, «cette intelligence profonde et illimitée qui nourrit notre vision du monde, qui nous permet de nous adapter aux nouvelles situations, qui nous permet d'aider ceux qui nous entourent de s'adapter, aux aussi, aux nouvelles situations». Car c'est lorsque notre inconscient entre en oeuvre que nous sommes à même de faire les bons choix. Jamais autrement : sans passion, la raison ne peut rien de transcendant.
> E pour Émotion (Emotion Bonding, en anglais)
Être ouvert d'esprit ne suffit pas. Il faut également parvenir à nouer des liens avec les autres. Pas n'importe quels liens, des liens émotionnels. Qu'est-ce à dire, au juste? Que chacun de nous évolue, en fait, dans un vaste réseau de connexions : nous avons des liens avec les membres de notre équipe; nous avons des liens avec des membres de l'entreprise; ou encore, des liens à l'externe, avec des clients et des partenaires, par exemple. Certains de ces liens sont étroits, d'autres distandus. Tous - et c'est cela qui importe - sont noués grâce à l'émotion, pas juste la raison. Surtout grâce à l'émotion, quand on y pense bien.
D'où l'intérêt de miser sur notre intelligence émotionnelle, «qui repose sur l'enthousiasme, l'empathie, le besoin de connecter avec autrui, l'envie même de faire du bien aux autres, en renforçant leur estime d'eux-mêmes et en dynamisant leurs forces». Car c'est ainsi qu'on peut être en mesure de nouer des liens forts avec tous ceux qui évoluent dans le même écosystème que nous.
> A pour Attention (Awareness, en anglais)
Être attentif, c'est être véritablement à l'écoute d'autrui. Ce n'est pas lui prêter un oreille, mais ses deux oreilles à la fois. Ce n'est pas faire semblant de l'écouter en réprimant un baîllement, mais entendre ce que notre interlocuteur exprimer, avec ses mots comme avec son coeur. C'est donc être entièrement disponible pour les autres.
Comment y parvenir chaque fois qu'il nous faut être franchement attentif? En se servant des différents leviers suggérés par Deepak Chopra, soit :
- Levier numéro 1 : Centralité. Se dire que rien d'autre ne compte que l'instant présent partagé avec notre interlocuteur. Et couper, autant que faire se peut, toute possibilité d'interruption non sollicitée (cellulaire, etc.).
- Levier numéro 2 : Auto-motivation. Se dire que quelque chose d'important est en train de se produire en ce moment-même entre votre interlocuteur et vous. Si vous ne voyez pas a priori ce qu'il y a là d'important pour vous, dîtes-vous bien que ce que l'autre veut vous communiquer est, à ses yeux, fondamental.
- Levier numéro 3 : Cohérence. Se dire que vous accordez toute votre attention à votre interlocuteur comme vous souhaiteriez que lui le fasse si jamais c'était vous qui aviez à lui communiquer quelque chose d'important. Et que vous agissez de la sorte comme, dans le fond, avec n'importe qui d'autre (votre mère, votre conjoint(e), votre fille, etc.)
- Levier numéro 4 : Intuition. Se dire que plus vous vous concentrez sur les propos de votre interlocuteur, plus votre inconscient capte d'informations, lesquelles vont nourrir votre intuition. Et, comme on l'a vu, cette dernière est primordiale pour une bonne prise de décision.
- Levier numéro 5 : Créativité. Se dire que chaque discussion est unique, et nécessite par conséquent toute votre créativité pour la rendre enrichissante, pour vous comme pour votre interlocuteur. Impossible de se contenter de ressortir toujours les mêmes phrases ou les mêmes expressions usées jusqu'à la moelle : il vous faut impérativement faire fonctionner vos neurones pour mener l'échange jusqu'à son plein potentiel.
- Levier numéro 6 : Inspiration. Se dire que les propos tenus par votre interlocuteur sont autant d'idées neuves qui sont en train d'être implantées dans votre esprit, et par suite, que cela va nécessairement entraîner l'émergence de toutes nouvelles pensées en vous. Et donc, qu'il convient de laisser l'inspiration vous gagner, en exprimant en retour à l'autre ce qui vous passe à ce moment-là par la tête, sans filtre, ni frein. Car c'est ainsi que la discussion peut devenir passionnante.
- Levier numéro 7 : Transcendance. Se dire que chaque discussion est une occasion en or d'aller là où jamais vous n'aviez songé vous rendre, de découvrir de tous nouveaux horizons, de vous propulser loin, très loin, de votre minuscule zone de confort. Et surtout, que c'est là le rôle premier de la discussion : Karl Marx ne disait-il pas, en effet, que la transcendance était «la faculté humaine de créer son propre avenir»?
> D pour Dévoiler (Dear to dream and Do it, en anglais)
Tout leader digne de ce nom se doit de retirer les voiles qui recouvrent la réalité, ou encore les talents des uns et des autres. Il lui faut en faire une priorité. Et pour y parvenir, il doit montrer l'exemple. C'est-à-dire qu'il doit aussi dire la vérité, et même oser se mettre à nu. Pourquoi? Parce qu'un leader n'est que peu de choses s'il n'est pas authentique.
Pas évident, n'est-ce pas? Car quel est le leader qui osera ne plus cacher ses faiblesses aux autres, ne serait-ce que par crainte de déclencher un vent de panique si les autres le voyaient, un beau jour, pleurer à chaudes larmes à la suite d'un échec, par exemple?
