BLOGUE. Avez-vous déjà entendu parler du Project Oxygen? Pas vraiment, probablement, même si vous êtes féru de management et de leadership. Il s’agit d’un programme longtemps secret de Google, dont l’objectif est de revoir de fond en comble la définition du leader d’équipe. Rien de moins. Le New York Times a éventé le secret il y a de cela quelques mois, et ses enseignements sont très instructifs, pour qui sait les regarder comme il faut…
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Au début de 2009, la haute-direction de Google a lancé un programme interne dénommé Project Oxygen. Sa mission : assurer ni plus ni moins que la survie de Google, en découvrant le «code secret» du boss idéal. L’idée était somme toute très simple, mais redoutablement audacieuse, puisqu’elle consistait à répondre à la question : qu’est-ce qu’un leader?
Le besoin de s’attaquer à ce problème résultait du fait que Google, depuis ses débuts, n’avait jamais vraiment réfléchi à ce que devait être la direction d’une équipe. Devenu le géant planétaire que l’on sait, il était devenu urgent de trouver le moyen d’assurer une croissance harmonieuse de ses équipes et de son personnel. Plus question de se fier au seul instinct de chacun des leaders, avec pour ligne directrice «Laisse les employés tranquilles, ils savent ce qu’il faut faire, et le font bien».
«Chez Google, il était jusqu’alors attendu d’un boss qu’il soit disponible pour chacun et tienne des réunions one-on-one à volonté; qu’il soit là pour aider chacun à résoudre ses problèmes; qu’il ne donne jamais de directives, mais suggère des pistes à emprunter; qu’il accorde une grande attention à la conciliation travail-vie de famille; etc. On supposait aussi qu’il était un ingénieur aussi compétent que les membres de son équipe. Mais, la haute-direction a fini par réaliser que cette approche intuitive n’était pas optimale», a dit au quotidien new-yorkais Lazlo Bock, vice-président, ressources humaines, de Google.
C’est pourquoi il a été décidé de mettre sur pied une équipe chargée de revoir de fond en comble les pratiques managériales du groupe. Et celle-ci s’est penchée sur le problème comme le ferait n’importe quel ingénieur, en cherchant avant tout des données fiables sur le sujet. Comme rien de tel n’existait, il a été recueilli plus de 10 000 observations sur les managers en place, à partir d’une centaine de variables issues de revues de performance personnelle, d’études de feedback et autres rapports des ressources humaines. Toutes ces données ont ensuite été passées au crible afin d’en dégager des tendances. Enfin, un document de 400 pages a été émis, duquel il ressortait Les 8 Règles du manager hautement efficace de Google…
Que sont ces fameuses 8 Règles? Elles figurent toutes dans le PDF joint à ce post de blogue «En Tête», présentées par ordre d’importance :
1. Sois un bon coach
2. Donne du pouvoir à ton équipe et ne fais jamais de micro-management
3. Soucis-toi du succès et du bien-être des employés
Etc.
Pas la peine de toutes les énumérer, vous avez déjà compris : ces 8 Règles ne présentent rien de neuf. Non, rien de révolutionnaire. Rien de transcendant, comme promet pourtant de le faire Google à chacune de ses innovations. Ces 8 Règles ne sont que des poncifs du management, des lois éculées que plus personne n’ose énoncer de nos jours tant elles semblent simplistes.
Immense déception? Eh bien non. C’est le post d’hier du blogue de Bob Sutton qui m’a fait changer d’opinion. Le professeur de management de Stanford et auteur, entre autres, de Good Boss, Bad Boss, y indique en effet que l’on peut faire des louanges à la haute-direction de Google pour avoir adopté une approche raisonnée, et non intuitive, du management et du leadership.
«Google a eu le cran de considérer qu’il s’agissait bel et bien des fondamentaux du management, et de les appliquer avec méthode. Résultat : ses managers qui suivent aux plus près ces Règles se trouvent aujourd’hui à la tête des équipes les plus performantes de la compagnie, des équipes affichant les plus bas taux de roulement et globalement des employés les plus heureux», dit-il en substance.
De fait, une fois ses Règles édictées, Google a lancé des programmes de formation pour tous ses managers, programmes adaptés aux «faiblesses» et aux «points forts» de chacun d’eux. Les progrès se sont vite faits sentir : «Nous avons mesuré une performance globale des managers supérieure de 75% par rapport à avant les formations», a confié M. Block.
Un exemple éclairant… L’un des managers n’était pas aimé des membres de son équipe. Ils le trouvaient, certes, compétent, mais aussi «bourreau de travail, arrogant, politique et secret». Et ils voulaient le voir partir au plus vite. Un jour, celui-ci a demandé une promotion, mais elle lui a été refusée sous le prétexte que «son style de management n’était pas bon». La direction lui a alors offert les services d’un coach personnel, et six mois plus tard, son équipe l’appréciait enfin comme boss. «Bon, il n’est pas devenu ainsi l’un de nos meilleurs managers, mais il n’est plus parmi les pires», souligne le vice-président de Google.
Et Bob Sutton d’ajouter en substance : «Le coup de génie de Google, cette fois-ci, ça a été de remettre en cause la croyance que ses managers étaient «spéciaux» et «différents», et de leur appliquer des règles éprouvées pour améliorer leur efficacité».
Qu’en pensez-vous? Faut-il toujours chercher à réinventer la roue? Ou peut-on, parfois, se contenter de bonnes vieilles recettes dont la qualité principale est qu’elles sont impérissables?
L’écrivain français Maurice Druon disait dans Le Pouvoir : «Une tradition, ce n’est jamais qu’un progrès qui a réussi»…
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