BLOGUE. Comme nous ne pouvons pas tout faire nous-mêmes, arrive toujours le moment où il nous faut nous en remettre à quelqu'un d'autre. Notre premier réflexe consiste à chercher un proche en qui nous avons une grande confiance. Et si l'on ne trouve pas, à un expert dans le domaine en question, c'est-à-dire quelqu'un qui jouit d'une bonne réputation et d'une solide expérience. Mais voilà, un beau jour, nous n'avons d'autre solution que de faire appel à un parfait inconnu. Et nous en avons des sueurs froides…
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Pourquoi ça? Parce que nous avons du mal à déléguer. Parce que nous avons peur de payer cher et longtemps les conséquences d'un mauvais choix. Parce que si cela se passe mal, nous nous en sentirons responsables.
La question saute aux yeux : avons-nous raison ou tort d'être ainsi réticents envers les étrangers? La réponse se trouve, à mon avis, dans une étude intitulée Does trust pay off? et signée par Ruben de Bliek, un professeur d'économie de l'Université Erasmus de Rotterdam (Pays-Bas). Car celle-ci montre que mieux vaut en général faire confiance aux autres, mais pas n'importe comment…
Les études sur l'impact économique de la confiance que s'accordent les gens entre eux se multiplient depuis une quinzaine d'années. La plupart d'entre elles, à l'image de celles de Fukuyama (1996) et de Putman (1994 et 2000), tendent à indiquer que les sociétés qui sont les plus ouvertes aux étrangers sont souvent les plus prospères sur le plan économique. Soit. Mais peut-on pour autant dire que ces mêmes sociétés sont plus performantes? Et ce qui est valable ici au niveau macro-économique l'est-il aussi au niveau micro-économique?
M. de Bliek s'est attelé à ces deux interrogations. Pour cela, il s'est plongé dans une immense base de données, le Panel socio-économique allemand. Cette dernière possède une foule d'informations ultra-précises sur 26 303 Allemands, qui touchent aux revenus, au niveau d'éducation, au degré de confiance envers autrui, etc. Il s'est intéressé à deux années, 2003 et 2008. Il a regardé s'il y avait, ou non, des corrélations entre certaines de ces données. Puis, il a procédé à différents calculs économétriques visant à vérifier si ces corrélations étaient assez solides pour se vérifier au niveau de l'individu. Qu'a-t-il alors constaté?
> Le degré de confiance interpersonnel d'un individu est corrélé positivement avec son niveau de revenus. Autrement dit, plus on a tendance à faire confiance à autrui, plus on gagne d'argent.
> Quand un individu se met à faire davantage confiance aux étrangers, son niveau de revenus se met lui aussi à croître. Et inversement.
> Il existe un niveau optimal du degré de confiance qu'un individu peut accorder à autrui. En-dessous de ce point, l'individu voit sa marge de gains sans cesse croître; et au-delà de celui-ci, il voit cette marge se mettre à décliner.
Par conséquent, il est payant d'accorder sa confiance aux autres, y compris à ceux que l'on connaît à peine, voire pas du tout. Et surtout, il y a, pour chacun de nous, un niveau optimal de degré de confiance. Comment déterminer celui-ci? M. de Bliek a découvert qu'il dépend essentiellement de notre propension à être optimiste ou pessimiste dans la vie.
«La meilleure stratégie individuelle semble consister à accorder sa confiance à un étranger, mais à vérifier systématiquement si l'on a bien fait. Car, sur le plan théorique, ceux qui suivent cette stratégie enregistrent de meilleurs résultats que ceux qui sont naïfs (c'est-à-dire ceux qui sont «trop optimistes» dans la vie) et que ceux qui sont timorés (soit ceux qui sont «trop pessimistes» dans la vie)», dit le professeur d'économie dans son étude, en expliquant que «tout cela découle surtout du fait que les optimistes sont des proies faciles pour les arnaqueurs et que les pessimistes, eux, ratent de bonnes affaires à cause de leur blocage psychologique».
M. de Bliek ajoute : «La performance d'un individu au travail dépend en grande partie de sa facilité à collaborer avec les autres, y compris les personnes qu'il ne connaît pas. Ceux qui s'en sortent donc le mieux au bureau et ailleurs sont ceux qui adoptent la stratégie du je-fais-confiance-mais-je-checke».
En passant, Andrei Stoiciu, un consultant roumain en management qui a étudié à l'UQÀM et à McGill, a dit dans son livre de nouvelles Montana : «La méfiance est la sagesse des faibles».
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