Allons plus loin avec Deepak Chopra. Un véritable leader doit avoir le cran de rêver éveillé, avec les autres. Et d'assumer ces rêves communs. Oui, de les assumer, à savoir de les mener jusqu'à leur terme. De les concrétiser. De les faire venir à la réalité. Bref, un leader doit aujourd'hui assumer «les rôles de protecteur, d'accoucheur, de bâtisseur, de nourrisseur, d'innovateur, de transformateur, et même de sage et de voyant», selon lui.
> E pour Empowerment (Empowerment, en anglais)
Qui dit leadership dit pouvoir. Or, le pouvoir est par essence néfaste, selon Deepak Chopra. «Le pouvoir s'accumule dans les mains du leader, au détriment des autres. Le pouvoir se retourne toujours contre celui qui l'a trop longtemps détenu entre ses mains. Enfin, le pouvoir corrompt même celui qui, au départ, avait les meilleures intentions du monde», considère-t-il.
Le hic? «C'est que le pouvoir est un mal nécessaire pour qui entend mener à son terme la vision qui l'anime», estime Deepak Chopra. Fort heureusement, le côté sombre du pouvoir peut être source d'une formidable énergie pour un leader qui sait comment en tenir compte habilement. Et ce, «en usant de compassion, de confiance, de stabilité et d'espoir» :
- Levier numéro 1 : Zéro ego. Il nous faut écarter notre ego autant que possible, «en se répétant que la décision à prendre est non pas personnelle, mais collective».
- Levier numéro 2 : Sérénité. Il nous faut faire preuve de calme, en toute situation, «en nous convaincant nous-mêmes que nous sommes plongés dans l'instant présent, et non pas tiraillés entre le passé et le futur».
- Levier numéro 3 : Obscurité. Il nous faut reconnaître et accepter le fait qu'il y a en nous une part d'ombre, faite de nos peurs, de nos angoisses, de nos envies. Puis, prendre soin de ne pas la laisser nous submerger, «en veillant à la contrer dès qu'elle surgit du néant». Comment? Grosso modo, en l'identifiant (ex.: «Là, c'est ma peur du vide») et en la conjurant (ex.: «Bon. Je vais me calmer, m'asseoir et porter mon regard là où il n'y a pas de vide, sur ce mur de briques, qui me donnera l'assurance nécessaire pour poursuivre en dépit du vide qui est à mes côtés»).
- Levier numéro 4 : Potentialité. Il nous faut prendre conscience du fait que le potentiel de chacun - nous comme autrui - est carrément infini. Oui, infini. Pour le réaliser, projetez-vous une seconde dans votre propre passé, et regardez comme étiez au travail il y a de cela dix années : je suis prêt à mettre ma main au feu que vous avez fait de sacrés progrès durant ce laps de temps. Des progrès prodigieux, n'ayons pas peur de le dire. Des progrès que vous n'imaginiez même pas possible à cette époque-là. Pas vrai? D'où l'intérêt de se dire que les autres recèlent un potentiel fou, et qu'il ne tient qu'à vous de contribuer à son éclosion.
> R pour Responsabilité (Responsability, en anglais)
Devenir responsable, c'est être capable d'affirmer sans rougir :
- Je suis responsable de ce que je pense;
- Je suis responsable de la façon dont je me sens;
- Je suis responsable de la façon dont je perçois mon environnement;
- Je suis responsable du rôle que je joue dans la société;
- Je suis responsable de mon environnement immédiat;
- Je suis responsable de ce que je dis;
- Je suis responsable de ce que je fais.
À partir du moment où on y arrive pleinement, on est en mesure d'agir en leader inspiré. C'est-à-dire d'amener ceux avec qui on est connecté à se comporter, à leur tour, de manière responsable.
> S pour Synchronicité (Synchronicity, en anglais)
La synchronicité, c'est ce drôle de phénomène qui se produit lorsque deux événements sans lien de causalité se produisent en notre présence, mais dont l'association prend un sens particulier à nos yeux. C'est ce qu'on désigne souvent sous le terme de coïncidences, à ceci près qu'elles n'en sont pas. C'est, si l'on veut, découvrir l'harmonie là où on ne l'attendait pas; et se laisser enchanter par celle-ci.
«La clé, c'est de considérer la synchronicité comme quelque chose de normal, pour ne pas dire de naturel. Il faut la considérer comme un message secret que nous seuls sommes en mesure de décoder. Comme un moyen de savourer l'instant présent. Comme un signe destiné à nous guider. Comme un dessein», estime Deepak Chopra.
Prenons un exemple, pour bien saisir. Imaginons qu'un problème lié au bureau vous taraude : vous vous devez de trancher et êtes tentés de prendre la décision la plus risquée, mais redoutez les conséquences en cas de revers. Et que, profitant de la pause de midi, vous décidiez de flâner dans une librairie. Là, sans y prêter garde, le premier livre sur lequel se porte votre regard a pour titre «En avoir ou pas». C'est tout. Vous avez votre réponse, de manière si insolite que cela vous fait sourire. Allez-vous faire votre choix en fonction de cette simple "coïncidence"? Eh bien, oui, si vous êtes un leader inspiré. Car, somme toute, ce titre a su faire vibrer une corde sensible de votre inconscient, à savoir le meilleur juge qui soit en cas de décision complexe.
Voilà. Vous pouvez maintenant devenir un vrai leader, c'est-à-dire un leader inspiré. Quelqu'un qui oeuvre non pas pour son petit profit personnel, mais pour le bien commun. Quelqu'un qui a compris que pour être heureux, il lui faut non pas chercher à recevoir, mais à donner. Quelqu'un qui est juste quelqu'un de bien. C'est aussi simple que ça.
En passant, une dernière pensée de Deepak Chopra, qui aime à dire : «La réponse la plus saine à la vie est la joie».
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