BLOGUE. Un récent sondage du Conference Board montre que seulement 46% des Américains se disent «satisfaits» de leur travail. C'est le plus petit pourcentage de ces deux dernières décennies. De surcroît, un autre sondage a mis au jour le fait que nos voisins du Sud n'ont jamais passé autant de temps au travail qu'aujourd'hui. À croire qu'ils aiment se rendre malheureux…
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Rien d'étonnant, par conséquent, que les entreprises rivalisent d'ingéniosité pour tenter de remotiver leurs employés. Bien souvent, cela se traduit par des primes à la performance et autres offres de congés supplémentaires. Avec, on le voit tout autour de nous, des résultats pour le moins mitigés.
Que faire, alors, pour renouer avec le plaisir de travailler? Pour se lever, le matin, avec le sourire aux lèvres à l'idée de ce que nous réserve la journée au bureau? Pour se sentir vibrer dès qu'on se met à l'œuvre?
Une équipe de cinq éminents chercheurs a tenu à le découvrir : Lalin Anik, professeure en économie comportementale à l'École de commerce Fuqua (États-Unis); Lara Aknin, professeure en psychologie à l'Université Simon-Fraser (Canada); Michael Norton, professeur de gestion des affaires à Harvard (États-Unis); Elizabeth Dunn, professeure de psychologie à l'Université de Colombie-Britannique à Vancouver (Canada); et Jordi Quoidbach, professeur de psychologie à l'Université Pompeu-Fabra à Barcelone (Espagne). Dans le cadre de leur étude intitulée Prosocial bonuses increase employee satisfaction and team performance, ils ont regardé s'il n'y avait pas un truc ultrasimple pour y parvenir.
Un truc ultrasimple? Oui, le suivant : et si, au lieu de verser une prime à quelqu'un en fonction de sa performance, on lui attribuait la même somme, mais à la condition qu'il la donne ensuite à un collègue…
Intrigant, n'est-ce pas? On pourrait se dire, a priori, que personne n'est tenté d'en faire plus que d'habitude pour le profit d'autrui. Regardons ce qu'ont donné les trois expériences qu'ils ont mené à cet effet.
Dans la première expérience, les cinq chercheurs ont invité 46 employés d'une banque australienne à remplir en ligne un questionnaire sur leur niveau de satisfaction au travail. Deux semaines plus tard, les participants ont reçu un courriel leur annonçant une bonne nouvelle :
> La moitié d'entre eux se sont vu remettre 25 dollars – une somme dérisoire compte tenu des salaires des personnes concernées – qu'ils devaient attribuer à l'organisme de bienfaisance de leur choix, via le site Web KarmaCurrency.com.
> L'autre moitié a disposé, elle, de 50 dollars – une somme significative, cette fois-ci – à attribuer à l'organisme de bienfaisance de leur choix.
Puis, tous ont été invités à remplir un nouveau questionnaire sur le niveau de satisfaction au travail, qu'ils devaient impérativement remplir d'ici les quinze jours à venir.
Résultat? Fort intéressant :
> Plus heureux. Ceux qui ont donné 50 dollars à autrui se sont senti nettement plus heureux au travail que d'habitude. Pas vraiment les autres participants.
Dans la deuxième expérience, 62 étudiants de l'Université de Colombie-Britannique, qui brillaient au sein de leur équipe de ballon-chasseur, ont chacun reçu un billet de 20 dollars. Leur mission : le dépenser d'ici la fin de la semaine. Sans le savoir, les participants figuraient dans deux catégories distinctes :
> Pour les uns, il avait été indiqué qu'ils pouvaient s'offrir ce qu'ils voulaient avec.
> Pour les autres, il avait été indiqué qu'ils devaient acheter avec un cadeau qui serait offert à un membre de leur équipe de ballon-chasseur désigné par tirage au sort.
Résultat? Tenez-vous bien…
> Une équipe plus performante. Ceux qui ont dépensé le billet de 20 dollars au profit d'autrui ont vu la performance de leur équipe s'améliorer dans les semaines qui ont suivi. Ce qui ne s'est pas vérifié pour les autres participants.
Dans la dernière expérience, 112 représentants commerciaux d'une compagnie pharmaceutique établie en Belgique, qui affichaient de bons résultats de vente, ont reçu chacun 15 euros (environ 21 dollars) à dépenser, une fois de plus, d'ici la fin de la semaine. Là encore, la moitié étaient invités à se faire un petit cadeau avec, et l'autre, un cadeau à un collègue évoluant dans la même équipe que la leur (ces représentants commerciaux fonctionnent en équipe, chacune ayant la responsabilité d'une zone géographique), tiré au sort.
Résultat? Conforme aux attentes des cinq chercheurs…
> Une équipe vraiment plus performante. Ceux qui ont dépensé les 15 euros au profit d'autrui ont vu la performance de leur équipe s'améliorer dans le mois qui a suivi. Ce qui ne s'est pas vérifié pour les autres participants.
Que retenir de tout cela? Une chose très simple :
> Adoptez le système des primes solidaires. Si vous voulez rendre vos employés plus heureux et plus efficaces, il vous suffit de remplacer les classiques primes à la performance par des primes solidaires, c'est-à-dire des primes que l'on touche parce qu'on les mérite, mais des primes que l'on doit dépenser non pour soi, mais pour un collègue proche désigné par tirage au sort.
Vous doutez encore? Eh bien, tentez l'expérience, et vous verrez pas vous-même.
En passant, l'écrivain français Jean-François de La Harpe a dit dans Philoctète : «Le plaisir des bons cœurs, c'est la reconnaissance».
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